Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 27 septembre 2000 présentée par X, agissant en qualité de liquidateur de la SA Giovagnoni Constructions, élisant domicile ... et élisant domicile chez ... ; Y demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 31 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1988 et 1989, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 1986 au 30 septembre 1989 qui lui ont été réclamés par avis de mise en recouvrement du 14 septembre 1992 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10.000 F conformément aux dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2005 :
- le rapport de M. Alfonsi, rapporteur,
- et les conclusions de M. Magnard, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite de deux vérifications de comptabilité de la société Giovagnoni Constructions, entreprise générale de bâtiment, pour la période du 1er avril 1985 au 30 septembre 1989, l'administration fiscale a notamment réintégré dans le bénéfice imposable de cette société pour les exercices clos en 1988 et 1989 le montant des factures réglées par celle-ci à l'entreprise Peca et rappelé la taxe sur la valeur ajoutée déduite sur le montant de ces factures ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de Y agissant en qualité de liquidateur de la société Giovagnoni Constructions tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels celle-ci a été assujettie au titre des exercices 1988 et 1989 mis en recouvrement le 30 avril 1993 et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée réclamés par avis de mise en recouvrement du 18 septembre 1992, en conséquence de ces redressements ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ; que le requérant soutient qu'en méconnaissance de ces dispositions, la charte du contribuable vérifié qui lui a été transmise était périmée, faute d'avoir comporté un additif mentionnant les modifications apportées par l'article 101 de la loi de finances pour 1990 aux dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales relatives aux conditions dans lesquelles, lorsque, notamment à l'issue d'une vérification de comptabilité, elle envisage des redressements, l'administration doit indiquer au contribuable le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements ; que, toutefois, il résulte des affirmations même de Y que les conséquences des redressements ont été portés à la connaissance de la société dans la notification de redressement du 27 avril 1990 ; que, par suite, l'envoi d'un exemplaire périmé de la charte du contribuable n'a pas été, en l'espèce, de nature à priver le contribuable d'une garantie essentielle ;
Considérant, en deuxième lieu, que si, en vertu de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification, il n'est pas contesté que les deux avis de vérification datés des 19 janvier 1989 et 27 février 1990 portant respectivement sur la période du 1er avril 1985 au 31 mars 1988 et sur la période du 1er avril 1988 au 30 septembre 1989 et envoyés par l'administration au gérant de la SA Giovagnoni Constructions à l'adresse du siège social de cette entreprise ont été reçus le 27 janvier 1989 et le 5 mars 1990 ; que le liquidateur judiciaire de la société soutient qu'à cette dernière date, A, gérant, était incarcéré et que l'envoi au siège social de la société de l'avis de vérification daté du 27 février 1990 l'ayant empêché de désigner un mandataire pour le représenter au cours de ces opérations, la société aurait été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire qui s'attache à la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité ; qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne prévoit que, dans ces circonstances, l'administration doit faire parvenir l'avis de vérification de comptabilité à la maison d'arrêt dans laquelle est détenu le représentant légal de la société ; qu'en adressant au siège social de la SA Giovagnoni Constructions l'avis de vérification du 27 février 1990 qui a été reçu, comme il a été dit ci-dessus, le 5 mars 1990, par une personne dont le requérant ne remet pas en cause l'habilitation à recevoir des plis, l'administration doit être regardé comme ayant mis en mesure A de désigner un mandataire ; que, par suite, Y n'est pas fondé à se plaindre de ce que la SA Giovagnoni Constructions aurait, du fait de l'incarcération de son gérant jusqu'au 9 avril 1990, été privée, au cours de la vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 1988 au 30 septembre 1989 qui s'est déroulée dans les locaux de l'entreprise du 15 mars au 27 avril 1990, de la faculté d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ; qu'enfin le requérant ne peut utilement invoquer à cet égard sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les dispositions de la documentation de base 13 L 1311 5 qui recommanderaient, en cas d'incarcération du contribuable, l'envoi de cet avis à la maison d'arrêt, dès lors que cette doctrine administrative concerne la procédure d'imposition ;
Considérant, en troisième lieu, que l'administration a annexé à la notification faite le 27 avril 1990 à la société Giovagnoni Constructions des redressements qu'elle se proposait d'apporter notamment à ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 1988 et 1989 et à la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er avril 1987 au 31 mars 1989, les procès-verbaux d'audition de son gérant, A, devant un juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Paris datés du 17 novembre 1989 et du 7 décembre 1989 sur lesquels elle entendait fonder les impositions en litige ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, la société a été informée dès la notification de ces redressements de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis de l'autorité judiciaire dans l'exercice du droit de communication qu'elle tient de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales ; que si le vérificateur a constaté dans les écritures comptables de la société la comptabilisation des factures établies par l'entreprise Peca, mentionnées dans les procès-verbaux d'audition du gérant, il ne résulte pas de l'instruction que ces factures elles-mêmes, détenues par l'autorité judiciaire, ont été consultées par le vérificateur au cours de la vérification de comptabilité dans le cadre du droit de communication de l'administration ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que lesdites factures auraient servi à l'établissement des impositions contestées sans que la société ait été informée dans la notification des redressements de leur consultation dans l'exercice du droit de communication n'est pas fondé ; que Y ne peut utilement faire valoir que lesdites factures n'auraient pas été soumises à un débat oral et contradictoire au cours de la vérification ;
Considérant, enfin, qu'en vertu de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, l'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 en vue du recouvrement notamment des taxes sur le chiffre d'affaires doit comporter les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; que l'administration , par avis de mise en recouvrement du 14 septembre 1992, a réclamé à la société Giovagnoni Constructions le paiement d'une somme de 2 988 441 F en droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre avril 1986 et septembre 1989 sur le fondement des articles 256 et suivants du code général des impôts ; que l'administration a plus particulièrement motivé dans la notification de redressement du 27 avril 1990 ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, fondés sur la même base légale, sur le motif que, s'agissant de factures fictives, la taxe illégalement facturée par l'entreprise Peca n'ouvrait pas à la société Giovagnoni Constructions de droit à déduction en vertu des articles 271.1, 272.2 et 283.4 du code général des impôts ; que, dans ces conditions, les indications figurant sur cet avis de mise en recouvrement, qui faisaient notamment référence au champ d'application de la taxe, permettaient de connaître les droits réclamés ; que, par suite, ledit avis répondait aux exigences prévues par les dispositions précitées de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
Considérant que, d'une part, en vertu des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou dont il ne peut ignorer qu'elle n'est pas le véritable fournisseur d'une marchandise ou d'une prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, d'autre part, seul peut être déduit du bénéfice industriel et commercial net, au titre des charges visées au 1 de l'article 39 du code général des impôts, le coût facturé de marchandises ou de prestations de services qui ont réellement été livrées ou rendues à l'entreprise ;
Considérant que si le requérant fait valoir que les factures délivrées toutes taxes comprises par l'entreprise Peca à la société Giovagnoni Constructions au cours des exercices clos en 1988 et 1989 ont été régulièrement portées dans la comptabilité de celle-ci après avoir été payées à cet organisme, il résulte de l'instruction, en particulier des constatations de fait opérées par le Tribunal de grande instance de Paris statuant en matière correctionnelle par un jugement définitif rendu le 9 avril 1990, que la prétendue SARL Peca, entreprise fictive dotée d'un faux numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés, a émis ces factures sans avoir exécuté aucune prestation au profit de la société Giovagnoni Constructions à laquelle elle rétrocédait en espèces le montant des sommes facturées, après avoir prélevé à titre de commission une partie de celles-ci ; qu'ainsi, l'administration établit que lesdites factures ne correspondaient pas à des prestations effectivement exécutées ; qu'en produisant les devis de cinq marchés de construction d'immeubles d'habitation ou de bureaux à Paris, Suresnes, et Rueil Malmaison établis au cours de la période vérifiée par Y, celui-ci ne peut être regardé comme apportant la preuve que ces fausses factures auraient eu en réalité pour contrepartie l'intervention de l'organisme Peca pour l'obtention de ces marchés et auraient été réglées dans l'intérêt de l'exploitation de la société Giovagnoni Constructions ; que, c'est, par suite, à bon droit que l'administration a réintégré le montant des factures en litige dans les résultats de la société Giovagnoni Constructions au titre des exercices clos en 1988 et 1989 et a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant lesdites factures opérée par cette société au cours de la période comprise entre le 1er avril 1986 et le 30 septembre 1989 ;
Considérant qu'il suit de là que Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat , qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Y la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Y, agissant en qualité de liquidateur de la société Giovagnoni Constructions, est rejetée.
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N° 00PA02981
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