(5ème chambre)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 22 octobre 1997, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 9305338/2, en date du 1er avril 1997, par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société Lilly France la réduction des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la société Etablissements Elizabeth X..., aux droits de laquelle elle vient, a été assujettie au titre des exercices clos en 1981 et 1982 dans les rôles de la commune de Saint-Cloud ;
2 ) de remettre lesdites impositions à la charge de la société Lilly France ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2001 :
- le rapport de M. PRUVOST, premier conseiller,
- et les conclusions de M. BOSSUROY, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société Etablissements Elizabeth X..., qui avait pour activité la distribution de parfums et de cosmétiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle l'administration a réintégré, dans ses résultats des exercices 1981 et 1982, les pertes comptabilisées à hauteur de 9.332.895 F et de 18.809.791 F correspondant aux abandons de créances accordés à deux de ses succursales situées en Belgique et aux Pays-Bas auxquelles elle avait consenti des avances de trésorerie ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE relève appel du jugement, en date du 1er avril 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société Lilly France, venant aux droits de la société Etablissements Elizabeth X..., la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés assignés du chef de ces réintégrations ;
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : "I - Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ..." ; qu'en vertu de l'article 38-2 du même code, le bénéfice net est égal à la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une société dont le siège est situé en France exerce à l'étranger, dans un établissement stable, une activité industrielle ou commerciale, il n'y a pas lieu de tenir compte, pour la détermination des bénéfices imposables en France à l'impôt sur les sociétés, des variations de l'actif net imputables à des événements ou à des opérations qui se rattachent à l'activité exercée par cet établissement stable hors de France et que, s'agissant des pertes, sont seules déductibles, pour le calcul de ses bénéfices imposables en France, celles qui se rattachent à une gestion normale de l'ensemble des intérêts propres de l'entreprise exploitée en France par la société ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté qu'à la date des abandons de créances dont s'agit les succursales belge et néerlandaise, qui assuraient la distribution des produits de la société Etablissements Elizabeth X... dans chacun de ces pays, connaissaient une situation financière difficile qui a conduit la société à décider leur fermeture en novembre 1982 et à mettre en place un nouveau système de distribution par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs locaux indépendants ; que, pour s'opposer à la déduction des abandons de créances, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient, d'une part, que la remise des avances de trésorerie précédemment accordées par la société Etablissements Elizabeth X... à ces deux succursales procède d'un acte anormal de gestion et, d'autre part, que le principe de territorialité énoncé au I de l'article 209 du code général des impôts s'oppose à l'imputation sur les bénéfices imposables en France de la société de pertes qui trouvent leur origine dans les déficits cumulés d'établissements dont le lieu d'exploitation est situé à l'étranger ; que la société Lilly France fait toutefois valoir, sans être contredite, que les abandons de créances litigieux étaient seulement destinés à assurer le règlement des fournisseurs dans le cadre de la fermeture des succursales et étaient motivés par le souci de la société Etablissements Elizabeth X... de sauvegarder sa réputation pour permettre le maintien et le développement de son implantation commerciale en Belgique et aux Pays-Bas ; qu'elle justifie ainsi avoir agi dans le cadre d'une gestion normale des intérêts propres à son exploitation en France ; que, par suite, l'administration n'apporte pas la preuve que ces abandons de créances constituaient des actes anormaux de gestion ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a, sur ce point, fait droit à la demande de la société Lilly France ;
Sur les conclusions de la société Lilly France tendant à l'application des dispositions de l'article L.761 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, à payer à la Société Lilly France la somme de 10.000 F qu'elle demande sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Lilly France une somme de 10.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.