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01/07/2005 | FRANCE | N°01PA04090

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5eme chambre - formation b, 01 juillet 2005, 01PA04090


Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2001, présentée par la société JANE, dont le siège est ... ; la société JANE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9502829 du 10 juillet 2001 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à la décharge des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1991 et 1992 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l'Etat au remb

oursement des frais exposés pour constituer des garanties, ainsi qu'au paiement d'intérêts morato...

Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2001, présentée par la société JANE, dont le siège est ... ; la société JANE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9502829 du 10 juillet 2001 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à la décharge des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1991 et 1992 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l'Etat au remboursement des frais exposés pour constituer des garanties, ainsi qu'au paiement d'intérêts moratoires pour les sommes déjà payées, conformément à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2005 :

- le rapport de M. Beaufaÿs, rapporteur,

- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société JANE, qui exploite à des fins lucratives à Maule (Yvelines) une maison de retraite médicalisée, se prévaut des dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, qui exonèrent de la taxe sur la valeur ajoutée les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales, pour soutenir qu'elle n'était pas redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur les sommes versées par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992 au titre du forfait global de soins correspondant à une prise en charge par cette caisse des prestations médicales et paramédicales qu'elle fournit aux pensionnaires admis dans sa section de cure médicale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée... les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ; qu'en vertu de l'article 261-4-1° du code général des impôts, sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée : Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales ... ; que, par ces dispositions, issues de la loi n° 78-1240 du 29 décembre 1978 portant loi de finances pour l'année 1979, le législateur a entendu rendre la législation nationale conforme aux objectifs définis par la 6ème directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai susvisée en transposant les dispositions c) du 1. du A de l'article 13 de ladite directive, qui exonèrent les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné ;

Considérant, d'une part, que ces dispositions de la directive, telles qu'interprétées par la Cour de justice des communautés européennes dans ses arrêts du 10 septembre 2002 n° 141/00 et du 6 novembre 2004 n° 45/01, d'une part, exonèrent de taxe sur la valeur ajoutée l'ensemble des prestations médicales ou paramédicales fournies par du personnel habilité par l'Etat membre concerné que ce soit en dehors du cadre hospitalier, tant au domicile privé du professionnel qu'à celui du patient, ou en tout autre lieu et, d'autre part, que le bénéfice de cette exonération ne dépend pas de la forme juridique de l'assujetti qui fournit les prestations médicales ou paramédicales ; que notamment et contrairement à ce que soutient le ministre, cette exonération n'est pas réservée aux seuls professionnels de santé qui dispensent leurs soins dans l'exercice libéral de leur art mais bénéficie à toutes les prestations de soins médicales ou paramédicales effectuées par ces professionnels en dehors des hôpitaux et des établissements de soins assimilés à des hôpitaux, même si ces professionnels agissent dans le cadre d'un lien de subordination vis-à-vis de l'assujetti au nom duquel ces soins sont fournis ;

Considérant, d'autre part, qu'au regard de l'exonération prévue par les dispositions précitées du c) du 1. du A de l'article 13 de la 6ème directive, dont aucune disposition n'autorise les Etats membres à restreindre le champ d'application, l'exonération prévue à l'article 261-4-1° du code général des impôts n'est pas réservée au seul bénéfice des prestataires agissant sans but lucratif ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société JANE est fondée à soutenir que les sommes forfaitaires qu'elle a reçues de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France pour la prise en charge, au titre du forfait global annuel de soins , des prestations de soins médicaux et paramédicaux qu'elle dispensait à ses pensionnaires admis dans la section de cure médicale de la maison de retraite étaient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, la société JANE est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles n'a pas fait droit à sa demande tendant à la décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie de ce chef au titre de la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992 ;

Sur l'impôt sur les sociétés :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société JANE a été constituée le 16 mai 1989 à parts égales entre MM. Y... et X..., ce dernier étant gérant de ladite société ; que les intéressés ont créé avec une troisième personne le 27 décembre 1989 la SARL Carole dont ils détenaient alors chacun 33,3% des parts et dont l'objet était la gestion en sous-traitance de l'activité de restauration de la maison de retraite exploitée par la Sarl JANE ; que l'activité effective des deux sociétés a débuté le 1er février 1990, date d'ouverture de la maison de retraite ; que la société requérante, devenue société anonyme JANE, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 1990, 1991 et 1992 à l'issue de laquelle le vérificateur lui a refusé, pour chacun de ces exercices, le bénéfice du régime de faveur ouvert aux entreprises nouvelles par l'article 44 sexies du code général des impôts et sous l'empire duquel la société avait entendu se placer, au motif qu'elle ne satisfaisait pas à la condition fixée au II de cet article relative à l'absence de détention indirecte du capital par une société tierce ;

Considérant qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : I. Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création (...). Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération (...) II. Le capital des sociétés nouvelles ne doit pas être détenu, directement ou indirectement pour plus de 50 % par d'autres sociétés. / Pour l'application de l'alinéa précédent, le capital d'une société nouvelle est détenu indirectement par une autre société lorsque l'une au moins des conditions suivantes est remplie : - un associé exerce en droit ou en fait la fonction de gérant ou de président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une autre société ; - un associé détient avec les membres de son foyer fiscal 25 % au moins des droits sociaux dans une autre entreprise ; - un associé exerce des fonctions dans une entreprise dont l'activité est similaire ou complémentaire à celle de l'entreprise nouvelle. III. Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ne peuvent pas bénéficier du régime défini au paragraphe I ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 44 sexies du code général des impôts que la condition prévue au II de cet article doit être remplie dès la création de l'entreprise ; que la date à laquelle une entreprise a été créée s'entend de celle à laquelle elle a effectivement commencé à exercer son activité ; que, par ailleurs, les conditions prévues par les dispositions précitées du II du même article s'apprécient indépendamment de la nature des activités respectives des deux sociétés et notamment de la question de savoir si l'entreprise tierce est elle-même nouvelle ; qu'il suit de là qu'en estimant qu'à la date de création de la société JANE celle-ci était détenue par des associés qui détenaient chacun plus de 25 % des droits sociaux dans une autre entreprise, l'administration a pu légalement en déduire que la société requérante ne remplissait pas la condition fixée au II de l'article 44 sexies précité du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société JANE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la prise en charge par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France du forfait global annuel de soins qu'elle facturait à certains de ses pensionnaires ;

Sur les conclusions de la requête tendant au remboursement de frais de constitution de garanties :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 208-3 du livre des procédures fiscales : Pour obtenir le remboursement prévu par l'article L. 208 des frais qu'il a exposés pour constituer les garanties, le contribuable doit adresser une demande : (...) b) au directeur des services fiscaux, s'il s'agit d'impôts, droits ou taxes recouvrés par les comptables de la direction générale des impôts ... ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 208-3 du livre des procédures fiscales que le remboursement des frais qu'un contribuable a exposés pour constituer des garanties doit être demandé au trésorier-payeur général dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision de dégrèvement qui le justifie ; qu'ainsi, en l'absence de litige né et actuel entre l'administration et la société requérante concernant un tel remboursement, les conclusions présentées à cette fin par la société JANE sont irrecevables ;

Sur les conclusions tendant au paiement d'intérêts moratoires :

Considérant que les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en cas de remboursements effectués en raison des dégrèvements d'impôt prononcés par un tribunal ou par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation, sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ; qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant le paiement des intérêts dus à la suite du dégrèvement prononcé par le présent arrêt ; que, dès lors, les conclusions de la société JANE sur ce point ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'Etat à payer à société JANE la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La société anonyme JANE est déchargée du supplément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992 afférent à la prise en charge par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France du forfait global annuel de soins .

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 10 juillet 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société JANE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 01PA04090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 01PA04090
Date de la décision : 01/07/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés SOUMET
Rapporteur ?: M. Frédéric BEAUFAYS
Rapporteur public ?: M. ADROT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-07-01;01pa04090 ?
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