Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 décembre 2000, présentée pour M. Francis X, demeurant ..., agissant tant pour lui-même, que pour Mme Chantal X ainsi que pour l'indivision X, pour Mme Marie-Thérèse Y, demeurant ... et pour M. Guy-Jean Z, demeurant ..., par la SCP d'avocats Z et associés et par Me GORNY, avocat ; les consorts X demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°9805339/7 en date du 13 octobre 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la Ville de Paris à leur verser la somme de 63 798 000 F en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la résiliation illégale de la convention d'occupation du domaine public passée entre la Ville de Paris et la société Ledoyen ;
Classement CNIJ : 60-04-01-03-02
C
2°) de condamner la Ville de Paris à leur verser la somme de 63 798 000 F, majorée des intérêts à compter du 30 juin 1997 ;
3°) de condamner la Ville de Paris à leur verser la somme de 50 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2004 :
- le rapport de Mme GIRAUDON, premier conseiller,
- les observations de Me Z, avocat, pour les consorts X, et celles de Me Laymond, avocate, pour la Ville de Paris,
- et les conclusions de M. HEU, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que par une convention du 1er mai 1984, la Ville de Paris a concédé pour une durée de douze ans l'occupation et l'exploitation du pavillon Ledoyen situé Promenade des Champs Élysées à la société Ledoyen qui y a exploité un fonds de commerce de restaurant ; que, le 10 avril 1987, les consorts X, actionnaires de la société Ledoyen, ont cédé 16 770 actions à la société Cerus sur les 17 800 qu'ils possédaient ; que, par un arrêté en date du 3 septembre 1987, le maire de Paris a prononcé la résiliation de la convention du 1er mai 1984 pour le motif que cette cession n'était pas conforme aux stipulations de l'article 18 de la convention ; qu'en raison de cette résiliation, les actionnaires de la société ont été condamnés par une sentence arbitrale du 28 novembre 1989, en premier lieu, à restituer à la société Cerus le prix de la cession des actions, soit la somme de 38 500 000 F augmentée des intérêts, contre remise des actions, cette somme étant diminuée de 9 500 000 F pour tenir compte des opérations dont la société Cerus a eu la responsabilité pendant sa gestion, en deuxième lieu, à verser à la société Cerus une indemnité de 700 000 F et, enfin, à supporter les deux-tiers des honoraires des arbitres ; que, toutefois, par un arrêt du 4 avril 1997, le Conseil d'État a jugé que la résiliation de la convention d'occupation était illégale et a annulé l'arrêté du maire de Paris du 3 septembre 1987 ; que, par la requête susvisée, les consorts X font appel du jugement en date du 13 octobre 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la Ville de Paris à réparer le préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de cette résiliation illégale ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que les requérants n'ont contesté la régularité du jugement attaqué que dans un mémoire produit après l'expiration du délai d'appel ; que la contestation qu'ils élèvent sur ce point est, par suite, irrecevable ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'il résulte de l'examen du dossier de première instance que les requérants avaient adressé un recours gracieux au maire de Paris, qui en a accusé réception le 6 novembre 1997, afin d'obtenir l'indemnisation des différents chefs de préjudices qu'ils invoquent ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence de l'administration liant le contentieux ; que, par suite, leur demande devant le tribunal administratif de Paris était recevable ;
Sur la responsabilité :
Considérant que contrairement à ce que soutient devant la cour la Ville de Paris, les requérants n'ont pas seulement présenté leur demande de première instance sur le fondement de la responsabilité contractuelle, mais aussi sur le terrain de la responsabilité extra-contractuelle ;
Considérant, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, que la Ville de Paris a résilié illégalement la convention qui la liait à la société Ledoyen ; que cette résiliation illégale est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité extra-contractuelle de la Ville de Paris à l'égard des consorts X, en leur qualité d'actionnaires de la société Ledoyen ;
Sur le préjudice :
Considérant que c'est en raison de la résiliation illégale et fautive susmentionnée que les requérants, actionnaires de la société Ledoyen, ont été condamnés à indemniser la société Cerus par la sentence arbitrale du 28 novembre 1989 ; que cette condamnation leur a causé un préjudice qui est la conséquence directe de cette résiliation ;
Considérant que si les requérants ont été condamnés à rembourser à la société Cerus la somme de 38 500 000 F, correspondant au prix de cession des actions, minorée de 9 500 000 F correspondant aux opérations dont la société Cerus a eu la responsabilité pendant sa gestion, les actions qu'ils avaient cédées à la société Cerus leur ont été restituées ; que s'ils allèguent que ces actions ont perdu toute valeur en raison de la dissolution de la société Ledoyen, ils ne l'établissent pas ; qu'ils n'apportent pas davantage de précisions quant au préjudice moral qu'ils auraient subi, ni de justificatifs des honoraires qu'ils ont dû verser au cours des différentes procédures consécutives à cette résiliation ; que ces chefs de préjudice ne peuvent, dès lors, donner lieu à indemnisation ;
Considérant, en revanche, que les consorts X sont fondés à demander la condamnation de la Ville de Paris à les indemniser à hauteur de 700 000 F, soit 106 714,31 euros, correspondant au montant des dommages et intérêts qu'ils ont dû verser à la société Cerus en application de la sentence arbitrale ; que cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 1997, date à laquelle la demande d'indemnisation est parvenue à la Ville de Paris ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les consorts X, qui, dans la présente instance, ne sont pas la partie perdante, soient condamnés à verser à la Ville de Paris la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Ville de Paris à verser aux consorts X une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 9805339/7 du tribunal administratif de Paris en date du 13 octobre 2000 est annulé.
Article 2 : La Ville de Paris est condamnée à verser aux consorts X une indemnité de 106 714,31 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 1997.
Article 3 : La Ville de Paris est condamnée à verser aux consorts X une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts X est rejeté.
N° 00PA03801 2