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08/11/2004 | FRANCE | N°01PA03602

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation a, 08 novembre 2004, 01PA03602


Vu, I, sous le n° 01PA03602, la requête, enregistrée le 9 novembre 2001, présentée pour M. François Y, élisant domicile ... représenté par son gérant de tutelle, M. X, par Me Gentilhomme ; M. Y demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n°995623 en date du 24 septembre 2001 du Tribunal administratif de Versailles en ce qu'il a réduit à la somme de 2 000 000 F le montant de l'indemnité qui lui est due au titre de sa contamination par le VIH et en ce qu'il a déduit du montant de l'indemnité qui lui a été accordée les sommes qui lui ont été versées par le Fon

ds d'indemnisation des transfusés et hémophiles et par le fonds de solidarité ...

Vu, I, sous le n° 01PA03602, la requête, enregistrée le 9 novembre 2001, présentée pour M. François Y, élisant domicile ... représenté par son gérant de tutelle, M. X, par Me Gentilhomme ; M. Y demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n°995623 en date du 24 septembre 2001 du Tribunal administratif de Versailles en ce qu'il a réduit à la somme de 2 000 000 F le montant de l'indemnité qui lui est due au titre de sa contamination par le VIH et en ce qu'il a déduit du montant de l'indemnité qui lui a été accordée les sommes qui lui ont été versées par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles et par le fonds de solidarité des hémophiles ;

2°) de condamner L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à lui payer la somme de 3 000 000 F en réparation du préjudice qu'il a subi ;

3°) de condamner L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, II, sous le n° 01PA04083, la requête enregistrée le 5 décembre 2001, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, représenté par son président, domicilié en cette qualité au 100 avenue de Suffren à Paris (75015), par Me Labi, ; L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°995623 en date du 24 septembre 2001 du Tribunal administratif de Versailles ;

2°) de déclarer M. Y irrecevable à agir faute de disposer de la capacité d'ester en justice et à solliciter une indemnisation au titre de sa contamination par le VIH, en complément de celles déjà allouées par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH et par le fonds de solidarité des hémophiles ;

3°) subsidiairement, de rejeter comme mal fondée la demande d'indemnisation complémentaire sollicitée par M. Y au titre de sa contamination par le VIH, le caractère insuffisant des indemnités déjà allouées n'étant pas démontré ;

4°) rejeter comme mal fondées les demandes formulées par M. Y au titre de sa contamination par le virus de l'hépatite C, compte tenu de l'impossibilité de présumer l'existence d'un lien de causalité entre la contamination et les transfusions reçues par M. Y au centre Air et soleil, de produits sanguins fournis très partiellement par le centre de transfusion sanguine de Versailles eu égard, notamment, à l'existence de facteurs de risque propres à M. Y ;

5°) très subsidiairement, réduire très sensiblement les sommes fixées par le Tribunal administratif de Versailles comme se rapportant à des préjudices non établis ;

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Vu, III, sous le n° 01PA04082, la requête enregistrée le 5 décembre 2001, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, représenté par son président, domicilié en cette qualité au 100 avenue de Suffren à Paris (75015), par Me Labi ; l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement dont il demande l'annulation le même jour ;

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Vu, IV, sous le n°02PA02436, la requête enregistrée le 10 juillet 2002, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE, dont le siège est sis 2 rue des Chauffours à Cergy-Pontoise Cedex (95017), par Me Gatineau ; LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE conclut à la réformation du jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 24 septembre 2001 afin que la somme qui lui a été allouée en remboursement des prestations servies à son assuré social, M. Y, soit portée à 20 304, 34 euros, avec intérêts de droit ; LA CAISSE PRIMAIRE demande également la condamnation de L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE fait valoir les mêmes moyens que dans son mémoire enregistré le 10 juillet 2002 sous le n° 01PA04082 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n°98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2004 :

- le rapport de Mme Descours-Gatin, rapporteur,

- les observations de Me Magyar, pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

Sur la recevabilité de l'appel formé pour M. Y sous le n°01PA03602 :

Considérant que, contrairement à ce que soutient l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, Mme Marie-Thérèse Y a produit l'acte de notoriété en date du 22 avril 2002 duquel il ressort qu'elle est la seule héritière de M. François Y décédé le 4 avril 2002 ; qu'il suit de là que Mme Marie-Thérèse Y a pu valablement reprendre l'instance d'appel introduite au nom de M. François Y par son gérant de tutelle, M. X ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la demande a été présentée devant le Tribunal administratif de Versailles au nom de M. François Y par M. X, gérant de tutelle ; que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG n'est donc pas fondé à soutenir que la demande de première instance aurait été présentée par une personne ne disposant pas de la capacité d'ester en justice ;

Considérant, en second lieu, d'une part, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la procédure spécifique d'indemnisation des personnes contaminées par le virus de l'immuno-déficience humaine à l'occasion de transfusions de produits sanguins créée par l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 n'interdit pas à la victime de rechercher la responsabilité de l'auteur du dommage, mais impose seulement au juge administratif, saisi d'une demande de réparation du préjudice résultant d'une telle contamination et informé de ce que la victime ou ses ayants droit ont déjà été indemnisés du préjudice dont ils demandent réparation, de déduire d'office la somme ainsi allouée du montant du préjudice indemnisable ; d'autre part que la recevabilité de ce recours n'est pas subordonnée à la démonstration par la victime du caractère insuffisant de la réparation allouée par le fonds d'indemnisation ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, la demande présentée au nom de M. Y devant le tribunal administratif était recevable ;

Sur la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 667 du code de la santé publique, issues de la loi n° 52-854 du 21 janvier 1952 et modifiées par la loi n° 61-846 du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de collecte du sang et ont pour mission d'assurer le contrôle médical des prélèvements, le traitement, le conditionnement et la fourniture aux utilisateurs, des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;

Considérant que, dans le cas où les produits sanguins à l'origine d'une contamination ont été élaborés par plusieurs centre de transfusion ayant des personnalités juridiques distinctes, la personne publique mise en cause devant le juge administratif doit être tenue pour responsable de l'ensemble des dommages subis par la victime et condamnée à les réparer si elle n'établit pas l'innocuité des produits qu'elle a elle-même élaborés, sans préjudice de la possibilité pour elle, si elle s'y croit fondée, d'appeler en garantie devant le juge administratif les autres centres de transfusion ayant la qualité de personne publique ou d'exercer une action devant le juge judiciaire à l'encontre des autres centres de transfusion ayant la qualité de personne morale de droit privé dans la mesure où ils seraient co-auteurs de la contamination ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'hémophilie dont était atteint M. François Y a nécessité un grand nombre de transfusions sanguines réalisées, notamment entre 1983 et 1994, au centre de la Croix Rouge française Air et Soleil de la Queue-lez-Yvelines, qui se fournissait auprès du centre départemental de transfusion sanguine des Yvelines ; que le diagnostic de la contamination par le virus de l'immunodéficience humaine de M. Y a été porté le 30 janvier 1984 et que la contamination de M. Y par le virus de l'hépatite C a été révélée en avril 1995 ; que M. Y est décédé le 4 avril 2002 des suites de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Versailles, que le lien de causalité entre les transfusions dont M. Y a fait l'objet durant ses séjours au centre Air et Soleil et sa double contamination par le virus de l'immunodéficience humaine et le virus de l'hépatite C doit, compte tenu notamment du grand nombre de dons différents reçus et de l'absence d'enquête transfusionnelle, être tenu pour établi ; d'autre part, que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que cette double contamination trouverait son origine dans une autre voie de transmission du virus ; qu'en conséquence, il y a lieu de regarder le centre hospitalier de Versailles, pris en sa qualité de gestionnaire, à l'époque des faits, du centre départemental de transfusion des Yvelines Nord qui a élaboré les produits sanguins utilisés, comme entièrement responsable, même en l'absence de faute, du préjudice résultant pour M. Y de cette double contamination ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a considéré comme établi le lien de causalité entre les transfusions et lesdites contaminations et déclaré l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, substitué aux droits et obligations du centre hospitalier de Versailles, dont dépendait le centre de transfusion sanguine des Yvelines Nord fournisseur des produits incriminés, responsable des conséquences des infections contractées par M. Y, alors même que ce centre n'aurait été impliqué que pour une faible proportion des produits anti-hémophiliques utilisés par le centre Air et Soleil dans lequel M. Y avait séjourné ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles l'a déclaré responsable du préjudice personnel subi par M. Y du fait de sa double contamination par les virus de l'immuno-déficience humaine et de l'hépatite C ; que la requête n°01PA04083 présentée par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG doit donc être rejetée ;

Sur le montant du préjudice global :

Considérant que les organismes de sécurité sociale sont recevables à demander en appel le remboursement des nouvelles prestations qu'ils ont servies aux victimes ou à leurs ayants droits depuis l'intervention du jugement de première instance ; que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE justifie avoir exposé, depuis l'intervention du jugement du 24 septembre 2001, au titre de la double contamination de M. Y, une somme supplémentaire et porte devant la cour le remboursement de ses débours à 20 304, 34 euros au titre de l'ensemble des frais médicaux, pharmaceutiques et de transport exposés par elle ; qu'ainsi, le montant de la créance totale de la caisse s'élève à la somme de 20 304, 34 euros (133 185, 50 F) ;

Considérant, en second lieu, d'une part, qu'en fixant à la somme de 2 000 000 F la réparation des troubles de toute nature subis par M. Y du fait de sa contamination par le virus de l'immuno-déficience humaine, les premiers juges n'en ont pas fait une inexacte appréciation ; d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des éléments d'informations utiles contenues dans le rapport d'expertise, que la contamination de M. Y par le virus de l'hépatite C l'exposait à des complications graves, telles une hépatite chronique ou une cirrhose du foie, qui se distinguent des conséquences de la contamination par le virus de l'immuno-déficience humaine ; que ni Mme Y, ni l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ne sont donc fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a fixé à 200 000 F le montant du préjudice distinct subi par M. Y du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice global subi par M. Y s'élève à 2 333 185, 50 F (355 691 euros) ;

Sur les droits respectifs de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE et de M. Y :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les droits de la caisse s'élèvent à 20 304, 34 euros ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que, saisi d'une demande de réparation du préjudice résultant d'une contamination par le virus de l'immunodéficience humaine et informé de ce que la victime ou ses ayants droit ont déjà été indemnisés du préjudice dont ils demandent réparation, le juge administratif doit déduire d'office la somme ainsi allouée du montant du préjudice indemnisable ; que c'est donc à bon droit que le Tribunal administratif de Versailles a déduit de la somme de 2 200 000 F les sommes de 1 434 255, 87 F et de 100 000 F allouées à M. Y respectivement par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles et par le fonds de solidarité des hémophiles et a condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à verser à M. Y la somme de 665 744, 13 F (101 491, 04 euros) ; que la requête n°01PA03602 présentée pour M. Y doit être rejetée ;

Sur la requête n°01PA04082 :

Considérant que le présent arrêt statuant sur le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 24 septembre 2001, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement présentées sous le n°01PA04082 sont devenues sans objet ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à payer à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE la somme de 2 000 euros qu'elle demande, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, par application des mêmes dispositions, à payer à l'héritier de M. Y la somme qu'il demande, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes n°01PA03602 et n°01PA04083 ainsi que l'appel incident formé par M. Y sont rejetés.

Article 2 : La somme que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG a été condamné à payer à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE est portée à 20 304, 34 euros.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 24 septembre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG versera à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 02PA02436 est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de M. Y présentées sous le n°01PA04083 tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°01PA04082.

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N° 01PA03602, 01PA04082, 01PA04083, 02PA02436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 01PA03602
Date de la décision : 08/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme COROUGE
Rapporteur ?: Mme Chantal DESCOURS GATIN
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : GENTILHOMME

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2004-11-08;01pa03602 ?
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