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19/05/2004 | FRANCE | N°99PA00836

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre - formation a, 19 mai 2004, 99PA00836


VU, enregistrée au greffe de la cour le 25 mars 1999, la requête présentée par la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE ( anciennement Editions du monde ), dont le siège est 8, cours Louis Lumière 94500 Vincennes, par Me Montorcier Talon, avocat ; la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE demande à la cour :

1°) de réformer le jugement en date du 3 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Melun ne lui a accordé qu'une décharge partielle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989 et

1990 ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties, mises en recou...

VU, enregistrée au greffe de la cour le 25 mars 1999, la requête présentée par la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE ( anciennement Editions du monde ), dont le siège est 8, cours Louis Lumière 94500 Vincennes, par Me Montorcier Talon, avocat ; la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE demande à la cour :

1°) de réformer le jugement en date du 3 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Melun ne lui a accordé qu'une décharge partielle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989 et 1990 ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties, mises en recouvrement le 30 décembre 1995 ;

2°) de lui accorder la décharge de l'imposition restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

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VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2004 :

- le rapport de M. ALFONSI, premier conseiller,

- les observations de Me X...
Y... Nicole, avocate, pour la compagnie Française de presse ;

- et les conclusions de M. MAGNARD, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par un contrat daté du 15 mai 1988, la société Editions du monde, aujourd'hui dénommée SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE a donné le fonds de commerce de la revue Karaté en location-gérance moyennant une redevance annuelle de 300.000 F, pour la période du 1er juillet 1988 au 30 juin 1992, à la société Européenne de magazines, alors dénommée société Canal Presse, après que cette dernière ait acquis la totalité des droits sur le titre Bushido Le Magazine des arts martiaux ; que le locataire gérant disposait au terme de cette période d'une option entre l'acquisition du fonds à prix ferme et définitif de 600.000 F et la poursuite de la location pour une durée de deux ans ; que, sur offre d'acquisition de la société Européenne de magazines, elle a cédé à celle-ci, dès le 28 décembre 1989, le fonds de commerce de la revue Karaté au prix de 500.000F ; qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE, l'administration fiscale, qui a remis en cause le prix de cession de ce fonds de commerce, évalué en dernier lieu par le service à 11.000.000 F, a considéré que cette minoration du prix de vente du titre procédait d'un acte anormal de gestion ; qu'elle a réintégré en conséquence dans les résultats de la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE pour l'exercice 1989 la somme de 10.500.000 F ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a réduit la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignée de ce chef à la société requérante de la somme de 9.260.987 F pour le motif que le prix de cession normal du fonds de commerce de la revue Karaté correspondant à sa valeur vénale à la date de la vente s'élevait à 1.739.013 F ; que, pour demander la réformation de ce jugement, qui ne lui a accordé qu'une décharge partielle du complément d'impôt sur les sociétés résultant de ce chef de redressement, la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE fait valoir que ledit fonds de commerce ayant été cédé dans le cadre de la promesse unilatérale de vente du 15 mai 1988, sa vente ne procédait pas, en l'absence de toute minoration du prix stipulé par cette promesse de vente, d'une gestion anormale ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'en constatant une communauté d'intérêts entre la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE et la société Européenne de magazines, les premiers juges, qui ont d'ailleurs retenu un élément de fait mentionné par l'administration, n'ont pas relevé d'office un moyen de défense non soulevé par les parties ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur le bien fondé de l' imposition litigieuse :

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 28 décembre 1989 à laquelle la société requérante a cédé au prix de 500.000 F le fonds de commerce de la revue Karaté, compte tenu des résultats d'exploitation bénéficiaires générés au second semestre de l'exercice 1988 par la nouvelle formule de cette revue à la suite de sa fusion avec le magazine Bushido, la valeur vénale de cette revue n'était pas inférieure à la somme de 1.739.013 F admise par les premiers juges ; qu'ainsi, le prix de cession de cet actif était inférieur au prix du marché à la date de sa vente ; qu'en raison de la communauté d'intérêts unissant la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE et la société Européenne de magazines, qui appartenaient au même groupe de presse et dont le dirigeant détenait la quasi-totalité des parts des différentes sociétés, cette minoration de prix constitue une présomption d'acte anormal de gestion ;

Considérant, toutefois, que, pour combattre cette présomption, la société requérante se prévaut des stipulations de la promesse de vente conclue le 15 mai 1988 avec la société Européenne de magazines ; que, suivant les stipulations du deuxième alinéa de l'article 2 du contrat passé le 15 mai 1988, la location gérance du fonds de commerce de la revue Karaté était conclue, comme il a été dit ci-dessus, pour une durée de quatre ans, soit jusqu'au 30 juin 1992, la société Européenne de magazines, locataire-gérant, disposant d'une option d'achat de ce fonds de commerce à compter de cette date et au prix de 600.000 F ; que la société pouvait, avant cette date, procéder à la vente anticipée dudit fonds dans le cadre de la gestion normale de ses intérêts ; qu'en se prévalant des résultats bénéficiaires de la revue pour le second semestre 1988, l'administration n'apporte pas la preuve que le prix stipulé par la promesse de vente conclue le 15 mai 1988, date à laquelle ces résultats n'étaient pas encore connus, était inférieur à la valeur vénale de la revue Karaté telle qu'elle pouvait être évaluée à cette date et que, par suite cette promesse de vente procèderait elle-même d'une gestion anormale ; que si elle soutient que la convention du 15 mai 1988 n'a pas été enregistrée dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par son bénéficiaire prévu par l'article 1840 A du code général des impôts et serait par conséquent, en application de ce texte, nulle et de nul effet, il n'est cependant pas établi qu'à la date à laquelle elle a procédé à la vente de la revue Karaté à la société Européenne de magazines, la société requérante était consciente de la nullité de cette convention, d'ailleurs soumise le 10 juin 1988, soit peu après l'expiration du délai de dix jours, à la formalité de l'enregistrement ; que, dans ces circonstances, il y a lieu, pour apprécier la minoration éventuelle du prix de cession de cette revue, de comparer celui-ci non à la valeur vénale du fonds de commerce correspondant évaluée à la date du 29 décembre 1989, mais au prix stipulé par la convention du 15 mai 1988 par laquelle la société requérante s'estimait tenue, et ce quelle que soit la validité de celle-ci ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de la cession du fonds de commerce, la société requérante pouvait attendre de l'exécution du contrat de location-gérance, outre le produit de la vente du fonds de commerce au prix de 600.000F le 30 juin 1992, celui de redevances annuelles de location-gérance payables à terme échu le 30 juin pour la période du 1er janvier 1990 au 30 juin 1992, soit 750.000F ; que, compte tenu de l'actualisation qui doit être effectuée pour tenir compte du caractère anticipé de l'offre d'achat de la société Européenne de magazines, la revue Karaté pouvait être vendue dans le cadre d'une gestion normale le 28 décembre 1989 à un prix qu'il y a lieu d'estimer à la somme de 1.200.000 F ; que, par suite, en cédant à cette date ladite revue pour la somme de 500.000 F, la société requérante a minoré le prix stipulé au contrat de location-gérance avec option d'achat daté du 15 mai 1988 d'une somme de 700.000 F ; que la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE n'établit pas qu'en contrepartie de cette minoration de prix, elle aurait obtenu l'octroi d'un avantage d'une autre nature, commerciale ou financière, au moins équivalent ; qu'ainsi, ladite minoration de prix doit être regardée comme procédant d'un acte anormal de gestion ; qu'il suit de là que l'administration pouvait à bon droit réintégrer dans le bénéfice imposable de la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE pour l'exercice 1989 la somme de 700.000 F ; que, dès lors, la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun lui a accordé une réduction insuffisante de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 1989 ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729-1 du code général des impôts : Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40% si la mauvaise foi de l'intéressé est établie... ; que s'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le fonds de commerce de la revue Karaté a été vendu à un prix minoré par rapport à la valeur de cet actif, l'administration, qui ne démontre pas que ladite minoration aurait procédé d'une intention délibérée d'éluder l'impôt, ne peut être regardée, dans les circonstances ci-dessus analysées, comme ayant établi la mauvaise foi de la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE ; que, dès lors, celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge des pénalités pour mauvaise foi qui lui ont été appliquées au titre de l'exercice clos en 1989 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de réduire la base de l'impôt sur les sociétés assignée à la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE au titre de l'exercice 1989 d'une somme de 539.013 F, de réduire à due concurrence les droits d'impôt sur les sociétés laissés à sa charge par le tribunal administratif , de lui accorder la décharge des pénalités pour mauvaise foi auxquelles elle a été assujettie au titre du même exercice à la suite de la remise en cause du prix de cession de la revue Karaté et de rejeter le surplus des conclusions de sa requête ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions susvisées, de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE une somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés assignée par le tribunal administratif de Melun à la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE au titre de l'exercice 1989 est réduite d'une somme de 539.013 F.

Article 2 : La SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE est déchargée des droits correspondant à la réduction de base d'imposition définie à l'article 1er.

Article 3 : La SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE est déchargée des pénalités qui lui ont été appliquées au titre de l'année 1989 en application de l'article 1729-1 du code général des impôts.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 3 décembre 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat ( ministère de l'économie, des finances et de l'industrie) versera à la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE la somme de 1.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE COMPAGNIE FRANCAISE DE PRESSE est rejeté.

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N° 99PA00836

Classement CNIJ : 19-04-02-01-04-082

C 19-04-02-01-04-083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 99PA00836
Date de la décision : 19/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés FARAGO
Rapporteur ?: M. Jean ALFONSI
Rapporteur public ?: M. MAGNARD
Avocat(s) : MONTORCIER TALON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2004-05-19;99pa00836 ?
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