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22/04/2004 | FRANCE | N°99PA01043

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre - formation b, 22 avril 2004, 99PA01043


Vu (I), la requête enregistrée au greffe de la cour le 8 avril 1999, sous le n° 99PA01043, présentée pour la société DUMEZ SA dont le siège social est 25 boulevard de l'Amiral Bruix, 75782 Paris cedex 16, par la SCP RAMBAUD MARTEL, avocat ; la société DUMEZ demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98 00111-6 en date du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée solidairement responsable avec les sociétés BOUYGUES, BEC FRERES, GTM-BTP, MULLER TRAVAUX PUBLICS, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES des conséquences dommageables subies

par la SNCF résultant du dol commis lors de la passation du marché de t...

Vu (I), la requête enregistrée au greffe de la cour le 8 avril 1999, sous le n° 99PA01043, présentée pour la société DUMEZ SA dont le siège social est 25 boulevard de l'Amiral Bruix, 75782 Paris cedex 16, par la SCP RAMBAUD MARTEL, avocat ; la société DUMEZ demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98 00111-6 en date du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée solidairement responsable avec les sociétés BOUYGUES, BEC FRERES, GTM-BTP, MULLER TRAVAUX PUBLICS, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES des conséquences dommageables subies par la SNCF résultant du dol commis lors de la passation du marché de travaux de la section 21 du TGV Rhône-Alpes et a ordonné une expertise en vue de déterminer le montant du préjudice subi par la SNCF correspondant au surcoût indûment payé ;

2°) de rejeter la demande de la SNCF ;

3°) de condamner la SNCF à lui verser la somme de 100.000 F en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

4°) subsidiairement, avant dire droit, d'ordonner la production par la SNCF de tous documents de nature à justifier les allégations de cet établissement public ;

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Vu (II), la requête enregistrée au greffe de la cour le 8 avril 1998, sous le n° 99PA01042, présentée pour la société GTM-CI, dont le siège est 25 boulevard de l'Amiral Bruix, 75782 Paris cedex 16, par la SCP RAMBAUD MARTEL, avocat ; la société GTM-CI demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98 00111-6 en date du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée solidairement responsable avec les sociétés DUMEZ TP, BOUYGUES, BEC FRERES, MULLER TRAVAUX PUBLICS, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES des conséquences dommageables subies par la SNCF résultant du dol commis lors de la passation du marché de travaux de la section 21 du TGV Rhône-Alpes et a ordonné une expertise en vue de déterminer le montant du préjudice subi par la SNCF correspondant au surcoût indûment payé ;

2°) de rejeter la demande de la SNCF ;

3°) de condamner la SNCF à lui verser la somme de 100.000 F en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

4°) subsidiairement, avant dire droit, d'ordonner la production par la SNCF de tous documents de nature à vérifier les allégations de cet établissement public ;

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Vu (III) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 8 avril 1999, sous le n° 99PA01044, présentée pour la société MULLER TRAVAUX PUBLICS, dont le siège social est 36 rue du Général de Rascas, 57220 Boulay, par la SCP VILLARD et associés, avocat ; la société MULLER TRAVAUX PUBLICS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98 00111-6 en date du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée solidairement responsable avec les sociétés DUMEZ TP, BOUYGUES, BEC FRERES, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES des conséquences dommageables subies par la SNCF résultant du dol commis lors de la passation du marché de travaux de la section 21 du TGV Rhône-Alpes et a ordonné une expertise en vue de déterminer le montant du préjudice subi par la SNCF correspondant au surcoût indûment payé ;

2°) de rejeter la demande de la SNCF ;

3°) de condamner la SNCF à lui verser les sommes de 2.000.000 F à titre de dommages-intérêts et de 1.000.000 F en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

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Vu (IV), la requête et le mémoire ampliatif enregistrés les 8 avril et 9 août 1999 sous le n° 99PA01050, présentés pour la société RAZEL FRERES, dont le siège est 4 rue René Razel Christ de Saclay, 91400 Orsay, par la SCP CELICE-BLANCPAIN-SOLTNER, avocat au Conseil d'Etat à la Cour de cassation ; la société RAZEL FRERES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98 00111-6 en date du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée solidairement responsable avec les sociétés DUMEZ TP, BOUYGUES, BEC FRERES, GTM BTP, MULLER TRAVAUX PUBLICS et SPIE BATIGNOLLES des conséquences dommageables subies par la SNCF résultant du dol commis lors de la passation du marché de travaux de la section 21 du TGV Rhône-Alpes et a ordonné une expertise en vue de déterminer le montant du préjudice subi par la SNCF correspondant au surcoût indûment payé ;

2°) de rejeter la demande de la SNCF ;

3°) plus subsidiairement, de prononcer sa mise hors de cause ;

4°) subsidiairement, de condamner les entreprises éventuellement convaincues de dol à la garantir des condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;

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Vu (V), la requête, enregistrée au greffe de la cour le 8 avril 1999, sous le n° 99PA01061, présentée pour la société BOUYGUES, dont le siège social est Challenger, 1 avenue Eugène Freyssinet, 78280 Guyancourt, par la SCP RAMBAUD MARTEL, avocat ; la société BOUYGUES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98 00111-6 en date du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée solidairement responsable avec les sociétés DUMEZ TP, BEC FRERES, GTM BTP, MULLER TRAVAUX PUBLICS, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES des conséquences dommageables subies par la SNCF résultant du dol commis lors de la passation du marché de travaux de la section 21 du TGV Rhône-Alpes et a ordonné une expertise en vue de déterminer le montant du préjudice subi par la SNCF correspondant au surcoût indûment payé ;

2°) de rejeter la demande de la SNCF ;

3°) de condamner la SNCF à lui verser la somme de 100.000 F en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

4°) subsidiairement, avant dire droit, d'ordonner la production par la SNCF de tous documents de nature à justifier les allégations de cet établissement public ;

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Vu (VI), la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 avril 1999, sous le n° 99PA01070, présentée pour la société SPIE BATIGNOLLES, dont le siège social est 10 avenue de l'Entreprise, Pôle Vinci, 95863 Cergy Pontoise cedex, par la SCP NORMAND-SARDA, avocat ; la société SPIE BATIGNOLLES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98 00111-6 en date du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée solidairement responsable avec les sociétés DUMEZ TP, BOUYGUES, BEC FRERES, GTM BTP, MULLER TRAVAUX PUBLICS et RAZEL FRERES des conséquences dommageables subies par la SNCF résultant du dol commis lors de la passation du marché de travaux de la section 21 du TGV Rhône-Alpes et a ordonné une expertise en vue de déterminer le montant du préjudice subi par la SNCF correspondant au surcoût indûment payé ;

2°) d'annuler l'ordonnance en date du 26 janvier 1999 par lequel le président du tribunal administratif de Paris a désigné M. Gorsse en qualité d'expert ;

3°) de rejeter la demande de la SNCF ;

4°) de condamner la SNCF à lui verser la somme de 500.000 F en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

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Vu (VII), la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 avril 1999, sous le n° 99PA01071, présentée pour la société BEC FRERES dont le siège social est 1111 avenue Justin Bec, 34680 Saint-Georges d'Orques, par la SCP RAMBAUD MARTEL, avocat ; la société BEC FRERES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98 00111-6 en date du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a déclarée solidairement responsable avec les sociétés DUMEZ TP, BOUYGUES, GTM BTP, MULLER TRAVAUX PUBLICS, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES des conséquences dommageables subies par la SNCF résultant du dol commis lors de la passation du marché de travaux de la section 21 du TGV Rhône-Alpes et a ordonné une expertise en vue de déterminer le montant du préjudice subi par la SNCF correspondant au surcoût indûment payé ;

2°) de rejeter la demande de la SNCF ;

3°) de condamner la SNCF à lui verser les sommes de 15.000.000 F à titre de dommages-intérêts et de 300.000 F en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 ;

Vu les décrets n°s 97-444 et 97-445 du 5 mai 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 1er avril 2004 :

- le rapport de M. KOSTER, premier conseiller,

- les observations de Me MULLER, avocat, pour la société GTM CI et la société DUMEZ TP, de Me DURUPTY, avocat, pour la SNCF, de Me LAPP, avocat, pour la société BOUYGUES, de Me MAITRE-DEVALLON, avocat, pour la société BEC FRERES, de Me CHARPENTIER, avocat, pour la société MULLER TRAVAUX PUBLICS, de Me BLANCPAIN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société RAZEL FRERES, et celles de Me NORMAND-BODARD, avocat, pour la société SPIE BATIGNOLLES,

- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le marché des travaux de la section 21 du TGV Rhône-Alpes, comprenant la réalisation de 5 lots principaux de tunnels ou de terrassements et ouvrages d'art courants et de 5 lots d'ouvrages spéciaux entre Diémoz et Saint-Marcel-les-Valence dans les départements de l'Isère et de la Drôme, a fait l'objet d'une préconsultation le 27 janvier 1989 ; que les offres ont été déposées le 6 novembre 1989 et dépouillées le même jour ; que le groupement B composé d'un groupe de banques et d'un groupe d'entreprises, conduites par la société DUMEZ TP, s'est révélé le moins-disant ; qu'à l'issue d'une nouvelle consultation entre les trois groupements d'entreprises concurrents le groupement B est à nouveau apparu moins-disant pour la solution « entreprise » ; que la SNCF a engagé des négociations sur la base de la nouvelle offre remise par ce groupement le 5 février 1990 ; que le 12 juin 1990 la société GTM-BTP, jusque là leader d'un groupement concurrent, a rejoint le groupement B composé des sociétés DUMEZ TP, BOUYGUES, BEC FRERES, MULLER TRAVAUX PUBLICS, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES ; que, par lettre de commande du 19 juillet 1990, la SNCF a attribué le marché audit groupement pour un montant de 2.335.000.000 F ; que la réception des travaux s'est déroulée en plusieurs phases entre 1992 et 1994 et le décompte général et définitif du marché a été arrêté le 29 avril 1994 ; que les sociétés DUMEZ SA, BOUYGUES, BEC FRERES, GTM-CI, MULLER TRAVAUX PUBLICS, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES font appel du jugement en date du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris les a déclarées solidairement responsables des conséquences dommageables subies par la SNCF à raison du dol commis lors de la passation du marché et a ordonné une expertise pour déterminer le montant du préjudice en résultant pour la SNCF ; que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant, d'une part, que le marché litigieux conclu par la SNCF en vue de la réalisation de la section 21 des travaux d'infrastructure du TGV Rhône-Alpes, a été passé par une personne morale de droit public et porte sur des travaux et ouvrages publics ; que ce marché est donc un contrat administratif ; que s'il est soutenu que le litige porte sur la responsabilité quasi-délictuelle de personnes privées, il est constant qu'il met en cause les conditions dans lesquelles ledit marché a été attribué et formé ; qu'il relève ainsi de la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R.55 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur : « Les litiges relatifs aux marchés, contrats, quasi-contrats ou concessions relèvent de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel ces marchés, contrats, quasi-contrats ou concessions sont exécutés. [...] Toutefois, si l'intérêt public ne s'y oppose pas, les parties peuvent soit dans le contrat primitif, soit dans un avenant antérieur à la naissance du litige, convenir que leurs différends seront soumis à un tribunal administratif autre que celui qui serait compétent en vertu des dispositions de l'alinéa précédent » ;

Considérant que le marché litigieux se réfère à l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux de la SNCF qui stipule que les différends survenant entre la SNCF et l'entrepreneur seront portés devant le tribunal de commerce de Paris ; que la société MULLER TRAVAUX PUBLICS soutient que cette mention et la mention manuscrite « devant les tribunaux de Paris » qui l'a remplacée ne permettent pas de reconnaître la compétence du tribunal administratif de Paris ;

Considérant que, depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2002-547 du 19 avril 2002, la compétence territoriale des tribunaux administratifs n'est plus d'ordre public ; que le litige se rapporte à l'exécution d'un marché mettant en cause un groupement constitué de sept entreprises ; que six de ces entreprises n'ont contesté, ni devant les premiers juges ni en appel, la compétence du tribunal administratif de Paris ; que, par suite, eu égard aux liens existant entre ces entreprises et la société MULLER TRAVAUX PUBLICS, il y a lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'écarter l'exception d'incompétence soulevée par cette dernière société ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que si des mémoires de première instance ont été communiqués tardivement aux parties, après la clôture de l'instruction, il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Paris ne s'est fondé sur aucun élément contenu dans ces mémoires qui n'aurait pas déjà été porté à leur connaissance ; que, par suite, cette communication tardive, n'a pas eu pour effet, dans les circonstances de l'espèce, de porter atteinte au caractère contradictoire de la procédure et d'entacher celle-ci d'irrégularité ;

Considérant que les pièces dont la communication a été demandée par les sociétés DUMEZ SA, BEC FRERES, GTM-CI, BOUYGUES et MULLER TRAVAUX PUBLICS n'étaient pas nécessaires pour permettre au tribunal administratif de statuer en toute connaissance de cause sur le droit à réparation de la SNCF ; que, pour la détermination du quantum du préjudice subi par celle-ci, pour laquelle la communication de pièces pouvait se justifier, les premiers juges ont ordonné une expertise ; que, dès lors, en n'accédant pas à la demande des sociétés précitées le tribunal administratif de Paris n'a méconnu ni le caractère inquisitoire de la procédure administrative contentieuse ni les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que le juge administratif dirige seul l'instruction ; que, par suite, le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre explicitement aux conclusions des sociétés DUMEZ SA, GTM-CI, BOUYGUES, MULLER TRAVAUX PUBLICS et BEC FRERES tendant à ce que soient ordonnées les productions susvisées ;

Considérant que le tribunal administratif a répondu aux fins de non-recevoir opposées par la société SPIE BATIGNOLLES ainsi qu'aux moyens relatifs à l'existence et aux effets du dol ; que, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1338 du code civil étant inopérant, les premiers juges n'étaient pas tenu d'y répondre ; que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune insuffisance de motivation, ni d'omission à statuer de nature à entraîner son annulation ;

Considérant enfin que, lorsqu'une faute ayant le caractère d'une faute quasi-délictuelle a un lien avec un contrat, la responsabilité délictuelle est absorbée par la responsabilité contractuelle ; qu'ainsi le dol, s'il résulte de manoeuvres frauduleuses antérieures à la formation du contrat, affecte sa validité ; que, par suite, le tribunal administratif a pu, nonobstant le fondement contractuel qui aurait été choisi par la SNCF et sans commettre de contradiction de motifs, à la fois estimer que la demande présentée par la SNCF sur le fondement du dol constitue une action en responsabilité quasi-délictuelle intentée à l'encontre de ses cocontractants et se placer sur le terrain de la responsabilité contractuelle ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi susvisée du 13 février 1997 : « Les biens constitutifs de l'infrastructure et les immeubles non affectés à l'exploitation de transport appartenant à l'Etat et gérés par la Société nationale des chemins de fer français sont, à la date du 1er janvier 1997, apportés en pleine propriété à Réseau ferré de France » ; qu'aux termes de l'article 6 de la même loi : « Réseau ferré de France est substitué à la Société nationale des chemins de fer français pour les droits et obligations liés aux biens qui lui sont apportés, à l'exception de ceux afférents à des dommages constatés avant le 1er janvier 1997... » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des procès-verbaux d'audition et de constat de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et des constatations du conseil de la concurrence, antérieurs au 1er janvier 1997, que la SNCF a été victime d'une entente généralisée sur les marchés de génie civil du TGV Nord et du TGV Rhône-Alpes ; que, selon le rapport de la cour des comptes rendu public en octobre 1996, cette entente a engendré pour la SNCF un surcoût de l'ordre de 14,5 % sur l'ensemble des marchés de construction des lignes nouvelles ; que le dommage subi par la SNCF, résultant du surprix payé aux entreprises qui se sont livrées aux manoeuvres leur ayant permis d'obtenir le 19 juillet 1990 le marché litigieux relatif à la section 21 du TGV Rhône-Alpes, a donc été constaté avant le 1er janvier 1997 ;

Considérant, en second lieu, qu'en cas de transmission de propriété, le maître d'ouvrage initial ne perd pas la faculté d'exercer les actions en justice qui présentent pour lui un intérêt direct et certain ; que la demande de la SNCF tend à la réparation d'un préjudice qu'elle a supporté dans le cadre d'un marché de travaux qui a donné lieu à un décompte général et définitif signé le 29 avril 1994 ; que, dès lors, le transfert à Réseau ferré de France des biens résultant de ce marché n'est pas de nature à priver la SNCF de son intérêt direct et certain à obtenir réparation de ce préjudice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a admis l'intérêt à agir de la SNCF et estimé que Réseau ferré de France ne pouvait être substitué à cette dernière dans l'action indemnitaire engagée à leur encontre ;

Considérant que la société BEC FRERES fait partie du groupement attributaire du marché des travaux de la section 21 du TGV Rhône-Alpes et est susceptible de voir engager sa responsabilité solidairement avec les autres membres dudit groupement ; que, par suite, cette société n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de préjudice lié aux travaux de terrassement qu'elle a réalisés, la SNCF n'aurait aucun intérêt à agir à son encontre ;

Sur la prescription :

Considérant que l'action engagée par la SNCF devant le tribunal administratif de Paris n'est pas une action en nullité ou en rescision du contrat ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Paris a écarté le moyen tiré de la prescription quinquennale prévue à l'article 1304 du code civil comme inopérant ;

Sur les responsabilités encourues et sans qu'il soit besoin d'ordonner les mesures avant dire droit sollicitées :

Considérant que si un contrat légalement formé tient lieu de loi à ceux qui l'ont fait et ne peut en principe être révoqué ni modifié que par leur consentement mutuel, il n'en est pas de même lorsque les manoeuvres de l'une des parties ont constitué un dol ; que ces manoeuvres entraînent la résolution du contrat s'il est prouvé que sans elles l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'elles ne donnent lieu en revanche qu'à des dommages et intérêts au profit du contractant qui en a subi les effets lorsque, sans être la cause déterminante de sa volonté, elles ont eu pour résultat de l'amener à accepter des conditions plus onéreuses que celles auxquelles il aurait dû normalement souscrire et de lui causer ainsi un préjudice dont il est fondé à demander réparation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations effectuées par le conseil de la concurrence que les sociétés DUMEZ TP, BOUYGUES, MULLER TRAVAUX PUBLICS, BEC FRERES, GTM-BTP, RAZEL FRERES ET SPIE BATIGNOLLES ont participé aux concertations et échanges d'informations qui ont eu lieu dès le mois de mai 1988 entre les principales entreprises de travaux publics en vue de répartir les travaux d'infrastructures des différents réseaux de TGV entre quatre groupes d'entreprises, réunis dans un GIE occulte, à raison de 25 % chacun ; que cette répartition des travaux entre les quatre groupes ainsi constitués s'est accompagnée, dès le mois de juin 1988, de l'attribution d'une « part » à chacune des entreprises qui les composaient ; qu'en figeant les positions respectives de chaque membre de l'entente, et en impliquant une organisation chronologique de contreparties à l'occasion de chacun des marchés concernés, un tel accord général a eu pour effet de limiter la concurrence par les prix et d'augmenter la valeur globale des travaux ; que les entreprises BOUYGUES, GTM-BTP et SPIE BATIGNOLLES se sont, en outre, livrées à des pratiques de concertations et d'échanges d'informations antérieures au dépôt effectif des offres relatives à la section 21 du TGV Rhône-Alpes visant à organiser un simulacre de concurrence sur ce marché ; que, conformément à l'accord passé entre ces sociétés, la société GTM-BTP, qui faisait partie d'un groupement concurrent, a rejoint le groupement attributaire, obtenant ainsi la part de travaux qui lui était « réservée » ; que ces constatations, qu'elles portent sur l'ensemble des travaux ou seulement sur le marché particulier de la section 21 du TGV Rhône-Alpes, suffisent à établir l'existence de manoeuvres caractérisées des entreprises cocontractantes de la SNCF destinées à tromper celle-ci sur la réalité de la concurrence et sur la valeur des prix proposés ;

Considérant que l'organisation des jeux olympiques d'hiver de 1992 à Albertville imposait à la SNCF de démarrer les travaux rapidement et ne lui permettait pas de lancer un nouvel appel d'offres ; que, dans ces conditions, à la date où elles ont été commises, avant le 5 février 1990, et dans les circonstances de l'espèce, les manoeuvres susmentionnées ont obligé la SNCF à accepter des conditions plus onéreuses que celles auxquelles elle aurait dû normalement souscrire ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Paris a estimé que les manoeuvres auxquelles ont participé les entreprises DUMEZ TP, BOUYGUES, BEC FRERES, GTM-BTP, MULLER TRAVAUX PUBLICS, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES présentent tous les caractères d'un dol ;

Considérant que le dol n'a été établi dans toute son ampleur qu'après la publication le 15 mai 1996 de la décision du conseil de la concurrence en date du 29 novembre 1995 et de celle, en octobre 1996, du rapport de la cour des comptes de l'année 1996 ; que, dès lors, ni la circonstance que des négociations ont eu lieu entre le groupement attributaire du marché et la SNCF permettant à celle-ci d'obtenir un rabais important, ni celle que le décompte général et définitif du marché a été établi sans réserve par le maître de l'ouvrage le 29 avril 1994 ne sont de nature à empêcher la SNCF de se prévaloir du dol dont elle a été victime ;

Considérant que le dol litigieux a engendré pour la SNCF un surcoût du montant des travaux de la section 21 du TGV Rhône-Alpes dont elle est fondée à demander réparation au groupement attributaire du marché portant sur cette section ; que, par suite, et dès lors que la SNCF ne demande pas la réparation d'autres préjudices, son indemnisation doit porter sur l'intégralité de ce surcoût, indûment versé aux entreprises ; qu'ainsi, la circonstance que les défaillances et le manque de vigilance de la SNCF auraient contribué à l'aggravation de son préjudice, à la supposer établie, est sans incidence sur l'étendue de son droit à réparation ;

Considérant que si les entreprises RAZEL FRERES et BEC FRERES soutiennent qu'elles ne se sont pas livrées aux pratiques anticoncurrentielles spécifiques au marché de la section 21 du TGV Rhône-Alpes et n'ont réalisé que des travaux de terrassement limités à certains lots, il est constant que ces entreprises, ont intégré le groupement solidaire attributaire du marché litigieux et ont, à ce titre, bénéficié dudit marché ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Paris a retenu leur responsabilité solidaire avec les autres membres dudit groupement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris les a déclarées solidairement responsables des conséquences dommageables subies par la SNCF en raison du dol commis lors de la passation du marché de la section 21 du TGV Rhône-Alpes ;

Sur les autres conclusions des entreprises MULLER TRAVAUX PUBLICS et BEC FRERES :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède sur le bien-fondé de la demande de la SNCF que les conclusions des sociétés MULLER TRAVAUX PUBLICS et BEC FRERES tendant à la condamnation de la SNCF à leur verser des dommages-intérêts en réparation des préjudices qu'elles auraient subis pour avoir été accusées à tort de manoeuvres dolosives ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'appel en garantie formé par la société RAZEL FRERES :

Considérant que le tribunal administratif de Paris a expressément réservé jusqu'en fin d'instance l'examen des conclusions présentées par la société RAZEL FRERES tendant à être garantie par d'autres entreprises des condamnations solidairement mises à sa charge ; que, par suite, les conclusions de la société RAZEL FRERES tendant à ce que la cour statue directement sur son appel en garantie ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de la société SPIE BATIGNOLLES tendant à l'annulation de l'ordonnance du président du tribunal administratif de Paris en date du 26 janvier 1999 désignant un expert :

Considérant que cette demande, à la supposer recevable, n'est assortie d'aucun moyen ; qu'elle ne peut, dès lors, qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SNCF, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, soit condamnée sur leur fondement à verser une somme aux sociétés requérantes ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner les sociétés DUMEZ SA, BOUYGUES, BEC FRERES, MULLER TRAVAUX PUBLICS, GTM-CI, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES à verser chacune à la SNCF la somme de 7.500 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes des sociétés DUMEZ SA, BOUYGUES, BEC FRERES, GTM-CI, MULLER TRAVAUX PUBLICS, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES sont rejetées.

Article 2 : Les sociétés DUMEZ SA, BOUYGUES, BEC FRERES, GTM-CI, MULLER TRAVAUX PUBLICS, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES verseront chacune à la SNCF la somme de 7.500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés DUMEZ SA, BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS, BEC FRERES, SOCOFREG (GTM-CI), MULLER TRAVAUX PUBLICS, RAZEL FRERES et SPIE BATIGNOLLES, à la SNCF et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

2

N°s 99PA01043, 99PA01042, 99PA01044, 99PA01050

99PA01061, 99PA01070 et 99PA01071

Classement CNIJ : 17-05-01-02

B 39-01-02-01-05

39-02

39-05-01-01


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 99PA01043
Date de la décision : 22/04/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPÉTENCE EN PREMIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE TERRITORIALE - ABSENCE DE CARACTÈRE D'ORDRE PUBLIC - LITIGES RELATIFS AUX MARCHÉS - CONSÉQUENCE - RESPECT DE LA VOLONTÉ DE LA MAJORITÉ DES PARTIES DANS UN SOUCI DE BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE.

17-05-01-02 Eu égard aux liens existant entre sept entreprises, dont six ont admis la compétence du tribunal administratif de Paris, l'exception d'incompétence soulevée par une seule entreprise, dans le cadre de l'exécution d'un marché mettant en cause ce groupement, doit être écartée, dès lors que la compétence territoriale des tribunaux administratifs n'est plus d'ordre public.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPÉTENCE EN PREMIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE TERRITORIALE - ABSENCE DE CARACTÈRE D'ORDRE PUBLIC - CONSÉQUENCE - RESPECT DE LA VOLONTÉ DE LA MAJORITÉ DES PARTIES DANS UN SOUCI DE BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE.

39-08-005 Eu égard aux liens existant entre sept entreprises, dont six ont admis la compétence du tribunal administratif de Paris, l'exception d'incompétence soulevée par une seule entreprise, dans le cadre de l'exécution d'un marché mettant en cause ce groupement, doit être écartée, dès lors que la compétence territoriale des tribunaux administratifs n'est plus d'ordre public.


Composition du Tribunal
Président : Mme TRICOT
Rapporteur ?: M. Patrick KOSTER
Rapporteur public ?: M. HAIM
Avocat(s) : TORRON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2004-04-22;99pa01043 ?
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