La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2005 | FRANCE | N°02PA00960

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre - formation b, 10 novembre 2005, 02PA00960


Vu 1°) la requête, enregistrée le 15 mars 2002 au greffe de la cour sous le n°02PA00960, présentée pour M. Y demeurant ..., par Me Troussier ; M. Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9602652 et 9602653 en date du 5 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris partiellement rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et au prélèvement social de 1% auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 mises en recouvrement respectivement le 15 novembre 1994 et le 31 janvier 1995

;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;

…………………...

Vu 1°) la requête, enregistrée le 15 mars 2002 au greffe de la cour sous le n°02PA00960, présentée pour M. Y demeurant ..., par Me Troussier ; M. Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9602652 et 9602653 en date du 5 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris partiellement rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et au prélèvement social de 1% auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 mises en recouvrement respectivement le 15 novembre 1994 et le 31 janvier 1995 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 21 octobre 2005 :

- le rapport de Mme Evgenas, rapporteur,

- les observations de Me Rivet, pour M. et Mme Y,

- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SA Pad Immobilier qui exerçait une activité de marchand de biens a acquis le 10 octobre 1988, 2494 titres de la société IGE, SA International Golf Exquisit, dont 624 appartenant à l'un de ses associés, M. Y ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SA Pad Immobilier, l'administration a estimé que la valeur d'acquisition de 2 000 F par titre était exagérée et a réintégré dans les résultats de l'entreprise, en qualité d'acte anormal de gestion, la différence entre cette valeur et la valeur réelle, évaluée à 240 F ; que cette réintégration a été regardée comme un revenu distribué à M. Y, associé, à hauteur des versements dont il avait bénéficié en 1988 et 1989 pour l'acquisition de ses titres IGE pour un total de 1 248 000 F ; que M. Y conteste les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et au prélèvement social de 1% en résultant et demande, en outre, une imposition distincte avec son épouse au titre des années 1988 et 1989 ; que Mme Y demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté les demandes de M. Y tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes de M. Y et de Mme Y ont trait aux impositions communes à l'impôt sur le revenu et au prélèvement social de 1% auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1988 et 1989 ; que, par suite, il y a lieu de joindre leurs requêtes pour y être statué par un seul arrêt ;

Sur la requête présentées par M. Y :

En ce qui concerne l'imposition distincte des époux :

Considérant qu'en application de l'article 6 du code général des impôts : « 1. … Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnées au premier alinéa… 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes :… c) Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts » ; qu'il appartient au contribuable qui se prévaut de l'exception au principe de l'imposition commune des personnes mariées, affirmé par le paragraphe 1 de l'article 6 précité, de justifier qu'il se trouve dans l'une des situations limitativement énumérées au paragraphe 4 de ce texte ;

Considérant que si M. Y fait valoir qu'il avait abandonné le domicile conjugal dès 1983 et résidait avec une autre personne avec laquelle il avait eu un enfant en 1986, les pièces produites, limitées au demeurant à un contrat d'assurance habitation souscrit avec Mme Z et quelques factures, ne concernent pas les années 1988 et 1989 en litige ; que si le requérant produit également une déclaration de concubinage mentionnant que la vie maritale avait débuté le 1er janvier 1989, celle-ci n'a été souscrite que le 11 octobre 1993, postérieurement aux années en cause ; que dès lors les circonstances invoquées par M. Y, ne suffisent pas à établir, alors que M. et Mme Y avaient déposé des déclarations de revenus communes au titre des années concernées 1988 et 1989, que toute vie commune avait effectivement cessé entre les époux ; que M. Y ne saurait donc prétendre à une imposition distincte avec son épouse ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que les notifications de redressements du 10 décembre 1991 et du 6 avril 1992 adressées à M. Y indiquaient que la libéralité constatée à la suite de l'acquisition des titres de la société IGE qu'il détenait constituait un revenu distribué sur le fondement de l'article 109-1 2° du code général des impôts, précisaient le montant de ce revenu et les modalités de son versement et se référaient, pour les éléments de fait, à la notification adressée à la SA Pad Immobilier, société ayant acquis les titres en cause ; que cette notifications de redressement jointe en annexe précisait les conditions de la constitution de la société IGE, ses relations avec la SA Pad Immobilier et les raisons pour lesquelles le service estimait que la valeur d'acquisition des titres IGE était surestimée et exposait de manière détaillée les méthodes d'évaluation de la valeur vénale des titres retenues par le service ; que notamment, les éléments ayant servi à l'évaluation du fonds de commerce ont été indiqués au requérant nonobstant la circonstance que l'administration n'ait pas précisé les références du barème utilisé pour retenir le coefficient multiplicateur de 3 appliqué au bénéfice net ; que dans ces conditions, M. Y qui disposait des indications nécessaires lui permettant de présenter utilement ses observations, n'est pas fondé à soutenir que les notifications de redressements en litige étaient insuffisamment motivées ;

Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses... qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse... » ;

Considérant que M. Y qui a été imposé à raison des revenus réputés distribués résultant des réintégrations opérées dans la SA Pad Immobilier sans qu'aucun acte n'ait été écarté comme fictif ou conclu dans le seul but d'éluder l'impôt, ne saurait prétendre que l'administration s'est placée sur le terrain de l'abus de droit ; que par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le service l'a irrégulièrement privé des garanties de la procédure prévue à l'article L. 64 précité du livre précité ;

En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme revenus distribués :… 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts, et non prélevées sur les bénéfices… ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en 1987 la SA Pad Immobilier a acquis le domaine de Bethemont en vue d'y faire édifier un golf et de le revendre sous forme de droits immobiliers en l'état futur d'achèvement à 400 souscripteurs ; que la promotion de ce projet a été confiée à la société IGE créée le 30 septembre 1987 et dont 65% du capital était détenu par plusieurs associés de la SA Pad Immobilier dont M. Y ; que toutefois, en raison de l'impossibilité pour IGE de mener à bien sa mission, un mandat a été confié dès le 19 février 1988 à une autre société, la société Auxilia qui a procédé à la vente du golf en mai 1988 ; que le 10 octobre 1988, la SA Pad Immobilier a procédé à l'acquisition de 2494 titres sur les 2500 composant le capital de la société IGE ; que l'administration, ayant relevé la communauté d'intérêts existant entre ces entreprises et l'absence de perspectives d'avenir pour la société IGE qui avait perdu le projet ayant généré son chiffre d'affaires en 1988, a estimé que la valeur de cession des titres fixées à 2 000 F était exagérée et a, en conséquence, procédé à l'évaluation de leur valeur vénale unitaire en retenant la moyenne de 240 F résultant de la combinaison de trois méthodes fondées sur la valeur du patrimoine, de la productivité et de la marge brute d'autofinancement ; que la valeur vénale de titres non cotés en bourse doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ; qu'à cet effet, le service peut, en l'absence de tout marché de référence, prendre en compte tous les éléments d'appréciation utiles ;

Considérant que M. Y soutient que les méthodes utilisée par le service pour évaluer la valeur vénale des titres IGE sont inadaptées ou entachées d'erreurs et, après correction, aboutissent à une valeur proche de celle retenue pour la cession, fixée à 2 000 F par action ;

Considérant, en premier lieu que, pour déterminer la valeur du patrimoine, l'administration a pris en compte la valeur nette comptable des éléments d'actif augmentée de la valeur du fonds de commerce créé, appréciée à 3 fois le bénéfice net de l'exercice de cession des titres ; que cette méthode qui a été exposée dans les notifications de redressement adressées au requérant s'appuie sur les données comptables de l'entreprise IGE et, nonobstant l'absence d'indication des références du barème d'évaluation utilisé, ne peut être regardée comme sommaire ou inadaptée ; que d'ailleurs, M. Y ne critique pas comme insuffisante la valeur de 223 668 F retenue par le service et ne propose aucune autre évaluation du fonds de commerce ;

Considérant, en deuxième lieu, que le guide d'évaluation des biens publié par la direction générale des impôts ne constitue pas une interprétation formelle du texte fiscal ; que par suite, M. Y ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des indications contenues dans ce guide selon lesquelles « la méthode de la marge brute d'autofinancement ne peut être utilisée que pour les sociétés importantes » ;

Considérant, en troisième lieu, que c'est à bon droit que pour apprécier la valeur vénale des titres IGE selon les trois méthodes précitées, l'administration a retenu le bénéfice disponible soit après déduction de l'impôt sur les sociétés qui constitue une charge normale de l'entreprise ; qu'en tout état de cause, contrairement à ce que soutient le requérant, le guide d'évaluation des biens publié par la direction générale des impôts ne préconise pas la prise en compte du bénéfice avant impôt ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'en l'absence de distribution de bénéfices, l'administration n'a pas retenu la valeur de rendement de l'entreprise appréciée à partir des dividendes distribués mais la valeur de productivité en appliquant un taux de capitalisation de 12 % au bénéfice net ; que par suite, M. Y ne saurait utilement soutenir que la rémunération du dirigeant, assimilée à une distribution de bénéfice, aurait dû être réintégrée pour apprécier la rentabilité de l'entreprise ; que le guide d'évaluation des biens publié par la direction générale des impôts ne constituant pas une interprétation formelle du texte fiscal, M. Y ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des indications contenues dans ce guide pour contester la valeur de productivité retenue par le service ;

Considérant, enfin, que si M. Y reproche à l'administration de ne pas avoir tenu compte des perspectives d'avenir de la société IGE, il résulte de l'instruction qu'à la date de cession des titres, cette société avait perdu, en raison de dissensions internes, le projet de promotion du golf de Bethemont confié par la SA Pad Immobilier et ne disposait d'aucun autre projet ferme et définitif ; que les correspondances produites par le requérant ne font état que de propositions conditionnelles qui d'ailleurs n'ont pas abouti, aucun chiffre d'affaires n'ayant été déclaré à ce titre en 1989 et 1990 ; que M. Y ne saurait utilement invoquer le rapport établi à la demande de la société IGE postérieurement à la cession des titres, le 18 janvier 1989, par le cabinet d'expertise comptable Abaque et Partners qui a retenu une valeur unitaire de 2 000 F par titre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les méthodes d'évaluation retenues par l'administration et aboutissant à la valeur vénale de 240 F par titre ont permis d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ; que, par suite, l'administration justifie que le supplément de prix accordé à M. Y excédant la valeur vénale des titres constitue une libéralité consentie à son profit par la SA Pad Immobilier ; qu'elle établit donc l'existence des distributions en litige ; que dès lors, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté les demandes de M. Y tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et au prélèvement social de 1% auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 ;

Sur la requête de Mme Y tendant au sursis à exécution du jugement attaqué :

Considérant que le présent arrêt statue sur le fond de l'affaire ; que par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme Y tendant au sursis à exécution du jugement attaqué ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de Mme Y.

4

NNs02PA00960, 04PA00470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 02PA00960
Date de la décision : 10/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ESTEVE
Rapporteur ?: Mme Janine EVGENAS
Rapporteur public ?: M. BATAILLE
Avocat(s) : TROUSSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-11-10;02pa00960 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award