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07/04/2006 | FRANCE | N°03PA03941

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre - formation b, 07 avril 2006, 03PA03941


Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2003 au greffe de la cour, présentée pour Mme veuve Thérèse X, venant aux droits de son époux décédé M. Louis X, demeurant ... par Me Saillard avocat ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9605285/2 en date du 26 juin 2003 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté partiellement sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1990 mise en recouvrement le 30 septembre 19

95 ;

2°) de lui accorder la décharge de l'imposition contestée ;

3°) de lui a...

Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2003 au greffe de la cour, présentée pour Mme veuve Thérèse X, venant aux droits de son époux décédé M. Louis X, demeurant ... par Me Saillard avocat ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9605285/2 en date du 26 juin 2003 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté partiellement sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1990 mise en recouvrement le 30 septembre 1995 ;

2°) de lui accorder la décharge de l'imposition contestée ;

3°) de lui accorder le remboursement du droit de timbre et des frais irrépétibles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2006 :

- le rapport de Mme Evgenas, rapporteur,

- les observations de Me Axel Saillard pour Mme X,

- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'administration a estimé qu'en prenant en charge les travaux d'aménagement de l'appartement du 6ème étage de l'immeuble situé à Cannes pour un montant de 4 692 656 F, la SA Setic avait agi, non dans son propre intérêt mais dans le but d'accorder un avantage au bailleur, la SCI « Rond-Point Duboys d'Angers », dont M. X, PDG de Setic, détenait avec son épouse 90% du capital ; qu'elle a ainsi réintégré au revenu imposable à l'impôt sur le revenu de M. X, en qualité de revenu distribué, 90% du montant des travaux litigieux soit la somme de 4 223 390 F ; que Mme X, subrogée dans les droits de son époux décédé, demande la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu en résultant au titre de l'année 1990 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que les travaux d'aménagement entrepris sur l'appartement du 6ème étage de l'immeuble situé à Cannes ayant été immobilisés par la société Setic qui n'en n'a donc pas été dépossédée, ils ne pouvaient être regardés comme constituant un revenu distribué au profit de M. X ; que les premiers juges ont, en outre, retenu que M. X utilisait ce logement à titre privé, sans en exposer les motifs alors la requérante soutenait que le local était utilisé par le personnel de l'entreprise Setic ; que par suite, ledit jugement étant entaché d'une omission à statuer et d'une insuffisance de motivation, Mme X est fondée à demander l'annulation de l'article 2 de ce jugement sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres irrégularités invoquées ; qu'il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement attaqué, d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur les conclusions en décharge restant en litige présentées par Mme X devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. » ;

Considérant que la notification de redressement du 8 octobre 1992 adressée à M. X qui indique que la prise en charge injustifiée par la société Setic de travaux incombant au bailleur, la SCI « Rond Point Duboys d'Angers », constitue un revenu distribué au profit des associés de la SCI et précise le montant du revenu distribué entre les mains de M. X, est suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la prétendue irrégularité dont serait entaché l'avis de la commission départementale des impôts saisie dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SA Setic est, compte tenu de l'indépendance des procédures, inopérant au regard de la procédure d'imposition suivie à l'égard de M. X ;

Considérant,, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : … b) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus… L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour justifier le redressement litigieux, résultant de la distribution au profit de M. X, associé à hauteur de 90% du capital de la SCI « Rond-Point Duboys d'Angers », des travaux d'aménagements réalisés par la SA Setic dans l'appartement pris à bail auprès de la SCI, l'administration a fait valoir, tant au cours de la procédure d'imposition que devant le juge, non pas que les différents actes tels, l'acte de création de la SCI et le bail passé par la SA, auraient été conclus de manière fictive ou dans le seul but d'éluder l'impôt, mais que les travaux ne répondaient pas à l'intérêt de la société Setic et constituaient une libéralité accordée au bailleur, taxable entre les mains des associés de la SCI ; que, ce faisant, l'administration ne s'est pas placée sur le terrain de l'abus de droit ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle se serait fondée implicitement mais nécessairement sur l'existence d'un abus de droit et aurait ainsi méconnu les obligations procédurales qui s'attachent à un tel fondement, doit être écarté ; que par ailleurs, le moyen tiré de la méconnaissance desdites obligations à l'égard de la société Setic est inopérant au regard de la procédure d'imposition suivie à l'égard de M. X ;

Sur le bien fondé :

En ce qui concerne la prescription :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1658 du code général des impôts : Les impôts directs... sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet et qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1659 du même code : La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658, d'accord avec le trésorier-payeur général. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables ; qu'il résulte des dispositions précitées que la date de la mise en recouvrement de l'impôt établi par voie de rôle est celle de la décision administrative homologuant le rôle conformément aux dispositions de l'article 1659 du code général des impôts et non celle de la réception de l'avis d'imposition délivré au contribuable ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : « Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due…» ; et qu'aux termes de l'article L. 189 du même code : « La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement…» ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision portant homologation du rôle en vertu duquel a été mis en recouvrement le supplément d'impôt sur le revenu auquel Mme X a été assujettie au titre de l'année 1990 a été prise le 30 septembre 1995 ; qu'à cette date, le délai de reprise ouvert à l'administration en application des articles L. 169 et L. 189 du livre des procédures fiscales n'était pas expiré, eu égard à la notification, le 8 octobre 1992, d'une proposition de redressement interruptive de prescription ; que, dès lors, l'imposition litigieuse a été régulièrement établie, nonobstant la circonstance que l'avis de paiement correspondant, dont la régularité et les modalités de notification sont sans influence sur la régularité de l'imposition, ne serait parvenu à la requérante qu'après l'expiration dudit délai ; que, par suite, Mme X n'est pas fondée à soutenir que les impositions litigieuses étaient prescrites ; que le moyen tiré du défaut d'exigibilité de l'imposition relève du contentieux du recouvrement et doit, par suite, être également écarté ;

En ce qui concerne la distribution :

Considérant que par un bail commercial en date du 7 juin 1990 la SA Setic a pris en location auprès de la SCI« Rond-Point Duboys d'Angers » les locaux des 5ème et 6ème étages d'un immeuble situé à Cannes respectivement pour 252 m² à usage de bureaux et 249 m² à usage d'appartement de fonction ; que le bail indiquait que les appartements étaient loués bruts de décoffrage et que les travaux d'aménagement incombaient au preneur ; que la SA Setic a ainsi pris en charge au titre de l'année 1990 les travaux d'aménagement desdits locaux pour 939 542 F au 5ème étage et 4 692 656 F au 6ème étage, dépenses qu'elle a inscrites à l'actif de son bilan ; que toutefois, l'administration a estimé que s'agissant des travaux réalisés au 6ème étage, elle avait accordé un avantage injustifié au bailleur constitutif d'une distribution occulte taxable entre les mains de M. X, associé de la SCI, à hauteur de sa participation dans le capital soit la somme de 4 223 390 F ;

Considérant qu'aux termes de l'article 111 c) du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : Sont notamment considérés comme des revenus distribués : (…) les rémunérations et avantages occultes ;

Considérant, en premier lieu, que ces dispositions permettent l'imposition entre les mains du bénéficiaire des avantages occultes constitutifs de revenus distribués alors même qu'ils n'auraient pas été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés de la société distributrice ; que par suite, les circonstances que les aménagements litigieux aient été inscrits par la SA Setic à l'actif de son bilan de l'exercice clos le 31 décembre 1990 et que l'administration n'ait remis en cause dans la société que la déduction de l'amortissement correspondant, pour 225 215 F, sont sans incidence sur l'existence et le montant de la distribution notifiée à M. X sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'administration a relevé que le personnel de la SA Setic dont le siège social était situé à Paris ne se déplaçait pas régulièrement à Cannes et que les 2 salariés basés à Cannes disposaient d'une résidence privée dans cette ville et n'avaient donc pas à occuper l'appartement du 6ème étage ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce local ait été utilisé, à titre professionnel, par M. X dans le cadre de ses fonctions de PDG de la SA Setic ; que si Mme X qui soutient que l'appartement était bien destiné à un usage professionnel pour permettre notamment l'installation d'un nouveau dirigeant, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations alors que, par ailleurs, les travaux réalisés revêtaient une grande ampleur ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qu'en supportant les travaux litigieux, la SA Setic a commis un acte anormal de gestion ; qu'elle a ainsi octroyé au bailleur, la SCI« Rond-Point Duboys d'Angers », un avantage sans contrepartie ; qu'en outre, eu égard à l'ampleur des travaux réalisés représentant plus du double de la valeur locative de l'appartement et à la communauté d'intérêts existant entre le bailleur et la SA Setic, M.X étant PDG de Setic et détenant avec son épouse la totalité du capital de la société et 90 % du capital de la SCI, l'administration établit l'intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le bailleur, de recevoir, une libéralité ; que dès lors, l'avantage ainsi octroyé doit être qualifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet apparent et l'identité des parties intéressées, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle même, la libéralité en cause ; que par suite, c'est à bon droit que ladite libéralité a été imposée entre les mains du bénéficiaire, M. X, qui doit être regardé comme l'ayant appréhendée en sa qualité d' associé de la SCI à hauteur de sa participation dans le capital de cette société ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, M. X étant imposé, ainsi qu'il vient d'être dit, à raison de la libéralité dont il a bénéficié en qualité d'associé de la SCI, il n'incombait pas à l'administration de démontrer que ce dernier faisait une utilisation privative de l'appartement en litige ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'administration établit que l'appartement du 6ème étage pour lequel la SA Setic avait pris en charge les travaux d'aménagement litigieux n'était pas affecté à son exploitation ; que, par suite, Mme X ne saurait prétendre que la dépense correspondant audits travaux constituerait un complément de loyer taxable, entre les mains du bailleur en fin de bail, dans la catégorie des revenus fonciers ; que représentant un revenu distribué au profit de la SCI et donc de M. X, associé de cette société, elle a donc été imposée à bon droit en qualité de revenu de capitaux mobiliers ;

Considérant, enfin, que Mme X ne saurait utilement demander, à titre subsidiaire, la limitation du redressement à la somme de 2 586 000 F représentant l'excédent du prix des travaux sur la valeur vénale de l'appartement dès lors que la dépense représente dans sa totalité une libéralité accordée par la SA Setic au bailleur ; que les conclusions subsidiaires de la requérante doivent donc également être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à prétendre à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1990 ;

Sur les conclusions de Mme X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement en date du 26 juin 2003 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions restant en litige de Mme X tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu de l'année 1990 sont rejetées.

4

N°03PA03941


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 03PA03941
Date de la décision : 07/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ESTEVE
Rapporteur ?: Mme Janine EVGENAS
Rapporteur public ?: M. BATAILLE
Avocat(s) : SAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-04-07;03pa03941 ?
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