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20/12/2001 | FRANCE | N°97PA02860

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 20 décembre 2001, 97PA02860


(1ère chambre A)
VU, enregistré au greffe de la cour le 30 mars 1998, le recours présenté par le MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES (secrétariat d'Etat à la coopération) ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9414074/4 en date du 18 juin 1997 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a, d'une part, annulé les décisions en date des 31 août 1990 et 7 octobre 1994 par lesquelles le ministre de la coopération a, respectivement, radié Mme X... des effectifs du ministère de la coopération et rejeté le recours gracieux qu'elle lui avait présenté e

t, d'autre part, condamné l'Etat à verser à Mme X... une indemnité d'un...

(1ère chambre A)
VU, enregistré au greffe de la cour le 30 mars 1998, le recours présenté par le MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES (secrétariat d'Etat à la coopération) ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9414074/4 en date du 18 juin 1997 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a, d'une part, annulé les décisions en date des 31 août 1990 et 7 octobre 1994 par lesquelles le ministre de la coopération a, respectivement, radié Mme X... des effectifs du ministère de la coopération et rejeté le recours gracieux qu'elle lui avait présenté et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à Mme X... une indemnité d'un montant global de 725.448 F assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 1994 ainsi qu'une somme de 4.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de rejeter les demandes présentées par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code civil ;
VU la loi n 72-659 du 13 juillet 1972 ;
VU la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 ;
VU la loi n 96-452 du 28 mai 1996 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2001 :
- le rapport de M. LEVASSEUR, premier conseiller,
- les observations du cabinet SECRETANT, avocat, pour Mme X...,
- et les conclusions de Mme MASSIAS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que Mme X... a été recrutée à compter du 22 février 1979, par un contrat à durée déterminée, pour exercer les fonctions de chirurgien-dentiste à l'hôpital de Nouakchott, en république islamique de Mauritanie ; que son contrat a, par la suite, été renouvelé à cinq reprises jusqu'au 1er octobre 1990 ; que, par une décision du 31 août 1990, confirmée sur recours gracieux le 7 octobre 1994, le ministre délégué à la coopération a refusé de renouveler le contrat de l'intéressée et l'a radiée des cadres à compter du 2 octobre 1990 ; qu'après avoir annulé les décisions des 31 août 1990 et 7 octobre 1994, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme X... une somme de 700.488 F en réparation du préjudice né de l'absence de toute rémunération entre le 2 octobre 1990 et le 30 septembre 1994, période invoquée par la requérante dans sa demande, une somme de 20.000 F au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence et une somme de 4.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'en exécution de ce jugement, l'administration a ordonnancé le 2 octobre 1997, au profit de Mme X..., une somme de 729.448 F ; que le MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES fait appel du jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation des décisions précitées et qu'il a condamné l'Etat ; que, pour sa part, Mme X..., qui a retrouvé une activité professionnelle et a été titularisée dans le corps des assistants ingénieurs du ministère de l'éducation nationale à compter du 1er octobre 1999, présente des conclusions incidentes tendant à ce que la responsabilité de l'Etat soit étendue à la période du 1er octobre 1994 au 30 septembre 1999 et que l'indemnité qui lui a été attribuée au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence soit portée à 100.000 F ;
Sur la légalité des décisions des 31 août 1990 et 7 octobre 1994 :

Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la loi susvisée du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "Ont également vocation à être titularisés, sur leur demande, dans les conditions fixées à l'article précédent : 1 Les personnels civils de coopération culturelle, scientifique et technique en fonction auprès d'Etats étrangers ou de l'organisme auprès duquel ils sont placés, qui remplissent les conditions fixées au deuxième alinéa de l'article 8 de la loi n 72-659 du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d'Etats étrangers ..." ; qu'aux termes de l'article 79 de la même loi : "Des décrets en Conseil d'Etat peuvent organiser pour des agents non titulaires mentionnés aux articles 73, 74 et 76 ci-dessus, l'accès aux différents corps de fonctionnaires suivant l'une des modalités ci-après ou suivant l'une et l'autre de ces modalités : 1 ) par voie d'examen professionnel ; 2 ) par voie d'inscription sur une liste d'aptitude établie en fonction de la valeur professionnelle des candidats" ; qu'en vertu de l'article 80 de la loi précitée, les décrets prévus par son article 79 fixent, notamment pour chaque ministère, les corps auxquels les agents non titulaires mentionnés aux articles 73, 74 et 76 peuvent accéder et, pour chaque corps, les modalités d'accès à ces corps et les conditions de classement des intéressés dans le corps d'accueil ; qu'enfin l'article 82 de la loi du 11 janvier 1984 prévoit que les agents non titulaires qui peuvent se prévaloir des dispositions qui précèdent ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire jusqu'à l'expiration des délais d'option ouverts par les décrets prévus par l'article 80 susmentionné ;
Considérant, en premier lieu, que si l'article 80 de la loi susvisée du 11 janvier 1984, tel que complété par l'article 45 de la loi susvisée du 28 mai 1996, dispose que : "Les corps dans lesquels les agents non titulaires du niveau de la catégorie A, mentionnés aux articles 73, 74 et 76 de la présente loi, peuvent être titularisés sont les corps au profit desquels interviennent des mesures statutaires prévues par le protocole d'accord du 9 février 1990 sur la rénovation de la grille des rémunérations et des classifications ; les titres exigés pour l'accès à ces corps sont déterminés par décret en Conseil d'Etat", ces dispositions ont pour objet de définir les corps susceptibles d'accueillir les agents du niveau de la catégorie A ayant vocation à être titularisés et n'ont pas pour effet de remettre en cause de façon rétroactive le droit à titularisation des agents dont s'agit ;
Considérant, en deuxième lieu, que si l'article 93 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 prévoit que "les statuts particuliers pris en application du présent titre doivent intervenir dans un délai de quatre ans à compter de sa publication", ces dispositions, qui sont relatives aux statuts particuliers des fonctionnaires de l'Etat régis par le titre II du statut général de la fonction publique, ne concernent pas les décrets d'application prévus par les dispositions transitoires et finales de la loi et ne sauraient, en tout état de cause, emporter prescription du droit à titularisation institué par cette loi ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... a demandé à recevoir une nouvelle affectation à compter du 1er octobre 1990 et qu'il n'est pas établi que l'intéressée aurait présenté sa demande de titularisation après l'expiration du délai d'option institué par les articles 80 et 82 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions susmentionnées des 31 août 1990 et 7 octobre 1994 ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant que l'illégalité de la décision prononçant le licenciement de Mme X... constitue une faute qui engage la responsabilité de l'Etat ;
Sur le préjudice né de la perte de toute rémunération :
En ce qui concerne la période de responsabilité de l'Etat :
Considérant que Mme X..., qui n'avait demandé au tribunal administratif de Paris de l'indemniser que pour la période du 2 octobre 1990 au 30 septembre 1994, présente des conclusions incidentes tendant à ce que la période de responsabilité de l'Etat soit étendue à la période du 1er octobre 1994 jusqu'au 30 septembre 1999 ; que, compte tenu de la nature identique et du caractère continu du préjudice subi par la requérante, la fin de non recevoir opposée à ces conclusions par le MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES doit être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à demander en appel que l'indemnité réparant le préjudice de la perte de toute rémunération soit étendue à la période allant du 1er octobre 1994 au 30 septembre 1999 ;
En ce qui concerne le montant de l'indemnisation :
Considérant, ainsi que le soutient à bon droit le ministre, qu'il ne résulte d'aucune dispositions législative ou réglementaire que l'Etat aurait l'obligation de revaloriser régulièrement l'indice du traitement des agents contractuels recrutés au titre de la coopération civile ; qu'en conséquence, l'indemnité due par l'Etat à Mme X... au titre de la perte de toute rémunération entre le 2 octobre 1990 et le 30 septembre 1999 inclus est égale à la différence entre, d'une part, le traitement net afférent à l'indice nouveau majoré 732 du dernier contrat ayant pris fin le 1er octobre 1990, augmenté de l'indemnité de résidence et du supplément familial de traitement aux taux applicables aux fonctionnaires en service à Paris et, d'autre part, les allocations pour perte d'emploi perçues par elle au titre de la période d'indemnisation ainsi que les sommes déjà versées par l'Etat en exécution du jugement attaqué ; que, par suite, il y a lieu de modifier la somme que l'Etat à été condamné à verser à Mme X... par l'article 2 du jugement attaqué, en tant que cette somme se rapporte à la perte de ses rémunérations, pour la fixer à la somme qui vient d'être définie, étendue à la période du 1er octobre 1994 au 30 septembre 1999, et de réformer cet article en conséquence ;

Considérant que la cour ne trouve pas au dossier les éléments permettant de calculer le montant de cette somme ; qu'il y a lieu de renvoyer Mme X... devant l'administration afin qu'elle lui soit réglée ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 1153 du code civil, Mme X... a droit aux intérêts au taux légal de la somme ainsi définie à compter de la date de la réception par l'administration de sa demande préalable ; que la réclamation adressée par Mme X... au ministre, datée du 22 septembre 1994, a été reçue par celui-ci au plus tard le 7 octobre 1994, date à laquelle l'administration a refusé d'indemniser l'intéressée ; qu'il y a lieu, en conséquence, de condamner l'Etat à verser à Mme X... les intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 1994 pour les traitements échus à cette date, puis à compter de leurs échéances mensuelles successives ;
Considérant que, par un mémoire enregistré le 24 mai 2000, Mme X... a demandé que les intérêts portent intérêts ; que, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande sous condition qu'il ait alors été dû une année d'intérêts et que ces intérêts n'aient pas été versés en exécution du jugement attaqué, et d'ordonner ainsi la capitalisation, au 24 mai 2000, des intérêts restant dus qui étaient échus au plus tard au 24 mai 1999 ;
Sur le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
Considérant qu'eu égard à l'extension de la période de responsabilité de l'Etat, il y a lieu de porter à 40.000 F, tous intérêts compris, la somme allouée par les premiers juges en réparation du préjudice moral et des troubles subis par Mme X... dans ses conditions d'existence ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative, repris de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant l'Etat à verser à Mme X... une somme de 4.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à Mme X... la somme de 8.000 F au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La période de responsabilité de l'Etat est fixée du 2 octobre 1990 au 30 septembre 1999 inclus.
Article 2 : La somme de 700.488 F que l'Etat a été condamné à verser à Mme X... par l'article 2 du jugement attaqué, en tant que cette somme se rapporte à la perte de sa rémunération, est portée à la somme définie dans les motifs du présent arrêt. Cette dernière somme portera intérêt à compter du 7 octobre 1994 pour les traitements échus à cette date, puis à compter de leurs échéances successives. Les intérêts restant dus, qui étaient échus au 24 mai 1999, seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter du 24 mai 2000.
Article 3 : La somme de 25.000 F que l'Etat a été condamné à verser à Mme X... au titre de son préjudice moral et du trouble dans ses conditions d'existence est portée à 40.000 F, tous intérêts compris.
Article 4 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Mme X... est renvoyée devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes dues en vertu du présent arrêt.
Article 6 : L'Etat versera à Mme X... une somme de 8.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête et des conclusions incidentes de Mme X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA02860
Date de la décision : 20/12/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

54-08-01-02-02 PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - CONCLUSIONS INCIDENTES


Références :

Code civil 1153, 1154
Code de justice administrative L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 84-16 du 11 janvier 1984 art. 74, art. 79, art. 80, art. 73, art. 76, art. 82, art. 93
Loi 96-452 du 28 mai 1996 art. 45


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LEVASSEUR
Rapporteur public ?: Mme MASSIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2001-12-20;97pa02860 ?
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