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31/03/2005 | FRANCE | N°01PA01218

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4eme chambre - formation b, 31 mars 2005, 01PA01218


Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2001, présentée pour la VILLE DE PARIS représentée par son maire, par Me B... ; la VILLE DE PARIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9827912 en date du 26 décembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire des sociétés Rineau Frères, Tunzini Nessi Entreprise Equipements, Nessi-Bigeault-Schmitt, Cofreth, Semah, Génie Thermique Climatique Maintenance, Socotec, Groupement Thermique des Halles et M. X à lui verser la somme de 8 110

000 F, avec indexation sur l'indice INSEE de la construction, au titre...

Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2001, présentée pour la VILLE DE PARIS représentée par son maire, par Me B... ; la VILLE DE PARIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9827912 en date du 26 décembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire des sociétés Rineau Frères, Tunzini Nessi Entreprise Equipements, Nessi-Bigeault-Schmitt, Cofreth, Semah, Génie Thermique Climatique Maintenance, Socotec, Groupement Thermique des Halles et M. X à lui verser la somme de 8 110 000 F, avec indexation sur l'indice INSEE de la construction, au titre des travaux de réparation des désordres affectant l'installation des systèmes de désenfumage des équipements publics des Halles, la somme de 973 200 F au titre des frais annexes, la somme de 386 738 F au titre des frais d'expertise et à lui rembourser les déficits d'exploitation correspondant à la durée des travaux de réfection, le tout majoré des intérêts au taux légal ;

2°) de condamner conjointement et solidairement les sociétés Rineau Frères, Tunzini Nessi Entreprise Equipement, Groupement Thermique des Halles, Cofreth, Socotec et Semah à lui verser les sommes de 8 110 000 F hors taxes et de 973 200 F, lesdites sommes étant indexées sur l'indice INSEE de la construction, les sommes de 386 738 F au titre des frais d'expertise et de 155 563, 15 F en remboursement des frais avancés pour l'exécution de l'expertise, le tout majoré des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa requête ;

3°) de condamner les mêmes sociétés à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2005 :

- le rapport de Mme Brotons, rapporteur,

- les observations de Me de D..., pour la VILLE DE PARIS, celles de Me X..., pour la société Rineau Frères et autres, celles de Me C..., pour la société TNEE, celles de Me Y..., pour la société Elyo venant aux droits de la société Cofreth, celles de Me A..., pour la société Semah, celles de Me Z..., pour la société Groupement Thermique des Halles et celles de Me F..., pour la société GTCM,

- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la VILLE DE PARIS a confié à la Semah la maîtrise d'ouvrage déléguée ainsi que la maîtrise d'oeuvre de l'opération de rénovation des Halles ; que les travaux concernant la climatisation, le désenfumage et la ventilation ont été attribués à un groupement d'entreprises comprenant les sociétés Rineau Frères, Tunzini Nessi Entreprise Equipements (TNEE) et Nessi-Bigeault-Schmitt, pour un montant total d'un peu plus de 21 millions de francs, la Socotec étant chargée du contrôle technique ; qu'en cours d'exécution des travaux, la société Cofreth s'est substituée à la société Nessi-Bigeault-Schmitt ; que la réception des travaux a été prononcée le 26 novembre 1986 ; qu'à la suite de désordres apparus en 1988 dans les installations de désenfumage, le Tribunal administratif de Paris, saisi par la VILLE DE PARIS a, par jugement du 26 décembre 2000, condamné conjointement et solidairement les sociétés Rineau Frères, Tunzini venant aux droits de la société TNEE, Elyo venant aux droits de la société Cofreth, Semah et Socotec à verser à la VILLE DE PARIS, en réparation de son préjudice, la somme de 3 116 018 F sous déduction des sommes versées à titre de provision ainsi que la somme de 155 563,15 F en remboursement des frais d'expertise et a fait partiellement droit aux appels en garantie formés entre eux par les constructeurs ; que la VILLE DE PARIS demande à la Cour d'annuler ce jugement en ce qu'il a limité le montant des réparations qui lui sont dues ; que, par la voie du recours incident, les sociétés Rineau Frères, Tunzini, Elyo, Semah et Socotec demandent l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnées ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'il ressort du dossier que le jugement attaqué a été notifié à la VILLE DE PARIS le 5 février 2001 ; que, par suite, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 avril 2001, n'était pas tardive ;

Sur l'intervention des souscripteurs du Lloyd's de Londres :

Considérant que la décision à rendre sur la requête de la VILLE DE PARIS est susceptible de préjudicier aux droits des souscripteurs du Lloyd's de Londres en leur qualité d'assureurs de la société GTCM ; que, par suite, leur intervention est recevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en se référant, pour limiter à 40 % la participation des constructeurs au coût des travaux de reprise des installations, au rapport de l'expert, à la vétusté et l'insuffisance d'entretien des installations ainsi qu'à l'amélioration qui résulterait des travaux de remise en état, le tribunal a suffisamment motivé son jugement ;

Sur les conclusions de la VILLE DE PARIS dirigées contre la société Groupement Thermique des Halles :

Considérant que la société Groupement Thermique des Halles, qui était seulement chargée, après réception, de l'entretien et de la maintenance des installations, n'a pas la qualité de constructeur au sens des dispositions des articles 1792 et 2270 du code civil ; que, par suite, la VILLE DE PARIS, qui n'a fondé son action devant le juge que sur la garantie décennale des constructeurs, ne recherche pas à bon droit, sur ce fondement, la responsabilité de cette société ;

Sur le montant des réparations mises à la charge des constructeurs :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que les désordres en cause sont dus en partie à un défaut d'entretien des ouvrages ; que, notamment, sont imputables à un défaut de maintenance les désordres résultant de l'oxydation de certains ventilateurs, de l'encrassement des grilles et de l'empoussièrement des conduits ; qu'à cet égard, il a été relevé lors des opérations d'expertise qu'un simple nettoyage de l'un des réseaux de désenfumage permettait d'améliorer le débit de 10 % ; qu'à ce titre, il y a lieu de laisser à la charge du maître d'ouvrage à raison du défaut de maintenance non imputable aux constructeurs, 15 % du coût des travaux de remise en état ;

Considérant, en second lieu, qu'eu égard au délai important de l'expertise, imputable à la VILLE DE PARIS qui n'a pas procédé à l'appel d'offres nécessaire pour définir le coût exact des travaux de réfection, et, par suite, de l'ancienneté des installations à la date à laquelle ont pu être décrits la nature et l'étendue des désordres, il y a lieu d'opérer un abattement pour vétusté de 10 % ;

Considérant, en troisième lieu, que, les travaux préconisés, qui prennent en compte les normes de sécurité applicables à la date des opérations d'expertise et non celles applicables lors de l'établissement du projet initial, entraîneront une amélioration sensible des installations ; que, notamment, ils se traduisent par une totale remise en cause de la conception initiale de l'ouvrage en ce qui concerne les réseaux d'extraction et de désenfumage ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'à défaut de mise en concurrence visant à déterminer le coût exact des travaux de remise en état, l'évaluation retenue par l'expert constitue une approximation par excès ; qu'eu égard à ces éléments, il y a lieu d'opérer, en sus, un abattement de 35 % ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE DE PARIS n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a limité à 40 % la participation des constructeurs au coût des travaux de reprise des installations ; que les premiers juges ont retenu à bon droit, au titre du coût total desdits travaux, la somme de 6 110 000 F, compte tenu d'une erreur de calcul commise par l'expert ; qu'ils ont, dès lors, à bon droit, fixé à 2 444 000 F la somme due à ce titre ; que, par contre, il ressort du dossier que l'indemnité devant être mise à la charge des constructeurs à raison de 40 % du coût des études s'établit à la somme de 389 280 F au lieu de 293 280 F et que le montant total des frais d'expertise, mis à la charge des constructeurs, s'établit à la somme de 542 301 F ; qu'il suit de là que le montant total des réparations à la charge des constructeurs s'élève à la somme de 3 375 581 F (soit 514 604 euros) ; que la VILLE DE PARIS est fondée à demander la réformation en ce sens du jugement attaqué ;

Sur la demande d'indexation :

Considérant, que la VILLE DE PARIS n'établit pas avoir été dans l'impossibilité d'effectuer les travaux de réparation nécessaires à la date de dépôt du rapport de l'expert ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce que la somme due au titre de travaux de remise en état soit indexée sur l'indice INSEE de la construction doivent être rejetées ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant, que la VILLE DE PARIS sollicite l'application, aux sommes qui lui sont dues, des intérêts de retard courant à compter du dépôt de sa requête d'appel ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande dans la seule mesure où les sommes en cause ne lui ont pas été versées par provision en exécution de l'ordonnance en date du 3 février 2000 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 10 mars 2005 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande à la date du 10 mars 2005 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur la répartition des réparations et sur les appels en garantie :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que les désordres, objet du litige, sont imputables à des erreurs d'exécution telles que la pose de gaines d'air mal dimensionnées, l'utilisation de matériels inadaptés et l'absence d'organes d'équilibrage ; que ces erreurs engagent la responsabilité des entreprises Rineau Frères, Tunzini et Cofreth ; que ces sociétés ne soutiennent pas utilement que lesdites erreurs résultaient en totalité de défauts de la conception initiale du projet, dès lors qu'elles étaient contractuellement tenues de réaliser les études permettant la réalisation d'installations conformes aux normes définies dans le cahier des clauses techniques particulières annexé au marché et étaient donc étroitement associées à la conception de l'ouvrage ; qu'elles n'établissent pas que le sous-dimensionnement des gaines d'air résultait des contraintes liées aux espaces disponibles ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de prononcer leur mise hors de cause ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société Semah, chargée de la maîtrise d'oeuvre a manqué à ses missions en définissant des normes techniques trop imprécises et en n'appelant pas l'attention du maître de l'ouvrage, d'une part, sur le sous-dimensionnement des installations résultant des plans d'exécution qui lui étaient soumis par les entreprises, d'autre part, sur l'exécution défectueuse des travaux ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que les désordres en cause seraient exclusivement imputables à des défauts d'exécution ; que la Socotec, chargée d'une mission de contrôle a priori de la conformité des installations aux règles de sécurité, a manqué à son devoir de surveillance en ne relevant pas, lors de la conception des travaux, le sous-dimensionnement des gaines d'air, et en ne prévoyant pas, avant réception, des mesures détaillées des débits ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à demander sa mise hors de cause ;

Considérant, en troisième lieu, que les appels en garantie formés à l'encontre de la société Groupement Thermique des Halles ne sont pas fondés, dès lors que, comme il a été indiqué ci-dessus, cette société n'avait pas la qualité de constructeur ; qu'il n'est pas établi que la société Génie Thermique Climatique Maintenance (GTCM), filiale de la société Cofreth, soit intervenue sur le chantier en qualité de sous-traitant de cette société ; que, par suite, les sociétés Tunzini, Socotec, Semah et Rineau Frères ne sont pas fondées à rechercher la garantie de cette société ; qu'elles sont, par contre, fondées à former un appel en garantie à l'encontre de la société Elyo venant aux droits de la société Cofreth ; que, par ailleurs, il ne ressort pas de la convention de groupement jointe au dossier de première instance que les sociétés Rineau Frères, TNEE aux droits de laquelle vient la société Tunzini et Cofreth étaient liées par un contrat de droit privé en ce qui concerne la responsabilité des travaux, lesquels étaient d'ailleurs répartis entre elles ; que, par suite, les sociétés Rineau Frères, Tunzini et Elyo sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les appels en garantie formés entre elles ;

Considérant, toutefois, que par les articles 3 et 4 du jugement attaqué, le Tribunal administratif a réparti la charge des réparations en fixant à 28 % la part imputable à chacune des sociétés Rineau Frères et Tunzini, à 14 % la part imputable à la société Cofreth incluant, à hauteur de 7 %, celle de son sous-traitant, la société GTCM, à 23 % la part imputable à la société Semah et à 7 % la part imputable à la société Socotec, et en condamnant les sociétés à se garantir mutuellement dans ces proportions ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, compte-tenu, d'une part, de l'abattement déjà opéré au titre des fautes imputables au maître d'ouvrage et à son co-contractant chargé de l'entretien des installations, d'autre part, de la répartition des travaux entre les trois entreprises groupées et du défaut de conception et de surveillance relevé par l'expert, que le tribunal a mal évalué les parts respectives de responsabilité ; que, compte-tenu de ce qui est indiqué plus haut, il y a lieu de mettre l'indemnité totale de 3 375 581 F (soit 514 604 euros) à hauteur de 28 % à la charge de la société Rineau Frères, à hauteur de 28 % à la charge de la société Tunzini, à hauteur de 14 % à la charge de la société Elyo venant aux droits de la société Cofreth, à hauteur de 23 % à la charge de la société Semah et à hauteur de 7 % à la charge de la société Socotec, et de rejeter le surplus des appels en garantie ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'une ou de plusieurs des parties les frais supportés par les autres parties dans le cadre de la présente instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention des souscripteurs du Lloyd's de Londres est admise.

Article 2 : Les sociétés Rineau Frères, Tunzini venant aux droits de la société TNEE, Elyo venant aux droits de la société Cofreth, Semah et Socotec sont condamnées conjointement et solidairement à verser à la VILLE DE PARIS la somme de 514 604 euros, sous déduction des sommes versées à titre de provision.

Article 3 : Les sociétés Rineau Frères, Tunzini, Elyo, Semah et Socotec se garantiront mutuellement dans les proportions mentionnées dans les motifs du présent arrêt.

Article 4 : Les sommes mises à la charge des sociétés Rineau Frères, Tunzini, Elyo, Semah et Socotec porteront intérêt à compter du 4 avril 2001, dans la mesure où elles n'auront pas déjà été versées. Les intérêts dus seront capitalisés au 10 mars 2005 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il est contraire aux articles 2 et 3 du présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la VILLE DE PARIS, de la société Tunzini, de la société Socotec, de la société Semah, de la société Rineau Frères et de la société Elyo est rejeté.

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N° 04PA01159

M. E...

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N° 01PA01218


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 01PA01218
Date de la décision : 31/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TRICOT
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: M. COIFFET
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-03-31;01pa01218 ?
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