Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 1er février 2001 et 11 avril 2001 sous le n° 01PA00390, présentés pour la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE dont le siège est 61 rue de Richelieu à Paris (75002), par Me Haas, avocat au conseil d'Etat et à la cour de cassation ; la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9809259-5 du 9 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à M. Jean X la somme de 227 083,63 F (34 618,67 euros) avec intérêt au taux légal à compter du 24 décembre 1997 en réparation du préjudice qu'il a subi entre le 18 avril 1996 et le 30 septembre 1997 du fait de son licenciement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de condamner M. X à lui verser la somme de 17 840 F (2 734,94 euros) en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 18 mai 2005 :
- le rapport de M Koster, rapporteur,
- les observations de Me Haas, pour le BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE, de Me Ritz, pour M. X, et de M. X,
- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par une décision du 13 juillet 1993, le directeur de la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE a licencié M. X de ses fonctions de chef de département du fonctionnement interne à compter du 15 octobre 1993 ; que par un arrêt du 19 décembre 1997, devenu définitif, la cour de céans a estimé que ce licenciement était entaché d'illégalité et a condamné la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE France à verser à M. X une indemnité correspondant aux pertes de rémunération qu'il a subies entre le 15 octobre 1993 et le 4 avril 1996, ainsi qu'une indemnité de 20 000 F (3 048,98 euros) en réparation de son préjudice moral ; que la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE fait appel du jugement en date du 9 novembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser en outre à M. X la somme de 227 083,63 F (34 618,67 euros) au titre des pertes de revenus subies par l'intéressé au cours de la période comprise entre le 18 avril 1996 et le 30 septembre 1997 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le commissaire du gouvernement ayant formulé des conclusions au cours de l'audience du Tribunal administratif de Paris qui a examiné l'affaire opposant M. X à la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE était, à l'époque des faits litigieux, salarié de cet établissement public ; que sa participation à l'instance est de nature à faire naître un doute sur l'impartialité des premiers juges ; que, dès lors, la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE est fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de son irrégularité, ledit jugement doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la décision de licencier M. X étant entachée d'excès de pouvoir, cette illégalité a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE ; que M. X est en droit d'obtenir réparation des préjudices de toute nature qu'il a subis et qui sont la conséquence directe de son licenciement ; que, contrairement à ce que soutient la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE , la cour de céans, dans son arrêt du 19 décembre 1997, ne s'est pas prononcée sur le préjudice subi par M. X après le jugement du Tribunal administratif de Paris rendu le 18 avril 1996 mais uniquement sur la période comprise entre le 15 octobre 1993 et le 4 avril 1996 ; que son éviction illégale ayant eu des conséquences dommageables jusqu'à son admission à la retraite, en septembre 1997, M. X est fondé à demander à la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE la réparation du préjudice qu'il a subi jusqu'à cette date ;
Sur le préjudice :
Considérant que M. X a droit, au titre de sa perte de rémunération entre le 18 avril 1996 et le 30 septembre 1997, à une indemnité dont le montant est égal à la différence entre, d'une part, le traitement mensuel net afférent à l'indice majoré 990 de son contrat, conforme à l'évolution de cet indice au cours de ladite période, augmenté de l'indemnité de résidence au taux applicable aux fonctionnaires en service à Paris et, d'autre part, les allocations pour perte d'emploi perçues par lui pendant la même période et toutes autres rémunérations qu'il a pu se procurer par son travail, au cours de cette même période ;
Considérant que si la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE soutient que M. X a bénéficié d'un trop-perçu de 78 164,35 F (11 916,07 euros) sur la somme de 423 882,69 F (34 620,50 euros) qui lui a été versée le 15 novembre 1997 au titre des pertes de salaires subies entre le 15 octobre 1993 et le 4 avril 1996 et de l'indemnisation de son préjudice moral, il est constant que cette somme a été calculée en application du jugement du Tribunal administratif de Paris du 18 avril 1996 qui a été annulé par un arrêt de la cour de céans du 19 décembre 1997 devenu définitif ; que, par suite, il y a lieu de recalculer l'indemnité due à M. X conformément aux modalités définies par cet arrêt et de ramener l'indemnisation de son préjudice moral de 40 000 F (6 097,96 euros) à 20 000 F (3 048,98 euros) ainsi qu'il en a été décidé par ledit arrêt ; que si la somme ainsi recalculée est inférieure à la somme de 423 882,69 F (64 620,50 euros) déjà versée, le montant du trop-perçu devra être déduit de l'indemnité due à M X au titre de la période du 18 avril 1996 au 30 septembre 1997 ;
Considérant que la cour ne trouve pas au dossier les éléments permettant de calculer le montant de cette indemnité ; qu'il y a lieu de renvoyer M. X devant la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE aux fins de liquidation de l'indemnité qui lui est due ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal sur la somme qui lui est due au titre de la période du 18 avril 1996 au 30 septembre 1997 à compter du 24 décembre 1997, date de réception par la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE de sa réclamation préalable ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 14 juin 1999 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à la date du 14 juin 1999 qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, soit condamné sur leur fondement à verser une somme à la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE à verser à M. X la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 novembre 2000 est annulé.
Article 2 : La BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE est condamnée à verser à M. X, au titre de sa perte de rémunération entre le 18 avril 1996 et le 30 septembre 1997, la somme définie dans les motifs du présent arrêt. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1997. Les intérêts seront capitalisés au 14 juin 1999 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : M. X est renvoyé devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité réparant sa perte de revenus.
Article 4 : La BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE versera à M. X la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de M. X est rejeté.
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N° 01PA00390