Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2000 au greffe de la Cour, présentée par la SOCIÉTÉ LAGARDERE, dont la direction du contrôle groupe - fiscalité est sise ... (75216) ; la SOCIÉTÉ LAGARDERE demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement n° 9603939/1 en date du 16 décembre 1999 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles la société Matra-Hachette a été assujettie au titre des exercices clos en 1988 et 1989 et des pénalités y afférentes ;
2) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais d'expertise exposés pour un montant de 25.092,04 F ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2004 :
- le rapport de Mme Helmlinger, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du Gouvernement ;
Sur le recours principal de la SOCIÉTÉ LAGARDERE :
En ce qui concerne le bien-fondé de la réintégration de la provision pour dépréciation des titres de la société Manurhin :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 5° ... pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 1974, les titres de participation ne peuvent faire l'objet d'une provision que s'il est justifié d'une dépréciation réelle par rapport au prix de revient ;
Considérant que la société anonyme Matra a constitué, à la clôture de l'exercice 1988, une provision pour dépréciation des titres de participation qu'elle détenait, à hauteur de 79,41 %, au sein de la société Manurhin, d'un montant de 91.322.486 F ; qu'elle a ainsi réduit, en se fondant sur la valeur de l'actif net de ladite société à cette date, la valeur unitaire de ses titres, de 46,58 F, correspondant à leur valeur d'acquisition, à 14,63 F ; que si la valeur mathématique des titres de la société Manurhin ainsi retenue par la société Matra n'a pas été remise en cause par la vérificatrice, celle-ci a estimé nécessaire de pondérer cette évaluation par d'autres méthodes d'estimation de la valeur vénale de ces titres, et en particulier, par une méthode fondée sur la rentabilité de la société évaluée à partir de son résultat d'exploitation et une méthode fondée sur le cours moyen de bourse desdits titres ; qu'ainsi, elle a, pour sa part, estimé leur valeur unitaire à 48,20 F ; que, par suite, elle n'a pas admis le bien-fondé de la provision constituée par la société Matra et a, en conséquence, rehaussé le montant des plus-values à long terme qu'elle avait réalisées d'un montant de 78.692.430 F, au titre de l'exercice clos en 1988, et d'un montant de 12.630.056 F, au titre de l'exercice clos en 1989, compte tenu de la réintégration d'une moins-value initialement déduite au titre de l'exercice précédent ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif, que la clause de retour à meilleure fortune dont ont été assorties les subventions et les abandons de créance consenties par la société Matra à sa filiale pour permettre sa restructuration, conduisait à ouvrir à la société Matra un droit sur les bénéfices futurs de la société Manurhin, à hauteur de 589.000.000 F ; que cette clause interdisait, en conséquence, toute distribution de dividendes aux actionnaires de la société Manurhin dans un avenir prévisible , selon les termes de l'expert, et rendait, par suite, inadéquate une méthode d'évaluation de la rentabilité de la société fondée sur son résultat d'exploitation ; que la circonstance qu'en cas de retour à meilleure fortune de la société Manurhin, la société Matra aurait bénéficié du remboursement de ses créances, est, en tout état de cause, sans influence sur l'évaluation de la valeur vénale des titres de sa filiale qu'il lui appartenait d'opérer ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante fait valoir que la prise en compte du cours de bourse des titres de la société Manurhin est également inadéquate, compte tenu de la faible liquidité de ces titres ; que l'expert désigné par le tribunal administratif a reconnu que la valeur de ce cours, fixé à 28,13 F à la clôture de l'exercice 1988 et dont la moyenne au cours de cet exercice, retenue par la vérificatrice, était de 24,80 F, était excessive, eu égard à la situation sus-décrite de ladite société ; que, toutefois, l'expert a également estimé, a contrario, que la valeur de l'actif net de la société Manurhin, retenue par la société Matra et qui datait de 1982, était, quant à elle, sous-évaluée ;
Considérant que, dans ces conditions, la société Matra doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de la dépréciation des titres de la société Manurhin qu'elle détenait, dans la limite d'une évaluation de la valeur vénale unitaire desdits titres à hauteur de 22 F, fondée sur la combinaison de leur valeur mathématique et de leur cours boursier, soit une dépréciation par action de 24,58 F ; qu'ainsi, la provision qu'elle a constituée, à la clôture de l'exercice 1988, était justifiée dans son principe et dans son montant, dans la limite de la somme de 70.259.717 F sur un montant total de 91.322.486 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société en commandite par actions LAGARDERE qui succède aux droits et obligations de la société Matra-Hachette qui elle-même succédait aux droits et obligations de la société Matra est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris n'a pas réduit la base d'imposition des plus-values à long terme qu'elle avait réalisées, au titre de l'exercice clos en 1988, d'une somme de 70.259.717 F ; qu'elle n'est, en revanche, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande en ce qui concerne l'exercice clos en 1988 et l'exercice clos en 1989 ;
En ce qui concerne les frais de l'expertise ordonnée en première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article R.* 207-1 du livre des procédures fiscales : Les frais d'expertise sont supportés par la partie qui n'obtient pas satisfaction. Le contribuable qui obtient partiellement gain de cause participe aux frais en proportion de la part de sa demande qui a été rejetée ;
Considérant qu'aux termes du jugement attaqué, les frais d'expertise, fixés à la somme de 25.092,04 F ont été mis intégralement à la charge de la SOCIÉTÉ LAGARDERE ; que, compte tenu de la décision de décharge partielle énoncée précédemment, il y a lieu de condamner l'Etat à rembourser à la société requérante la somme de 2.870 euros ;
Sur le recours incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant que le désistement du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
DÉCIDE :
Article 1er : La base d'imposition des plus-values à long terme assignées à la société Matra-Hachette, au titre de l'exercice clos en 1988, est réduite d'une somme de 70.259.717 F.
Article 2 : La SOCIÉTÉ LAGARDERE est déchargée des droits et pénalités assignés à la société Matra-Hachette correspondant à la réduction de la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés définie à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'Etat est condamné à rembourser à la SOCIÉTÉ LAGARDERE la somme de 2.870 euros, au titre des frais d'expertise.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 16 décembre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIÉTÉ LAGARDERE est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIÉTÉ LAGARDERE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 00PA00965