Vu le recours, enregistré le 15 mars 2002, du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9511934 en date du 30 octobre 2001 en tant que le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Kenzo, d'une part, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1988, à concurrence de la somme de 948 082 F et, d'autre part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1988, 1989 et 1990, à concurrence respectivement des sommes de 1 399 624 F, 1 255 232 F et 1 798 468 F ;
2°) de rétablir les impositions litigieuses, assorties de l'intérêt de retard ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 79-594 du 13 juillet 1979 relative aux fonds communs de placement modifiée notamment par la loi n° 85-1321 du 14 décembre 1985 et par la loi n° 87-416 du 17 juin 1987 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2005 :
- le rapport de Mme Helmlinger, rapporteur,
- les observations de Me Denis Brugère, pour la société Kenzo,
- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;
Sur le redressement relatif à l'imputation des crédits d'impôt afférents aux dividendes distribués par le fonds commun de placement Danaë III :
Considérant que l'administration fiscale a refusé à la société Kenzo l'imputation des crédits d'impôt afférents aux dividendes distribués à cette société le 4 juillet 1988 par le fonds commun de placement Danaë III, au motif que les opérations ainsi réalisées n'avaient eu d'autre objet que d'éluder l'impôt et étaient, dès lors, constitutives d'un abus de droit ; que, devant le Tribunal administratif de Paris, l'administration a renoncé à se prévaloir de la procédure d'abus de droit et a fondé l'imposition litigieuse sur les dispositions de l'article 199 ter A du code général des impôts en vertu desquelles le gérant d'un fonds commun de placement ne peut délivrer de certificats de crédit d'impôt aux porteurs de parts que dans la limite de la somme totale des crédits attachés aux revenus perçus par le fonds ; que le tribunal a, à bon droit, admis cette demande de substitution de base légale ; que la société Kenzo s'est, toutefois, prévalue, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction 4 K-1-83 du 13 janvier 1983 qui autorise, par dérogation à la règle légale susmentionnée, « une bonification ou revalorisation de la masse des avoirs fiscaux ou crédits d'impôt figurant sur les certificats délivrés au fonds commun à raison des revenus mobiliers qu'il a effectivement encaissés au cours de l'exercice considéré … par application d'un coefficient déterminé en fonction de l'accroissement du nombre de parts du fonds au cours de la période qui sépare la date de l'encaissement des produits ouvrant droit à un crédit d'impôt de la clôture de l'exercice » ainsi que « l'attribution aux parts supplémentaires créées entre la clôture de l'exercice et la date de mise en paiement des produits, d'un crédit d'impôt unitaire de même montant que celui alloué aux parts existantes à la clôture de l'exercice » ; que le tribunal a estimé que les conditions prévues par ladite doctrine étaient remplies dès lors que le fonds commun de placement avait fonctionné conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou statutaires qui le régissaient et avait respecté ses obligations ; qu'ainsi, par le jugement attaqué, le tribunal a fait droit aux conclusions de la requête de la société Kenzo tendant à la décharge de l'imposition litigieuse ; que le ministre conteste l'appréciation ainsi portée par le tribunal sur la régularité du fonctionnement du fonds commun de placement Danaë III ;
Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la loi susvisée du 13 juillet 1979 relative aux fonds communs de placement, dans sa version issue de la loi n° 87-416 du 17 juin 1987 « Le règlement prévu par l'article 16 (soit le règlement intérieur du fonds) fixe le mode de détermination des commissions qui pourront être perçues à l'occasion de la souscription et du rachat des parts ainsi que le mode de détermination et le montant maximum de la rémunération du gérant et du dépositaire » ;
Considérant que si l'administration soutient que la société Kenzo a versé, à l'occasion de la souscription et du rachat de ses parts auprès du fonds commun de placement Danaë III, des commissions s'élevant respectivement à 21,53 % et à 163,13 % du montant de ses versements, alors que le règlement du fonds avait fixé le montant des commissions de souscription selon un taux dégressif allant de 0,20 % à 0,05 % et n'avait prévu aucune commission de rachat, il est constant que les commissions litigieuses ont été versées à un intermédiaire, la SARL CBOT, et non au dépositaire ou gérant dudit fonds ; qu'il résulte des documents produits par la société Kenzo que ces commissions ont été acquittées en exécution d'une « convention de compte conseillé » ; qu'il n'est pas soutenu par l'administration qu'elles auraient déguisé des sommes effectivement perçues par les dépositaire ou gérant du fonds ; que, par suite, ces commissions ne peuvent être regardées comme étant régies par les dispositions précitées de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1979 qui, contrairement à ce que soutient l'administration, ne sauraient viser que les commissions perçues par le fonds lui-même ;
Sur le redressement relatif au régime d'imposition des redevances perçues en contrepartie de concessions de licences d'exploitation :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 terdecies du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, antérieure à la loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 : « 1. Le régime des plus-values à long terme est applicable, dans les conditions et limites qui pourront être fixées par décret, aux produits des cessions de brevets, de procédés et de techniques, ainsi qu'aux concessions de licences exclusives d'exploitation » ; que le régime d'imposition prévu par ces dispositions est applicable aux produits perçus en contrepartie de concessions de licences d'exploitation de procédés ou de techniques ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Kenzo a concédé à des entreprises le droit exclusif de fabrication et de commercialisation, sous la marque Kenzo, de collections de vêtements ; que si, aux termes du contrat de licence produit par ladite société en première instance, elle s'engageait à remettre à son co-contractant des « collections … constituées notamment par les procédés et les techniques nécessaires à la réalisation de la collection, les modèles, dessins, prototypes, spécifications, méthodes de fabrication, patronage, fiches techniques, gammes de coloris, échantillons de tissus, formules de teinture et indications de matière à utiliser pour chaque modèle », il résulte de l'ensemble des stipulations dudit contrat qu'elle transmettait ainsi le droit de fabrication et de commercialisation de modèles assorties de leurs spécifications techniques mais non des droits portant sur des procédés technologiques de fabrication qui n'auraient pas été connus du licencié ; que, dans ces conditions, les redevances perçues en exécution de ces contrats ne peuvent être regardées comme entrant dans le champ des dispositions précitées du 1 de l'article 39 terdecies ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ÉCONOMIE , DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Kenzo des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1988, 1989 et 1990, à concurrence respectivement des sommes, en droits, de 1 399 624 F, 1 255 232 F et 1 798 468 F ; qu'il n'est, revanche, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Kenzo d'une fraction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1988, à concurrence de la somme de 948 082 F, en droits et pénalités ;
Sur les conclusions de la société Kenzo tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, soit condamné à payer à la société Kenzo la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles la société Kenzo a été assujettie au titre des exercices clos en 1988, 1989 et 1990, sont remises à sa charge, à concurrence respectivement des sommes, en droits, de 1 399 624 F, 1 255 232 F et 1 798 468 F.
Article 2 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et les conclusions incidentes de la société Kenzo sont rejetés.
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N° 02PA00913