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09/04/2002 | FRANCE | N°97PA02584

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre - formation b, 09 avril 2002, 97PA02584


VU le recours, enregistré le 16 septembre 1997 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9310945/1 en date du 19 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a décidé d'imputer les déficits reportables à la clôture des exercices clos en 1982 et 1983 ainsi que les amortissements réputés différés sur les redressements opérés au titre des exercices clos en 1985 et 1986 et de réduire, compte tenu de ces imputations, les compléments d'impôt

sur les sociétés auquel la société anonyme Banque Bruxelles Lambert France...

VU le recours, enregistré le 16 septembre 1997 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9310945/1 en date du 19 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a décidé d'imputer les déficits reportables à la clôture des exercices clos en 1982 et 1983 ainsi que les amortissements réputés différés sur les redressements opérés au titre des exercices clos en 1985 et 1986 et de réduire, compte tenu de ces imputations, les compléments d'impôt sur les sociétés auquel la société anonyme Banque Bruxelles Lambert France a été assujettie au titre des exercices clos en 1985 et 1986 ;

Classement CNIJ : 19-01-03-05

C 19-04-02-01-04-03

19-04-02-01-04-04

19-04-02-01-04-10

2°) de rétablir les compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la société Banque Bruxelles Lambert France a été assujettie au titre des exercices clos en 1985 et 1986 ;

...........................................................................................................................................

VU les autres pièces du dossier ;

VU l'ordonnance du 28 janvier 2002 par laquelle le président de la 2ème chambre B a fixé la date de la clôture de l'instruction au 28 février 2002 à 15 h ;

VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2002 :

- le rapport de M. LE GOFF, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;

Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société ING Bank France :

Considérant que la société anonyme ING Bank France, venant aux droits de la société Banque Bruxelles Lambert France qui venait elle-même aux droits de la société Banque Louis Dreyfus, soutient que le recours est irrecevable, d'une part, en raison de l'incompétence de son signataire, d'autre part, en raison du dégrèvement accordé sans réserve en exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 19 décembre 1996, enfin, au motif que les impositions en litige seraient prescrites ;

Considérant, en premier lieu, qu'en application du décret du 6 mars 1961 modifié par décret du 7 août 1981, le directeur général des impôts, qui a délégation permanente de la signature du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE pour introduire des recours en appel, peut déléguer sa signature à des fonctionnaires ayant au moins le grade d'administrateur civil de 2ème classe ; que par décret du 3 septembre 1997, paru au Journal officiel du 5 septembre 1997, l'administrateur civil chargé de la sous-direction IV B de la direction générale des impôts a reçu délégation à cette fin ; qu'il suit de là que l'administrateur civil chargé de la sous-direction IV B de la direction générale des impôts, qui n'était pas tenu de rappeler que le directeur général des impôts agit lui-même par délégation du ministre, a régulièrement formé le 16 septembre 1997 le recours au nom de celui-ci ;

Considérant, en deuxième lieu, que les jugements rendus par les tribunaux administratifs sont exécutoires ; que l'exécution d'un jugement, à laquelle l'administration est légalement tenue en raison de l'absence d'effet suspensif de l'appel, est sans incidence sur la recevabilité de l'appel formé par le ministre dans le délai de recours contentieux ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose, par ailleurs, à l'administration d'assortir de réserves les dégrèvements qu'elle accorde en exécution d'un jugement ; qu'enfin, la requérante ne peut utilement invoquer, en ce qui concerne les règles de procédure contentieuse, la doctrine administrative ;

Considérant, en troisième lieu, que la société ING Bank France n'est pas fondée à soutenir que le recours du ministre serait dépourvu d'objet au motif, erroné en droit, que le délai de reprise de l'administration serait expiré en raison de la durée de l'instance contentieuse ;

Considérant que, par suite, il y a lieu de rejeter les fins de non-recevoir opposées au recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que, pour faire droit à la demande de compensation des redressements notifiés par l'administration qui ont eu pour effet d'augmenter les bénéfices des exercices clos en 1985 et 1986 par les reports déficitaires et les amortissements réputés différés à la clôture des exercices clos en 1982 et 1983, les premiers juges ont considéré que, par instruction, l'administration avait autorisé les sociétés à échelonner à leur guise le report déficitaire sur la totalité de la période quinquennale définie au I de l'article 209 du code général des impôts et que, faisant application de cette instruction, la banque avait pu s'abstenir d'imputer sur les résultats des exercices clos en 1985 et 1986 les reports et les amortissements dont elle disposait à la fin des exercices clos en 1982 et 1983 ; que les premiers juges ont décidé en conséquence d'autoriser la société requérante à procéder à la compensation demandée ;

Considérant que si le paragraphe 6 de l'instruction DB 4 D 1542 en date du 31 octobre 1979, qui était invoqué par la société requérante, précise que les amortissements pratiqués et réputés différés à la clôture d'un exercice dont le résultat fiscal déclaré est nul ou déficitaire sont admis en compensation des rehaussements apportés par l'administration aux résultats dudit exercice, cette faculté suppose que les rehaussements qui justifient la compensation affectent un exercice dont le résultat fiscal déclaré était nul ou déficitaire ; que l'administration soutient sans être contredite que la banque a été bénéficiaire pour chacun des exercices clos en 1985 et 1986 de 6.255.316 F et 3.962.912 F ; qu'il s'ensuit que la société ING Bank France n'entre pas dans les prévisions de la doctrine, laquelle, au demeurant, ne concerne que les amortissements réputés différés ;

Considérant qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de la possibilité reconnue aux sociétés par la doctrine administrative d'échelonner le report déficitaire sur la totalité de la période quinquennale définie à l'article 209 du code général des impôts pour décider d'admettre les déficits reportables de la société à la clôture des exercices clos en 1982 et 1983 ainsi que les amortissements réputés différés en compensation des redressements opérés au titre des exercices clos en 1985 et 1986 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société ING Bank France devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ...notamment... 2°... les amortissements réellement effectués par l'entreprise... y compris ceux qui auraient été différés au cours d'exercices antérieurs déficitaires... ; qu'aux termes de l'article 209 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : I... en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire... ; qu'il résulte de ces dispositions que si elles imposent d'imputer les déficits dont le report est autorisé sur les résultats bénéficiaires dès que ceux-ci sont constatés, elles n'ont ni pour objet, ni pour effet d'autoriser la compensation entre des déficits reportés et des amortissements réputés différés, d'une part, et des rehaussements d'imposition, d'autre part ; qu'ainsi la société ne pouvait demander à bénéficier des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts permettant de reporter un déficit ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment : 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ;

Considérant que la société Banque Louis Dreyfus a constaté au titre des exercices clos en 1985 et 1986 des provisions d'un montant respectif de 3.796.000 F et de 440.000 F ; que ces provisions ont été calculées, selon la société, en fonction de la différence de taux d'intérêt devant rester à sa charge pour la partie du financement effectuée sur chacun des deux exercices en cause ; que l'administration a estimé que ces provisions n'étaient pas justifiées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Banque Louis Dreyfus, membre du groupement d'intérêt économique Méthabail, qui a réuni divers établissements bancaires en vue de donner en crédit-bail devant être financé par un emprunt obligataire un méthanier dont il est propriétaire, a également été l'une des banques qui a financé cette opération, contrairement à ce qui avait été initialement prévu ; qu'à ce titre, elle a engagé sa trésorerie en raison de la garantie inconditionnelle qu'elle s'était engagée à fournir ; qu'elle en tire la conséquence qu'en finançant l'opération au prix du marché, il en est résulté, par rapport au taux auquel aurait pu être souscrit l'emprunt obligataire initialement envisagé, un supplément de charges pour le groupement d'intérêt économique Méthabail et que celui-ci ne présentait plus, comme prévu, des comptes équilibrés ;

Considérant qu'après la signature avec le groupement d'intérêt économique Méthabail, le 22 décembre 1977, d'un contrat d'affrètement coque nue du méthanier par la société anonyme Louis Dreyfus, une convention a été conclue, le 23 décembre 1977, entre, d'une part, la société anonyme Louis Dreyfus et le groupement d'intérêt économique Méthabail et, d'autre part, les membres du groupement d'intérêt économique (BNP, Pétrofigaz et la société Banque Louis Dreyfus) en vue de consentir à la société anonyme Louis Dreyfus une option d'achat sur le navire ; que, parmi les garanties prévues, l'une d'elles prévoyait que les banques, en tant que membre du GIE, s'engagent...) à procéder à l'amortissement du navire en stricte conformité avec l'amortissement financier des dettes du GIE, tel qu'il sera rendu possible par l'établissement à tout moment de comptes d'exploitation et de pertes et profits faisant apparaître un résultat net nul... ; que cette convention stipulait, en outre, que les banques devaient avoir apuré le passif du groupement d'intérêt économique au 31 décembre 1997, date prévue de la fin de l'option prise par la société anonyme Louis Dreyfus sur le navire livré le 31 décembre 1977 ;

Considérant que si la société ING Bank France fait valoir que ce nécessaire apurement des pertes nées du surcoût de financement résultant de la différence de taux d'intérêt constituait une charge certaine et déterminable permettant de constituer une provision, elle n'a pas apporté en première instance comme en appel la preuve dont la charge lui incombe de l'existence du risque de perte à la clôture de chacun des exercices justifiant la constitution des provisions et n'a pas justifié de leur mode de calcul ; que l'expertise qu'elle demande sur ce point est frustratoire ; qu'au surplus elle ne précise pas si la perte alléguée apparaît dans sa comptabilité ou dans celle du groupement d'intérêt économique Méthabail ; qu'elle n'était ainsi pas fondée à constituer les provisions destinées à prendre en compte la différence de taux devant rester à sa charge pour la partie du financement effectuée sur chacun des deux exercices en cause ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a décidé d'admettre les déficits reportables à la clôture des exercices clos en 1982 et 1983 ainsi que les amortissements réputés différés en compensation des redressements opérés au titre des exercices clos en 1985 et 1986 ;

Sur les conclusions de la société ING Bank France tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société ING Bank France la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 9310945/1 en date du 19 décembre 1996 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La société ING Bank France est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1985 et 1986 à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui ont été assignés.

Article 3 : Les conclusions de la société ING Bank France tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 97PA02584
Date de la décision : 09/04/2002
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. COUZINET
Rapporteur ?: M. LE GOFF
Rapporteur public ?: Mme KIMMERLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2002-04-09;97pa02584 ?
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