(5ème chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 juin 1999 présentée par la société CARREFOUR (S.A.) dont le siège social est situé ... ; la société CARREFOUR demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 89 3093, en date du 18 février 1999, par lequel le tribunal administratif de Versailles ne lui a accordé qu'une réduction des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1980, 1981 et 1982 dans les rôles de la commune de Corbeil ;
2 ) de lui accorder la décharge de l'imposition restant en litige ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 22 novembre 2001 ;
- le rapport de M. PRUVOST, premier conseiller,
- et les conclusions de M. BOSSUROY, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'à la clôture de chacun des exercices 1980, 1981 et 1982, la société CARREFOUR a pratiqué un amortissement au taux de 10 ou de 15 % de sommes qu'elle avait versées à des collectivités locales à titre de participations au financement d'équipements publics et, notamment, de travaux de voirie, ou consacrées à la réalisation d'ouvrages remis gratuitement à des collectivités locales ; que l'administration, estimant que les équipements ainsi financés avaient accru la valeur des terrains acquis par la société, lesquels ne sont pas amortissables, a réintégré le montant des amortissements dans les résultats imposables de chacun des exercices susmentionnés ; que la société CARREFOUR relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 18 février 1999 en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées du chef de ces réintégrations ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, pour rejeter sur ce point la demande dont il avait été saisi par la société CARREFOUR, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce que celle-ci ne produisait aucune convention mettant à la charge de l'entreprise le financement de tels travaux et n'apportait pas d'élément de nature à établir l'exigence d'une participation en vue de l'obtention des autorisations de construire des magasins ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au tribunal, ainsi que le fait valoir à juste titre la société CARREFOUR, que l'administration n'a pas invoqué ce moyen pour justifier l'imposition ; qu'ainsi, le tribunal, en se fondant d'office sur ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, a entaché son jugement d'irrégularité sur ce point ; que son jugement doit, dès lors, être annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société CARREFOUR ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société CARREFOUR devant le tribunal administratif de Versailles ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant que la société CARREFOUR soutient, à bon droit, que la circonstance que les travaux et équipements publics au financement desquels elle a contribué lui ont profité, en augmentant la valeur vénale des terrains acquis, n'est pas en elle-même de nature à faire regarder les participations financières versées aux collectivités locales comme un élément du prix de revient desdits terrains ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fait toutefois valoir, pour justifier le maintien des impositions en litige, qu'il n'est pas établi que les sommes versées à titre de participations par la société CARREFOUR l'ont été en exécution d'obligations mises à sa charge par les collectivités locales en contrepartie de la délivrance des autorisations de construire ; qu'en application de l'article L.199 C du livre des procédures fiscales, l'administration, comme le contribuable, peut faire valoir tout moyen nouveau tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel ; que la société requérante ne peut, dès lors, utilement se prévaloir de ce que ce moyen n'a été invoqué par l'administration ni au cours de la procédure de redressement ni devant les premiers juges ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces produites au dossier par la société requérante que les participations financières dont l'amortissement est contesté ont été versées aux fins d'obtenir la délivrance d'autorisations nécessaires à la construction de bâtiments ou de magasins exploités par elle ; que la société CARREFOUR ne saurait utilement invoquer l'autorité de chose jugée attachée à des décisions du juge de l'impôt concernant des années d'impositions différentes ; qu'elle ne peut pas davantage se prévaloir d'une prise de position formelle de l'administration sur sa situation, sur le fondement de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales, dès lors que ces dispositions issues de la loi du 8 juillet 1987 n'étaient pas encore en vigueur à la date de la mise en recouvrement des impositions contestées, soit le 3 1 décembre 1985 ; qu'ainsi, les sommes acquittées à titre de participations financières ne peuvent être regardées comme un élément du prix de revient des constructions ; que, par suite, la société CARREFOUR n'est pas fondée à demander la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie à la suite de la réintégration dans la base d'imposition de chacun des exercices des amortissements pratiqués au titre de ces dépenses ;
Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Versailles, en date du 18 février 1999, est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande de la société CARREFOUR devant le tribunal administratif de Versailles et la requête de la société CARREFOUR sont rejetés.