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08/03/2006 | FRANCE | N°02PA01608

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation a, 08 mars 2006, 02PA01608


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai 2002 et 24 janvier 2003, présentés pour M. Jean-Claude X, demeurant ..., par Me Coubris ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100681/6 du 26 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 2 150 000 F en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner conjointement et solidairement l'Assistance

publique - Hôpitaux de Paris et l'Etablissement français du sang, ou l'un d'...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai 2002 et 24 janvier 2003, présentés pour M. Jean-Claude X, demeurant ..., par Me Coubris ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100681/6 du 26 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 2 150 000 F en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner conjointement et solidairement l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et l'Etablissement français du sang, ou l'un d'entre eux seulement, à lui verser à ce titre la somme de 328 400 euros assortie d'intérêts au taux légal ;

3°) de condamner les mêmes et dans les mêmes conditions à lui verser la somme de 7 000 euros au titre du remboursement de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens, dont les frais d'expertise ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 98-535 du 18 juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme et, notamment, son article 18 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 et, notamment, son article 60 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et, notamment, son article 102 ;

Vu l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion et, notamment, son article 15 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2006 :

- le rapport de M. Jarrige, rapporteur,

- les observations de Me de Lavaur pour l'Etablissement français du sang,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par l'Etablissement français du sang ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 667 du code de la santé publique, issues la loi du n° 52-854 du 21 janvier 1952 et modifiées par la loi du n° 61-846 du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ; que le préjudice résultant pour un malade de sa contamination par des produits sanguins transfusés est imputable à la personne morale publique ou privée dont relève le centre de transfusion sanguine qui a élaboré les produits utilisés ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. » ;

Considérant qu'il résulte de ces dernières dispositions qu'il appartient au demandeur, non seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que, si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments successivement produits par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant que M. X, qui est né le 1er octobre 1934 et présentait une double luxation congénitale de la hanche, a été hospitalisé à la clinique Jouvenet à Paris, du 26 mai au 11 juin 1980, pour la pose d'une prothèse totale de la hanche gauche, puis du 24 janvier au 16 février 1983, pour le remplacement d'une partie de cette prothèse et l'ablation d'un ostéome ; que des produits sanguins lui ont été transfusés au cours de ces deux opérations ; que sa contamination par le virus de l'hépatite C a été mise en évidence le 31 décembre 1993 ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, le professeur Genetet, que la nature, le nombre et l'origine des produits sanguins qui ont été administrés à M. X n'ont pu être identifiés avec certitude en raison des lacunes des dossiers d'hospitalisation ; que, si, pour justifier de ce que ces produits auraient été fournis par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, le requérant se prévaut de ce que, dans une lettre en date du 12 avril 2000, le docteur Lesne, alors anesthésiste de la clinique Jouvenet, indique que les produits sanguins de la clinique étaient à l'époque fournis par « le centre de transfusion Cabanel, annexe du centre de transfusion sanguine de l'hôpital Saint-Antoine », ces assertions contenues dans un courrier postérieur d'une vingtaine d'années aux transfusions litigieuses sont à elles seules dépourvues de valeur probante ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que le centre de transfusion Cabanel ainsi mis en cause n'est autre que le Centre national de transfusion sanguine qui relevait alors de la Fondation nationale de la transfusion sanguine comme d'ailleurs le centre de transfusion sanguine de l'hôpital Saint-Antoine ; que, par suite, ni l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, ni l'Etablissement français du sang, en tant que les droits et obligations liés aux activités de transfusion sanguine de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris lui ont été transférés en application des dispositions combinées de l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 susvisée et de la convention conclue entre ces deux établissements publics à cette fin le 29 décembre 1999, ne peuvent être tenus pour responsables des conséquences dommageables de la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte également de l'instruction que M. X a subi, outre les interventions chirurgicales précitées de 1980 et 1983 dont la première a comporté des greffes d'origine inconnue et a été suivie immédiatement d'une nouvelle opération du fait de complications, une ostéotomie de la hanche droite en 1960 et plusieurs ablations en 1984 et 1985 liées à sa maladie de Bowen ; qu'eu égard aux risques de contamination par voie nosocomiale auxquels le requérant a été ainsi exposé, le professeur Genetet a conclu qu'il n'est possible, ni d'établir, ni d'écarter une origine transfusionnelle de sa contamination ; que, selon les dires du docteur Lesne dont l'intéressé se prévaut, seuls huit produits sanguins unitaires lui auraient été administrés lors des transfusions litigieuses ; qu'ainsi, compte tenu du risque faible de contamination transfusionnelle encouru du fait tant du nombre que de la nature de ces produits et des multiples autres risques de contamination auxquels il a été exposé, M. X ne peut être regardé comme apportant un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse de sa contamination par la voie transfusionnelle un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que, par suite, à supposer même que l'élaboration des produits incriminés par le Centre national de transfusion sanguine puisse être regardée comme établie, le requérant n'est pas plus fondé à rechercher la responsabilité de l'Etablissement français du sang en tant qu'il a repris les droits et obligations de la Fondation nationale de la transfusion sanguine en application des dispositions de l'article 60 de la loi du 30 décembre 2000 susvisée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X et la Caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et l'Etablissement français du sang à la réparation des conséquences dommageables de la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de laisser les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 11 711, 59 F par une ordonnance en date du 5 octobre 2000 du président du Tribunal administratif de Paris à la charge de M. X ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X et la Caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X à verser à l'Etablissement français du sang la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X et les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etablissement français du sang en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 02PA01608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 02PA01608
Date de la décision : 08/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: M. Antoine JARRIGE
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : CABINET COUBRIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-03-08;02pa01608 ?
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