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30/01/2006 | FRANCE | N°05PA03076

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites a la frontiere, 30 janvier 2006, 05PA03076


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2005, présentée par le PRÉFET DE POLICE ; le PRÉFET DE POLICE demande à la cour d'annuler le jugement n° 0508935/8 du 24 juin 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 mai 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. X et lui a enjoint de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

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>Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-al...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2005, présentée par le PRÉFET DE POLICE ; le PRÉFET DE POLICE demande à la cour d'annuler le jugement n° 0508935/8 du 24 juin 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 mai 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. X et lui a enjoint de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 2 janvier 2006 par laquelle le président de la cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par les articles L. 776-1 et R. 222-33 du code de justice administrative à M. Pailleret ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2006 :

- le rapport de M. Pailleret, magistrat délégué,

- les observations de Me Benamou pour M. X,

- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente, peut par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans le cas suivant : (...) si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 3 janvier 2005, de la décision du PRÉFET DE POLICE du même jour lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié « Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit (…)7/ au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays » ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il est atteint de transsexualisme et qu'il doit suivre une hormonothérapie féminisante qui ne peut lui être dispensée en Algérie ; qu'il ressort des pièces du dossier que, si le PRÉFET DE POLICE a délivré au requérant, au vu d'un avis du médecin-chef de la préfecture de police en date du 26 mai 2003, un certificat de résidence pour raison de santé jusqu'au 25 mai 2004, ce médecin a, par deux avis des 11 mai et 3 novembre 2004, estimé que si l'état de santé de M. X nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne justifiait plus son admission au séjour dans la mesure où l'intéressé pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état dans son pays d'origine ; que ni les certificats médicaux émanant de son médecin traitant ni les rapports émis par le docteur Y les 5 août 2004 et 24 janvier 2005, produits par le requérant, indiquant que M. X est atteint d'un trouble de l'identité sexuelle pour lequel il est traité depuis trois ans par hormonothérapie préparatoire à une éventuelle intervention chirurgicale, traitement de longue durée qui ne peut être interrompu, n'établissent que M. X, qui ne fait état d'aucun suivi spécialisé par une équipe de psychiatres, d'endocrinologues ou de chirurgiens, ne pourrait bénéficier, en principe, d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'ainsi le PRÉFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondé, pour annuler son arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X, sur ce que la décision de renouvellement de sa carte de résident opposée à l'intéressé avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 16 mai 2005, par lequel le PRÉFET DE POLICE a décidé la reconduite à la frontière de M. X, énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ; que la circonstance que l'arrêté attaqué ne vise pas l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié est sans influence sur la légalité de cet arrêté ;

Considérant que M. X, célibataire sans enfant, entré sur le territoire national en juin 2001 alors qu'il était âgé de 32 ans, n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où vivent ses parents ainsi que les membres de sa fratrie ; que dès lors, en prenant l'arrêté attaqué le PRÉFET DE POLICE n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, l'arrêté de reconduite à la frontière du 16 mai 2005 ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que pour les raisons évoquées ci-dessus, l'arrêté de reconduite à la frontière ne méconnaît pas les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Considérant que l'invocation des mauvais traitements auxquels la transformation physique de l'intéressé risquerait de l'exposer dans le pays de renvoi est sans incidence sur la légalité de la mesure de reconduite prise à son encontre ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PRÉFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 juin 2005, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 mai 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de renvoi :

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou des traitements inhumains » ;

Considérant qu'à l'encontre de cette décision rendant possible une reconduite à destination de l'Algérie, pays dont il a la nationalité, M. X invoquant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fait valoir les mauvais traitements auxquels son mode de vie est susceptible de l'exposer personnellement, ainsi que les menaces sérieuses dont il a déjà fait l'objet, notamment de la part d'un membre de sa propre famille ; que la réalité des risques invoqués en cas de retour en Algérie doit être regardée comme suffisamment établie par les pièces au dossier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PRÉFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 mai 2005 en tant qu'il permet l'exécution de la mesure de reconduite à destination de l'Algérie ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui se borne à annuler la décision du PRÉFET DE POLICE en tant qu'elle fixe l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière, n'implique pas que le PRÉFET DE POLICE réexamine sa demande de renouvellement de sa carte de résident ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros demandée par M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 24 juin 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris annulant l'arrêté du 16 mai 2005 du PRÉFET DE POLICE décidant la reconduite à la frontière de M. X est annulé.

Article 2 : L'arrêté précité du 16 mai 2005 est annulé en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Paris et devant la cour est rejeté.

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N° 05PA03076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05PA03076
Date de la décision : 30/01/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno PAILLERET
Rapporteur public ?: M. ADROT
Avocat(s) : BENAMOU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-01-30;05pa03076 ?
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