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12/06/2001 | FRANCE | N°97PA02734

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5e chambre, 12 juin 2001, 97PA02734


(5ème chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 octobre 1997, présentée pour la société EUROPAL (SARL) dont le siège social est situé ... par Me X..., avocat ; la société EUROPAL demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9310737/2, en date du 18 mars 1997, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1986 et 1987 dans les rôles de la commune de Rungis ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;


2 ) de prononcer la décharge demandée ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verse...

(5ème chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 octobre 1997, présentée pour la société EUROPAL (SARL) dont le siège social est situé ... par Me X..., avocat ; la société EUROPAL demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9310737/2, en date du 18 mars 1997, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1986 et 1987 dans les rôles de la commune de Rungis ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;
2 ) de prononcer la décharge demandée ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2001 :
- le rapport de M. PRUVOST, premier conseiller,
- et les conclusions de M. BOSSUROY, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société EUROPAL, qui a pour activité la vente en gros de produits alimentaires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1986, 1987 et 1988 à la suite de laquelle l'administration a notamment, d'une part, réintégré dans ses résultats imposables les intérêts que la société aurait dû percevoir à raison d'une avance non rémunérée accordée en 1986 à la société Europal Plus ainsi que les recettes correspondant à la mise à disposition gratuite de plusieurs véhicules à cette société et, d'autre part, remis en cause les amortissements pratiqués au titre d'un appartement ; que la société EUROPAL devenue société TER Y... FRANCE relève appel du jugement, en date du 18 mars 1997, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des impositions à l'impôt sur les sociétés et des pénalités dont elles ont été assorties auxquelles elle a été assujettie du chef de ces redressements au titre des exercices clos en 1986 et 1987 ;
Sur l'étendue du litige devant le tribunal administratif :
Considérant que, par une décision, en date du 22 février 1995, postérieure à l'introduction de la demande de la société EUROPAL devant le tribunal administratif de Paris, le directeur des services fiscaux a prononcé le dégrèvement, à concurrence de 17.931 F, des cotisations d'impôt sur les sociétés et des pénalités auxquelles la société EUROPAL a été assujettie au titre des exercices 1986 et 1987 ; qu'ainsi, les conclusions de la demande de la société EUROPAL étaient, dans la mesure dudit montant, devenues sans objet à la date à laquelle le tribunal administratif a statué ; qu'en rejetant intégralement la demande dont il était saisi, le tribunal s'est mépris sur l'étendue des conclusions sur lesquelles il devait statuer ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté ces conclusions, d'évoquer les conclusions de la demande devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur la motivation du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que la société EUROPAL n'ayant, en première instance, articulé aucun moyen relatif aux avances consenties à la société Europal Plus, elle ne peut valablement soutenir que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ce point ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué et des pièces de la procédure de première instance que les premiers juges ont, sur tous les points en litige, suffisamment motivé leur jugement eu égard aux moyens qui leur étaient présentés ; qu'en particulier, pour écarter le moyen tiré de la violation de l'article L.48 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1990, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés devant lui par la société requérante à l'appui de ce moyen, a suffisamment motivé son jugement ; que le tribunal s'est implicitement mais nécessairement prononcé sur la charge de la preuve ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ...Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée" ; que, par les notifications de redressements du 28 septembre 1989 et du 26 octobre 1989, l'administration a informé la société EUROPAL de son intention de réintégrer dans ses résultats imposables les intérêts non perçus, calculés au taux de 10 %, sur une avance consentie en 1986 à la société Europal Plus, les charges supportées pour des véhicules mis à la disposition de cette société et non facturées à celle-ci ainsi que les annuités de l'amortissement d'un appartement mis à disposition de l'un de ses dirigeants ; que ces notifications, qui comportaient l'exposé des motifs de fait et de droit sur lesquels entendait se fonder le vérificateur pour remettre en cause les éléments déclarés par la société et précisaient les modalités de calcul des recettes omises et des amortissements réintégrés, étaient suffisamment motivées ; que la réponse du 4 mai 1990 par laquelle l'administration a répondu sur l'ensemble des points en litige en indiquant les motifs qui la conduisait à ne pas retenir les observations de la société EUROPAL respectait, elle aussi, les prescriptions de l'article L.57 précité ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.48 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 1990 : "Lorsque des redressements sont envisagés à l'issue ... d'une vérification de comptabilité, l'administration doit indiquer aux contribuables qui en font la demande les conséquences de leur acceptation éventuelle sur l'ensemble des droits et taxes dont ils sont ou pourraient devenir débiteurs. Dans ce cas, une nouvelle notification est faite aux contribuables qui disposent d'une délai de trente jours pour y répondre" ; qu'aux termes de l'article 108 de la loi n 92.1376 du 30 décembre 1992 portant loi de finances pour 1993 : "I. Sauf dispositions contraires, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de mise en recouvrement des impositions. II. Les dispositions du I s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi" ; qu'en vertu de cette disposition interprétative, les prescriptions de l'article 101-I de la loi n 89-935 du 29 décembre 1989, codifiées à l'article L.48 du livre des procédures fiscales, qui imposent à l'administration d'indiquer spontanément, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte un rehaussement proposé, dans la notification prévue à l'article L.57 du même livre, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements, n'étaient pas applicables à la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la société EUROPAL, dès lors que les notifications de redressements ont été adressées à cette société le 28 septembre 1989 et le 26 octobre 1989, soit antérieurement au 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur desdites dispositions ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration, en réponse à la demande de la société, lui a fait connaître le montant du rappel des droits en principal résultant des redressements envisagés, par lettre du 26 octobre 1989 ; que les dispositions précitées de l'article L.48 du livre des procédures fiscales ne lui imposaient pas d'indiquer les pénalités dont les impositions devaient éventuellement être assorties ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les omissions de recettes :
Considérant que, d'une part, le fait, pour une société commerciale, de fournir sans contrepartie à un tiers qui lui est juridiquement étranger des prestations de services sans les lui facturer et d'assumer à sa place une charge qui lui incombe constitue un acte anormal de gestion ; que, par suite, les sommes qui auraient dû être facturées et ne l'ont pas été doivent être réintégrées dans le bénéfice imposable de la société ; que, d'autre part, le fait de consentir des avances sans intérêt à un tiers constitue un acte étranger à une gestion commerciale normale sauf s'il est établi l'existence d'une contrepartie ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon d'intérêts constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve si l'auteur de l'abandon n'est pas lui-même, en mesure de justifier de l'existence de contreparties ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société EUROPAL a accordé à la société Europal Plus une avance sans intérêt de 1.771.555,50 F en 1986 et a également mis à la disposition de cette société plusieurs véhicules lui appartenant sans lui facturer les charges correspondantes ; que l'administration, estimant que cet abandon d'intérêts et cette mise à disposition au profit d'une société, qui bien qu'ayant des associés communs n'avait aucun lien juridique avec la société EUROPAL, étaient dénués de contreparties et présentaient, dès lors, un caractère anormal, a rapporté aux résultats de la société EUROPAL les intérêts que celle-ci aurait dû exiger de la société Europal Plus, évalués à 77.511 F au titre de l'exercice clos en 1986, ainsi que les frais supportés pour les véhicules, soit 200.000 F au titre de l'exercice clos en 1986 et 300.000 F au titre de l'exercice clos en 1987 ; qu'en se bornant à alléguer, sans autre précision, qu'il était conforme à son intérêt commercial de soutenir la société Europal Plus qui distribuait ses produits, la société requérante n'établit pas la consistance et, partant, l'existence des contreparties commerciales obtenues par elle en échange de ces avantages ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal desdites omissions de recettes qu'elle a pu, selon des modalités de calcul non contestées, à bon droit réintégrer dans les résultats imposables de la société EUROPAL ;
En ce qui concerne l'amortissement de l'appartement :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 C du code général des impôts : "L'amortissement des biens donnés en location est réparti sur la durée normale d'utilisation suivant des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat" ; qu'aux termes de l'article 31 de l'annexe II au même code, pris pour l'application dudit article 39 C : "Si la location est consentie ... par une personne physique, le montant de l'amortissement ne peut excéder le montant du loyer perçu pendant l'exercice considéré diminué du montant des autres charges afférentes au bien donné en location" ; et qu'aux termes de l'article 32 de la même annexe : "Les dispositions de l'article 31 s'appliquent également aux biens mis par une entreprise à la disposition de l'un de ses dirigeants ou d'un membre de son personnel. Dans ce cas, le loyer versé par l'intéressé est augmenté, s'il y a lieu, de la valeur déclarée à l'administration au titre de l'avantage en nature accordé à celui-ci" ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une entreprise met un bien à la disposition de son dirigeant, le montant de l'amortissement qu'elle est en droit de pratiquer ne peut excéder le montant du loyer versé par l'intéressé, augmenté s'il y a lieu de l'avantage en nature déclaré et diminué du montant des autres charges afférentes au bien donné en location ; que les charges afférentes aux emprunts contractés par l'entreprise pour l'acquisition d'un logement qu'elle donne en location à un dirigeant sont au nombre des "autres charges" mentionnées à l'article 31 précité ; que l'administration était, dès lors, en droit de tenir compte des charges financières supportées par la société EUROPAL pour apprécier le montant des annuités d'amortissement de l'appartement susceptible d'être déduit de ses bénéfices ; qu'il est constant qu'en l'espèce les intérêts d'emprunts afférents à l'acquisition de l'appartement excédaient l'avantage en nature déclaré de sorte que l'administration était fondée à réintégrer la totalité de l'amortissement pratiqué par la société EUROPAL sur les exercices considérés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société EUROPAL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la société EUROPAL tendant à l'application des disposition de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à la société EUROPAL la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 18 mars 1997, est annulé en tant qu'il a rejeté, à concurrence de la somme de 17.931 F en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et les pénalités auxquels la société EUROPAL a été assujettie au titre des exercices clos en 1986 et en 1987, la demande de la société EUROPAL.
Article 2 : A concurrence de la somme de 17.931 F en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et les pénalités auxquels la société EUROPAL a été assujettie au titre des exercices clos en 1986 et en 1987, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société EUROPAL.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société EUROPAL est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA02734
Date de la décision : 12/06/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - AMORTISSEMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION.


Références :

CGI 39 C
CGI Livre des procédures fiscales L48, L57
CGIAN2 31
Code de justice administrative L761-1
Loi 89-935 du 29 décembre 1989 art. 101
Loi 92-1376 du 30 décembre 1992 art. 108


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. PRUVOST
Rapporteur public ?: M. BOSSUROY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2001-06-12;97pa02734 ?
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