Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2005, présentée par le PRÉFET DE POLICE, dont le siège est 7-9 boulevard du Palais à Paris Cedex 04 (75195) ; il demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0422171 du 24 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision par laquelle le président de la Cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 22 bis de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée à Mme Malaval ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2005 :
- le rapport de Mme Malaval, magistrat délégué,
- les observations de Me Levildier, pour Mme X épouse Y,
- et les conclusions de M. Jardin, commissaire du gouvernement ;
Sur la requête du PRÉFET DE POLICE :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors applicable : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le PRÉFET DE POLICE peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ... ;
Considérant que Mme Y, de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 30 juillet 2004, de la décision du PRÉFET DE POLICE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans sa rédaction issue du troisième avenant du 11 juillet 2001 entrée en vigueur le 1er janvier 2003 : Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit : b) ... aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ;
Considérant que Mme Y, entrée en France en septembre 2001 en qualité d'accompagnant d'étranger malade a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour jusqu'au décès de son époux survenu en France le 4 mars 2004 ; qu'elle réside avec son fils de nationalité française ; que le préfet de police fait valoir que Mme Y ne peut prétendre bénéficier des stipulations de l'article susmentionné dès lors que son fils qui lui verse une pension alimentaire n'a pas la nationalité française, et que son second fils qui l'héberge n'a pas les ressources suffisantes pour la prendre en charge ;
Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié par le troisième avenant, entré en vigueur le 1er janvier 2003 : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit ... 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ... ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'il ressort des éléments susmentionnés que Mme Y dont les cinq enfants vivent en France bénéficie du soutien financier et moral de ses enfants ; qu'il n'est pas contesté qu'étant donné la faiblesse de ses ressources et la précarité de sa situation, ce soutien lui est indispensable ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme Y ait conservé des attaches familiales en Algérie ; que, par suite, et même si deux de ses filles mariées sont en situation irrégulière en France, le préfet n'est pas fondé à soutenir que Mme Y peut retourner en Algérie sans se trouver en situation d'isolement social et familial ; que, dès lors, c'est à bon droit que par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a estimé que le préfet de police a fait une appréciation erronée de sa situation et a porté à son droit de mener une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PRÉFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ... prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes des dispositions du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, ... l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;
Considérant que le jugement du 24 novembre 2004 qui a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière a également fait droit aux conclusions à fin d'injonction de Mme Y et ordonné au PRÉFET DE POLICE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois ; que si Mme Y reprend devant le juge d'appel les mêmes conclusions, celles-ci sont irrecevables dès lors que le juge de première instance y a fait droit ;
Considérant, en outre, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction prononcée en première instance d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer Mme Y la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E
Article 1er : La requête du PRÉFET DE POLICE de Paris est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à Mme Y une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme Y est rejeté.
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N° 05PA00038