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30/05/2006 | FRANCE | N°02PA01994

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre - formation b, 30 mai 2006, 02PA01994


Vu le recours, enregistré le 5 juin 2002, du MINISTRE DE L'OUTRE-MER ; le MINISTRE DE L'OUTRE-MER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-0022 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 31 janvier 2002 :

- déclarant à la demande de la SARL Tiaré Beach, l'Etat responsable des dommages occasionnés à la SARL TIARE BEACH en raison du refus d'accorder la force publique pour l'exécution de l'ordonnance du 20 octobre 1999 ;

- décidant de surseoir à statuer sur le montant de l'indemnisation de la société requérante ;

- accordant une provi

sion de 25.000.000 F CFP à la SARL Tiaré Beach ainsi qu'une somme de 100.000 F CFP au t...

Vu le recours, enregistré le 5 juin 2002, du MINISTRE DE L'OUTRE-MER ; le MINISTRE DE L'OUTRE-MER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-0022 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 31 janvier 2002 :

- déclarant à la demande de la SARL Tiaré Beach, l'Etat responsable des dommages occasionnés à la SARL TIARE BEACH en raison du refus d'accorder la force publique pour l'exécution de l'ordonnance du 20 octobre 1999 ;

- décidant de surseoir à statuer sur le montant de l'indemnisation de la société requérante ;

- accordant une provision de 25.000.000 F CFP à la SARL Tiaré Beach ainsi qu'une somme de 100.000 F CFP au titre des frais irrépétibles ;

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le MINISTRE DE L'OUTRE-MER soutient que le jugement est entaché de contradiction de motifs dès lors que le tribunal ne pouvait pas estimer d'une part que la requête de l'ADRAF était sans influence sur la responsabilité de l'Etat et d'autre part que la demande d'indemnisation de la société Tiaré Beach pouvait dépendre de l'issue de la procédure engagée par l'ADRAF ; le tribunal a commis une erreur de droit en ne décidant pas de surseoir à statuer dès lors qu'une question préjudicielle s'imposait ; les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit en considérant que la responsabilité de l'Etat était engagée pour faute ; la société Tiaré fondait son droit à réparation sur la jurisprudence Couitéas dont le principe trouvait à s'appliquer en l'espèce ;

Vu la mise en demeure adressée le 5 mars 2003 à la SCP Ancel et Couturier-Heller, en application de l'article R. 612-2 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2003, présenté pour la société Tiare Beach qui conclut au rejet du recours de ministre aux motifs que l'Etat est tenu de prêter son concours pour l'exécution de la chose jugée ; le tribunal était tenu de se prononcer sur le principe de la responsabilité ; en revanche la question de l'attribution d'une indemnisation définitive pouvait passer par la certitude de la qualité de propriétaire de la victime du préjudice ; l'administration en première instance n'invoquait pas de menaces à l'ordre public ; le tribunal n'a commis aucune contradiction de motifs dans son jugement ; seules des circonstances exceptionnelles pourraient justifier l'inaction de l'administration ; or le seul fait que M. X... se soit montré menaçant à l'égard du gérant de la société Tiaré Beach n'interdisait pas l'expulsion ; le domaine de Tiaré n'est pas l'objet de revendications claniques comme le soutient le ministre et les projets qui ont été élaborés concernant ce domaine n'ont pas été abandonnés en raison de telles revendications ; l'accord de Nouméa et la loi organique du 19 mars 1999 n'ont pas conféré à la seule communauté kanak un droit foncier en Nouvelle-Calédonie ; le domaine de Tiaré n'a jamais été cadastré comme terre coutumière ; le haut commissaire a, par un détournement de procédure, tenté d'utiliser l'ADRAF pour introduire une procédure devant le juge civil ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2003, présenté par l'agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF) qui informe la cour de ce qu'elle interjette appel du jugement rendu par le tribunal de première instance de Nouméa du 14 avril 2003 dans l'affaire l'opposant à la SARL Tiaré Beach ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 décembre 2003, présenté par le MINISTRE DE L'OUTRE-MER qui persiste dans les conclusions de son recours par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n°99-209 et la loi n°99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code de justice administrative, dans sa version applicable à la Nouvelle-Calédonie ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2006 :

- le rapport de Mme Appeche-Otani, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Giraudon, commissaire du gouvernement ;

Considérant en premier lieu, que la société Tiaré Beach qui a acquis le 3 novembre 1997 un domaine situé dans la commune de Païta, a obtenu du juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa qu'il ordonne le 20 octobre 1999, à Mme X... ainsi qu'à toutes personnes agissant de son chef, de laisser libre l'accès tant pour les personnes que pour les véhicules de ladite propriété ; que la société Tiaré Beach ayant demandé sans succès à l'Etat de lui prêter main forte pour l'exécution de cette décision de justice, a saisi le Tribunal administratif de Nouméa d'une demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de ce refus de concours de la force publique ; que le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a pu, sans entacher son jugement de contrariété de motifs d'une part, estimer que le refus de concours de la force publique était de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de la société TIARE BEACH prise en sa qualité de justiciable nanti d'une décision de justice et en droit d'en obtenir exécution et d'autre part, surseoir à statuer sur le montant de l'indemnisation à accorder à ladite société en sa qualité de propriétaire du terrain jusqu'à ce que le juge civil saisi à la demande du haut Commissaire de la République par l'Agence de Développement rural et d'Aménagement foncier (ADRAF) d'une action en nullité de la vente du terrain intervenue en 1997 se fût prononcé ; que le MINISTRE DE L'OUTRE-MER n'est par suite pas fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Nouméa serait irrégulier ; que le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en estimant, eu égard à la nature du litige qui lui était soumis, qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer sur l'ensemble du litige dont il était saisi jusqu'à ce que le juge judiciaire se fût prononcé sur une question préjudicielle portant sur la propriété du terrain dont la libération avait, en tout état de cause, été ordonnée par ordonnance de référé du 20 octobre 1999 du président du tribunal de première instance de Nouméa ;

Considérant en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient le ministre, la société Tiare Beach faisait valoir, dès sa requête introductive d'instance devant le Tribunal administratif de Nouméa que la carence de l'Etat ne pouvait être justifiée par des menaces d'émeutes des occupants du terrain et soutenait dans son mémoire en réplique du 23 août 2001 que le délogement de la seule famille présente sur le terrain ne présentait aucun risque pour l'ordre public ; que s'il ressort d'un jugement du tribunal correctionnel de Nouméa du 3 décembre 1999 qu'un des membres de la famille occupant le terrain de la société Tiaré s'est rendu coupable d'actes de violence sur le gérant de ladite société, ces actes de violence isolés ne sauraient suffire à établir l'existence de menaces de troubles graves à l'ordre public de nature à justifier le refus de l'Etat de prêter le concours qui lui était demandé ; que si le ministre fait par ailleurs état de rivalités opposant deux tribus riveraines du domaine de Tiaré et qui revendiqueraient ledit terrain, il ne verse à l'appui de ses allégations contestées par la société Tiaré Beach, aucun élément de nature à établir l'existence, la nature et l'ampleur des risques de troubles à l'ordre public qu'aurait entraînés l'exécution de l'ordonnance d'expulsion susmentionnée ; que les références générales du ministre au contexte de revendications foncières qui selon ses écritures serait récurrent en Nouvelle-Calédonie et se serait fortement accentué au cours des dernières années, ne permettent pas de tenir pour établi que dans les circonstances propres à l'espèce, l'emploi de la force publique pour assurer l'exécution de la décision de justice dont était nantie la société Tiaré Beach aurait suscité des réactions de nature à porter un trouble grave à l'ordre public ; que les dispositions de l'accord de Nouméa et celles de l'article 18 de la loi organique susvisée du 19 mars 1999, invoquées par le ministre n'ont pas eu pour effet de remettre en cause le droit de tout justiciable d'obtenir l'exécution des décisions de justice ; que par suite, le MINISTRE DE L'OUTRE-MER n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que dans le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que la carence de l'Etat était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de celui-ci ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours du MINISTRE DE L'OUTRE-MER doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la société Tiaré Beach une somme de 2500 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'OUTRE-MER est rejeté.

Article 2 : Le MINISTRE DE L'OUTRE-MER versera à la société Tiaré Beach une somme de 2.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE-OTANI
Rapporteur public ?: Mme GIRAUDON
Avocat(s) : SCP ANCEL ET COUTURIER-HELLER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre - formation b
Date de la décision : 30/05/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 02PA01994
Numéro NOR : CETATEXT000007448925 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-05-30;02pa01994 ?
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