Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2004, présentée pour la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE, dont le siège est ..., par Me X... ; la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 27 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 1993 au 31 décembre 1994 par avis de mise en recouvrement du 15 juillet 1995 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2006 :
- le rapport de M. Alfonsi, rapporteur,
- les observations de Me X..., pour la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE,
- et les conclusions de M. Magnard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE, qui exploite un fonds de commerce spécialisé dans l'achat et la revente de documents et journaux anciens a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er avril 1993 au 31 décembre 1994 ; qu'à la suite de ce contrôle, l'administration a estimé par une notification de redressements du 3 juillet 1995 que les publications anciennes vendues sous l'appellation « Le journal du jour de sa naissance » avaient été soumises à tort à la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 5,5 % prévu par le 6° de l'article 278 bis du code général des impôts pour les livres ; qu'elle a appliqué le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, soit 18,6 %, prévu par l'article 278 du code général des impôts à 50 % du chiffre d'affaires hors taxes de la société ; que, par le jugement attaqué, rendu le 27 avril 2004, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée procédant de ces redressements qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 1993 au 31 décembre 1994 par avis de mise en recouvrement du 15 juillet 1995 ;
Sur les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : « Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires… » ; que, suivant l'article L. 59 A du même livre : « la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : 1° Lorsque le désaccord porte …sur le montant…du chiffre d'affaires… » ; qu'il résulte de ces dispositions que le désaccord persistant entre le contribuable et l'administration ne peut être soumis à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que s'il concerne une matière entrant dans le champ d'intervention de cette commission ; que le désaccord relatif au taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable à la vente de journaux et de documents anciens subsistant en l'espèce entre la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE et l'administration, lequel ne portait pas sur le montant du chiffre d'affaires de cette société, ne concernait aucune des matières pour lesquelles la commission est compétente pour émettre un avis en vertu de l'article L. 59 A précité ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de cette commission, en dépit de la demande formulée par la société requérante, ne peut qu'être écarté ; qu'à cet égard, la circonstance que l'administration n'a pas demandé à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de se déclarer incompétente, qui n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 278 du code général des impôts alors en vigueur : « 1. Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 18,60 p. 100 » ; qu'aux termes de l'article 278 bis du même code : « La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 p. 100 en ce qui concerne les opérations de vente portant sur les produits suivants : 6°) Livres, y compris leur location » ; qu'enfin, aux termes des dispositions de l'article 298 septies de ce code : « A compter du 1er janvier 1989, les ventes portant sur les publications qui remplissent les conditions prévues par les articles 72 et 73 de l'annexe III au présent code pris en application de l'article 52 de la loi du 28 février 1934 sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 2,10 % dans les départements de la France métropolitaine… » ; que les articles 72 et 73 de l'annexe III au code général des impôts énumèrent les conditions que les journaux et périodiques doivent remplir pour bénéficier des avantages fiscaux prévus à l'article 298 septies précité ; que figurent notamment au nombre des conditions que doivent remplir ces journaux et périodiques celle d'être habituellement offerts au public ou aux organes de presse à un prix marqué ou sur abonnement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE achète auprès de particuliers des journaux anciens, qu'elle trie et remet en état, en vue de leur revente à l'unité sous l'appellation « Le journal du jour de sa naissance » ; que le prix unitaire de vente pratiqué par la société au cours de la période vérifiée s'élevait suivant les cas à 90 F ou 165 F toutes taxes comprises ;
Considérant, d'une part, que les dispositions précitées de l'article 298 septies et les articles 72 et 73 de l'annexe III au code général des impôts ont pour objet d'apporter une aide à la presse écrite ; que la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE, qui se livre à une activité d'achat et de revente de journaux anciens qui ne constituent pas des invendus, n'offre pas habituellement au public ces journaux à un prix marqué ou sur abonnement et n'a pas la qualité d'éditeur de presse ; que, par suite, elle ne pouvait en tout état de cause prétendre au bénéfice du taux de 2,1 % prévu à l'article 298 septiès, qu'elle n'a d'ailleurs pas appliqué à ses opérations ;
Considérant, d'autre part, que les publications vendues par la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE sous l'appellation « Le journal du jour de sa naissance », qui présentaient à l'état neuf le caractère de journaux, ne constituaient pas un ensemble homogène comportant un apport intellectuel et n'étaient donc pas des livres au sens des dispositions susmentionnés du 6° de l'article 278 bis du code général des impôts ; que ces publications ne peuvent pas davantage être regardés, lors de leur revente après remise en état, comme un ensemble homogène comportant un apport intellectuel ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société à titre subsidiaire, elles ne sont pas des livres légalement susceptibles de bénéficier du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit ci-dessus que les produits vendus par la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE relevaient du taux normal de 18,60 % ; que, dès lors, la circonstance que lesdites publications n'ont pas le caractère d'objets de collection est sans influence sur la détermination du taux de taxe sur la valeur ajoutée ; que l'interprétation faite par la cour de justice des communautés européennes en 1995 de la notion d'objet de collection au sens de la position 97-05 du tarif douanier commun, qui ne détermine que le champ d'application des droits d'importation, ne peut pas davantage être utilement invoquée dans un litige relatif à la taxe sur la valeur ajoutée ;
S'agissant de la doctrine administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause de rehaussement poursuivie par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1°) lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ;
Considérant, en premier lieu, que la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE ne peut, en tout état de cause, se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, eu égard à sa date, de la note 3 C 4-05 publiée au Bulletin officiel des impôts du 12 mai 2004 ; qu'elle ne peut pas davantage utilement invoquer sur ce fondement les dispositions des instructions 3 K-1-95 n°17 du 17 février 1995 et n° 42 du 2 mars 1995 relatives à la définition fiscale des objets de collection, dès lors que, comme il a déjà été dit précédemment, le champ d'application de la notion d'objet de collection est sans influence sur le présent litige ;
Considérant, en second lieu, que si la société requérante soutient qu'à la suite de la vérification de comptabilité d'une autre société ayant le même gérant, l'administration aurait admis dans une notification de redressement du 7 avril 2003 que le taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable au journal satirique dénommé « La Bougie du sapeur », périodique paraissant tous les 29 février, était le taux réduit de 5,5 % prévu pour les livres, cette position ne constitue pas, eu égard à sa date, une prise de position formelle sur l'appréciation de la situation de fait de la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE au regard de l'article 278 bis 6° du code général des impôts, dont elle pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il suit de là que la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL LES TEMPS DE LA PRESSE ET DE L'IMAGE est rejetée.
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N° 04PA02347