La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2003 | FRANCE | N°98PA04135

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5eme chambre, 19 juin 2003, 98PA04135


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 19 novembre 1998, la requête présentée pour M. Jean X, demeurant ..., par Me LAUBIN, avocat ; M. X demande à la cour :

1') de réformer le jugement n° 9609660 du 8 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Melun ne lui a accordé qu'une décharge partielle du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;

2') de prononcer la décharge d'imposition demandée ;

3') de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20.000 F (3.048,98 euros) au titre des frais irrépétibles ;r>
.......................................................................................

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 19 novembre 1998, la requête présentée pour M. Jean X, demeurant ..., par Me LAUBIN, avocat ; M. X demande à la cour :

1') de réformer le jugement n° 9609660 du 8 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Melun ne lui a accordé qu'une décharge partielle du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;

2') de prononcer la décharge d'imposition demandée ;

3') de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20.000 F (3.048,98 euros) au titre des frais irrépétibles ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Classement CNIJ : 19-01-03-01

C

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2003 :

- le rapport de M. DUPOUY, premier conseiller,

- les observations de Me HONNORAT, avocat de M. X,

- les conclusions de M. PRUVOST, commissaire du Gouvernement ;

- et connaissance prise de la note en délibéré présentée pour M. X le 28 mai 2003 ;

Considérant que M. X, qui exerçait au moment des faits les fonctions de gérant de la société à responsabilité limitée Garage de la Marne ayant opté pour le régime des sociétés de personnes, fait appel du jugement n° 9609660 du 8 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Melun ne lui a accordé qu'une décharge partielle du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1989 à la suite d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle et restant en litige compte tenu des dégrèvements prononcés ; que, par la voie du recours incident, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la cour de rétablir le requérant au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1989 à raison des droits et pénalités dont le tribunal administratif l'a déchargé, à hauteur d'un montant en bases de 1 408 239 F (214 684,65 euros) ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, devant le tribunal administratif de Melun, M. X a soutenu que l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle avait en réalité commencé le 26 avril 1990 sans avoir été précédé de l'envoi d'un avis de vérification et de la remise de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; que le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen ; que, par suite, le jugement attaqué, en date du 8 juillet 1998, doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décisions des 7 octobre 1996, 4 février 1998 et 7 mai 2003 postérieures à l'introduction de la demande, le directeur des services fiscaux chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 2 746 544 F (418 707,93 euros), du complément d'impôt sur le revenu auquel M. X a été assujetti au titre de l'année 1989 ; que les conclusions de M. X relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenus sans objet ;

Sur la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales :

Considérant qu'aux termes de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans factures, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être retenus et procéder à leur saisie. II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui. Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite ... ;

Considérant que, par ordonnance en date du 25 avril 1990, le président du tribunal de grande instance de Reims a autorisé des agents de la direction générale des impôts, en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à procéder à des visites et saisies dans les locaux professionnels de la société Garage de la Marne et de la société anonyme d'exploitation du Garage de la Marne, dont M. et Mme X détiennent ensemble 60 % du capital ; que, par jugement du 2 mai 1995 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Reims, statuant en matière correctionnelle, a estimé irrégulières les opérations de saisie de documents effectuées le 26 avril 1990 notamment dans les bureaux personnels de M. X ne faisant pas partie des locaux visés par l'ordonnance du 23 avril 1990 et a, en conséquence, déclaré nulles les poursuites exercées à l'encontre de M. X pour exercice illégal de la profession de banquier ; qu'au cours de ces opérations, dix documents appartenant à la société d'exploitation du Garage de la Marne ont été saisis, tous les autres documents saisis, s'élevant à plus de huit mille, appartenant à M. X personnellement ; qu'il ressort notamment du procès-verbal d'interrogatoire d'un des agents de l'administration fiscale ayant participé à la visite domiciliaire, condamné pour vol et corruption de fonctionnaire, que l'administration, en demandant l'autorisation de visiter les locaux des deux sociétés, cherchait en réalité à obtenir des éléments lui permettant de vérifier les indices qu'elle détenait sur les agissements personnels de M. X pour éluder l'impôt ;

Considérant que, par décision du 7 octobre 1996, l'administration a abandonné les redressements effectués en matière de bénéfices industriels et commerciaux et liés à l'activité de prêteur de fonds de M. X concernée par la visite et la saisie irrégulières ; que le requérant se prévaut des irrégularités ayant entaché la procédure de visite et de saisie pour demander la décharge de l'imposition restant en litige ; que si l'administration soutient que les redressements qui sont à l'origine de ladite imposition ne procèdent pas de l'exploitation de renseignements recueillis à l'occasion de cette visite, mais de l'analyse des mouvements ayant affecté les comptes bancaires de M. et Mme X et des déclarations de revenus qu'ils ont déposées, il résulte toutefois de l'instruction que le vérificateur a utilisé certains des documents saisis dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, appartenant personnellement à M. X, pour établir les demandes de justifications et notifier les redressements en matière de revenus d'origine indéterminée ; qu'il en est ainsi, en particulier, des fiches CCF comportant des informations détaillées sur les chèques remis à l'encaissement et qui ont été utilisées pour interroger le contribuable sur certains crédits individualisés n'apparaissant pas en tant que tels sur les bordereaux de remise et les relevés bancaires communiqués à l'administration ; que, dès lors, les redressements concernant les revenus d'origine indéterminée, qui trouvent leur source dans des informations recueillies lors des opérations de visite et de saisie irrégulières, sont entachés d'irrégularité ; que, par suite, le requérant est fondé à demander une réduction de l'imposition restant en litige correspondant auxdits redressements d'origine indéterminée relatifs à l'année 1989 ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'envoi au cours de l'examen de situation fiscale personnelle de demandes de renseignements ne mentionnant pas leur caractère non contraignant :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, aucune disposition du livre des procédures fiscales n'impose que les demandes de renseignements formulées par l'administration dans le cadre d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle prennent la forme de demandes de justifications fondées sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; qu'en outre, aucune disposition ne fait obligation à l'administration d'indiquer que les demandes de communication de relevés de comptes bancaires ou d'autres documents qu'elle adresse au contribuable dans le cadre de cet examen ont un caractère non contraignant ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire au cours du contrôle :

Considérant qu'aux termes de l'article L.10 du livre des procédures fiscales : Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L.12 et L.13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ; et qu'aux termes de cette charte : Dans le cadre de l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle, le dialogue oral joue également un rôle très important. Mais lorsque des points restent sans explication, une procédure écrite de demande d'éclaircissements ou de justifications, définie de façon précise, est mise en oeuvre. Ce dialogue oral doit vous permettre de présenter vos explications sur les discordances relevées par le vérificateur à partir des informations dont il dispose ; qu'il résulte de ces dispositions qu'au cours d'un examen de situation fiscale personnelle, le vérificateur est tenu d'offrir au contribuable la possibilité d'engager avec lui un dialogue contradictoire sur les points qu'il envisage de retenir, avant le recours éventuel à la procédure de demande de justifications visée à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; que si la méconnaissance de cette exigence présente le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié, le caractère oral d'un tel débat n'est pas exigé à peine d'irrégularité de la procédure suivie ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'avant l'envoi de la demande de justifications du 20 août 1991, le vérificateur s'est entretenu avec le contribuable les 24 mai et 25 juin 1991 ; que ces entretiens ont eu lieu après la communication au service d'une partie des relevés des comptes bancaires de l'intéressé et ont permis à celui-ci d'apporter certaines explications sur les discordances que le vérificateur s'apprêtait à relever à partir des éléments dont il disposait ; que, dans ces conditions, M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat contradictoire, seul exigé à peine d'irrégularité ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la violation des articles L. 47 et L. 10 du livre des procédures fiscales, de l'emport irrégulier des documents saisis et du défaut de restitution de ces documents avant l'envoi de la demande de justifications :

Considérant que les moyens soulevés par le requérant et tirés de l'examen des documents irrégulièrement saisis sans envoi préalable d'un avis de vérification et de la charte du contribuable vérifié, de leur emport sans demande expresse préalable du contribuable et du défaut de restitution de ces documents avant l'envoi de la demande de justifications du 20 août 1991 ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre des redressements qui ne trouvent pas leur origine dans l'exploitation desdits documents ;

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :

Considérant que le compte courant de M. X dans la société d'exploitation du Garage de la Marne a été crédité, le 12 décembre 1989, d'une somme de 12 040 000 F correspondant au produit de la vente à cette société de 595 actions de la société Carrières de Rancennes , soit un prix de 20 235 F par action, alors que M. X avait acquis ces actions le 15 décembre 1988 au prix de 3 784 F par action ; que si le requérant soutient que cette opération a été annulée à la demande du commissaire aux comptes et a donné lieu à une déclaration rectificative des résultats de la société d'exploitation du Garage de la Marne déposée auprès du centre des impôts de Reims, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de cette annulation comptable et du dépôt de la déclaration rectificative alléguée ; qu'il ne produit aucun élément sérieux de nature à justifier le caractère normal du prix de cession des actions, correspondant à une augmentation de leur valeur de 435 % en un an, alors que la société Carrières de Rancennes était sans activité depuis sa création et que son patrimoine était resté inchangé entre les deux transactions ; que, dans ces conditions, l'administration a pu, à bon droit, conclure à une surévaluation injustifiée du prix de cession des titres par rapport à leur valeur réelle et imposer cette surévaluation dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en tant que revenu distribué, en application des dispositions de l'article 109-1-2° du code général des impôts ; que la circonstance qu'un juge d'instruction ait prononcé un non-lieu sur le chef de fraude fiscale en matière de revenus distribués est sans incidence sur la régularité de ce redressement, dès lors que l'ordonnance de non-lieu, qui n'émane pas d'une formation de jugement et ne se prononce pas sur le fond, est dépourvue de l'autorité de la chose jugée ;

En ce qui concerne les conclusions incidentes du ministre :

Considérant que les conclusions incidentes présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie concernent les redressements relatifs aux revenus d'origine indéterminée qui, comme il a été dit, sont entachés d'irrégularité ; que ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la réduction du complément d'impôt sur le revenu maintenu à sa charge au titre de l'année 1989, en tant que cette imposition découle des redressements notifiés en matière de revenus d'origine indéterminée ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 9609660 du tribunal administratif de Melun en date du 8 juillet 1998 est annulé.

Article 2 : A concurrence de la somme de 418 707,93 euros en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu auquel M. X a été assujetti au titre de l'année 1989, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. X.

Article 3 : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. X au titre de l'année 1989 est réduite du montant des redressements relatifs aux revenus d'origine indéterminée. M. X est déchargé des droits et pénalités correspondant à cette réduction de base d'imposition.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Melun et des conclusions de sa requête d'appel, ainsi que le recours incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sont rejetés.

- 2 -

N° 98PA04135


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5eme chambre
Numéro d'arrêt : 98PA04135
Date de la décision : 19/06/2003
Sens de l'arrêt : Réduction de l'imposition
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés JEAN-ANTOINE
Rapporteur ?: M. DUPOUY
Rapporteur public ?: M. PRUVOST
Avocat(s) : LAUBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2003-06-19;98pa04135 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award