(1ère chambre A)
VU, enregistrés au greffe de la cour les 13 août, 1er septembre et 6 octobre 1997, la requête et les mémoires complémentaires présentés pour la société anonyme PLATRES LAMBERT PRODUCTION, dont le siège est ..., par la SCP DEFRENOIS ET LEVIS, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 953849 en date du 7 mai 1997 par lequel le tribunal administratif de Melun a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 5 mai 1995 par laquelle le conseil municipal de la commune de Courtry a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune et à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et l'a, d'autre part, condamnée à verser à la commune de Courtry une somme de 7.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) d'annuler ladite délibération ;
3 ) condamner la commune de Courtry à lui verser une somme de 30.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2001 :
- le rapport de M. LEVASSEUR, premier conseiller,
- les observations de la SCP DELAPORTE-BRIARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la commune de Courtry,
- et les conclusions de Mme MASSIAS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société anonyme PLATRES LAMBERT PRODUCTION, devenue postérieurement à l'introduction de l'instance société GYPSE LAMBERT, fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 5 mai 1995 par laquelle le conseil municipal de Courtry a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que la société requérante n'apporte aucune précision au soutien de ses moyens tirés de ce que la formation de jugement était irrégulièrement composée, de ce que la procédure suivie a été irrégulière et de ce que le tribunal administratif a omis d'analyser certaines conclusions et certains moyens des parties ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que le rapport de présentation du plan d'occupation des sols procéderait à des affirmations et des assimilations tendancieuses ou erronées est, en elle-même, sans incidence sur la régularité de ce rapport au regard des dispositions de l'article R.123-17 du code de l'urbanisme qui indiquent quel doit en être le contenu et donc sur la légalité de la délibération qui approuve ledit plan ; qu'ainsi, le tribunal administratif a pu s'abstenir de répondre au moyen qui en faisait état sans entacher son jugement d'irrégularité ;
Considérant, en troisième lieu, que la société PLATRES LAMBERT PRODUCTION n'a, dans ses écritures de première instance, évoqué l'incompatibilité du schéma d'aménagement et d'urbanisme de Marne-Nord avec le schéma directeur de la région Ile-de-France qu'au seul soutien de son moyen tiré de l'incompatibilité de la délibération attaquée avec ce même schéma directeur de la région Ile-de-France ; que, par suite, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à une telle argumentation ;
Considérant, en quatrième lieu, que le jugement attaqué est suffisamment motivé en ce qui concerne les moyens tirés de ce que le rapport de présentation procéderait à une analyse trop sommaire de la compatibilité du plan d'occupation des sols avec les normes supérieures, de ce que la publicité de l'enquête publique serait insuffisante, de ce que les classements litigieux seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et de ce que la délibération attaquée procéderait d'un détournement de pouvoir ;
Considérant enfin que les autres moyens que la société requérante aurait entendu invoquer au soutien de la critique de la régularité du jugement ont trait, en réalité, à la contestation du bien fondé de celui-ci ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée par la société anonyme PLATRES LAMBERT PRODUCTION devant le tribunal administratif de Melun :
Sur la légalité externe de la délibération du 5 mai 1995 :
Considérant qu'aux termes de l'article R.123-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : "Le rapport de présentation :
1. expose à partir de l'analyse de la situation existante les perspectives d'évolution démographique, économique et sociale ... 2. Analyse en fonction de la sensibilité du milieu, l'état initial du site et de l'environnement et les incidences de la mise en oeuvre du plan d'occupation des sols sur leur évolution ainsi que les mesures prises pour leur présentation et leur mise en valeur ... 4. Justifie que les dispositions du plan d'occupation des sols sont compatibles avec les lois d'aménagement et d'urbanisme et les prescriptions prises pour leur application, respectent les servitudes d'utilité publique ... 5. Justifie de la compatibilité des dispositions du plan d'occupation des sols avec les orientations du schéma directeur ... 6. Comporte la superficie des différents types de zones urbaines et de zones naturelles ainsi que des espaces boisés classés ( ...) et en cas de révision ou de modification d'un plan déjà existant, fait apparaître l'évolution respective de ces zones" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si le rapport de présentation du plan d'occupation des sols révisé, approuvé par la délibération litigieuse, qui a pour objet essentiel d'analyser les incidences d'une urbanisation accrue de certains secteurs de la commune déjà urbanisés ou à usage d'activité, se borne à évoquer brièvement l'existence d'exploitations de gypse ainsi que, dans l'analyse des objectifs communaux et dans la justification des dispositions du plan d'occupation des sols, la volonté de protection des espaces boisés, un tel laconisme est justifié par le maintien du choix fait par le précédent plan d'occupation des sols de protection de ces mêmes espaces, et ne méconnaît pas les dispositions précitées qui ne font obligation au rapport de présentation ni de justifier certains types de classement lorsqu'ils sont conformes à la situation antérieure, ni d'analyser les conséquences démographiques, économiques ou sociales du maintien d'un parti d'urbanisme antérieurement retenu ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la société PLATRES LAMBERT PRODUCTION conteste l'appréciation portée, par le rapport de présentation du plan d'occupation des sols, sur la détérioration du paysage du fait de l'exploitation des carrières de gypse, ainsi que l'assimilation qui serait faite entre ces carrières et une décharge située sur le territoire de la commune voisine, de tels moyens sont sans incidence sur la régularité du rapport, qui ne présente pas en lui-même un caractère réglementaire, dès lors que ledit rapport comporte les indications exigées par les dispositions précitées de l'article R. 123-17 du plan d'occupation des sols ;
Considérant, en troisième lieu, que, contrairement aux assertions de la société PLATRES LAMBERT PRODUCTION, le rapport de présentation justifie de sa compatibilité avec le schéma directeur de la région Ile-de-France ainsi qu'avec le schéma d'aménagement et d'urbanisme de Marne-Nord ; qu'en l'absence de révision des dispositions concernant le classement du site du Bois du Cailloux, il peut légalement s'abstenir de procéder à une analyse approfondie de compatibilité sur ce point avec les schémas susmentionnés ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'après avoir énuméré les précisions que doit contenir l'arrêté par lequel le maire soumet à l'enquête publique le plan d'occupation des sols rendu public, l'article R. 123-11 du code de l'urbanisme dispose que : "Un avis portant ces indications à la connaissance du public est, par les soins du maire, publié en caractères apparents dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département, quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé de même dans les huit premiers jours de celle-ci. Il est publié par voie d'affiches et éventuellement par tous procédés dans la ou les communes concernées ..." ; que, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités de distribution du journal hebdomadaire "Le Moniteur de Seine-et-Marne" n'aient pas permis une diffusion de cette publication dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R.123-11 du code de l'urbanisme ; que, d'autre part, la circonstance qu'un des avis exigé par ces mêmes dispositions n'ait été publié dans le quotidien "Le Parisien" que le 18 janvier 1995, quatorze jours seulement avant le début de l'enquête publique, n'est pas, à elle seule, de nature à établir que la publicité donnée à l'enquête publique aurait été insuffisante ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R.123-12 du code de l'urbanisme, applicable à la révision des plans d'occupation des sols en vertu du I de l'article R.123-35 du même code : "Le plan d'occupation des sols, éventuellement modifié pour tenir compte des résultats de l'enquête publique et des propositions de la commission de conciliation, donne lieu, dans les conditions fixées au premier alinéa de l'article R.123-9, à la consultation des services de l'Etat et des personnes publiques associées si le maire estime que la nature et l'importance des modifications envisagées justifient cette consultation. Le plan est ensuite approuvé par délibération du conseil municipal" ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de plan d'occupation des sols révisé de la commune de Courtry soumis à enquête publique a subi, avant d'être adopté par la délibération attaquée, plusieurs modifications consistant, dans le paragraphe voirie du rapport de présentation, en la modification de la description des grandes voies traversant la commune, au rajout d'une flèche dans le document graphique indiquant le futur barreau de desserte de la zone d'activité ainsi qu'en une modification de rédaction concernant les emplacements réservés ; que lesdites modifications, qui ont eu pour objet de tenir compte des résultats de l'enquête publique, n'ont pas porté atteinte à l'économie générale de la révision contestée ; qu'il en résulte que la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'une nouvelle enquête publique aurait été nécessaire ou que la délibération attaquée aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R.123-12 du code de l'urbanisme ;
Sur la légalité interne de la délibération du 5 mai 1995 :
Considérant que la circonstance qu'une précédente révision du plan d'occupation des sols de la commune de Courtry, approuvée par une délibération du 27 mai 1988, ait été annulée par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 31 mai 1995 est sans incidence sur la légalité de la révision approuvée par la délibération contestée du 5 mai 1995, laquelle doit dès lors être regardée comme portant révision du plan d'occupation des sols approuvé le 2 mars 1980 ;
Considérant, en deuxième lieu, que les orientations définies par le schéma d'aménagement et d'urbanisme de Marne-Nord comprennent la préservation des espaces boisés situés sur la crête et la pente sud du croissant boisé où sont situées les parcelles du Bois du Cailloux, le cas échéant par des mesures particulières pouvant aller jusqu'à une interdiction d'exploitation ; qu'en conséquence, la société PLATRES LAMBERT PRODUCTION n'est pas fondée à soutenir que le classement de ces parcelles en zone boisée à conserver serait incompatible avec lesdites orientations ;
Considérant, en troisième lieu, que si le schéma directeur de la région Ile-de-France comporte des recommandations relatives à l'exploitation des carrières de gypse au termes desquelles, en particulier, "il serait souhaitable que la liberté dont disposent les collectivités locales en la matière ne privilégient systématiquement un usage au détriment d'un autre, afin notamment d'éviter les cas de refus général et absolu d'autorisation d'exploitation ...", de telles incitations, dépourvues de caractère impératif, ne privent pas les auteurs d'un schéma d'aménagement de la possibilité de fixer des orientations tendant à la protection d'un site particulier, ni les auteurs d'un plan d'occupation des sols de celle d'assurer la protection d'un tel site ; qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les orientations du schéma d'aménagement et d'urbanisme de Marne-Nord ainsi que les dispositions du plan d'occupation des sols de la commune de Courtry conservant le classement des parcelles du Bois du Cailloux en zone boisée à conserver seraient incompatibles avec les orientations définies par le schéma directeur de la région Ile-de-France ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le classement des parcelles litigieuses, dont il n'est pas contesté qu'elles sont boisées, en zone boisée à conserver serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, enfin, que si le rapport de présentation du plan d'occupation des sols indique, en conclusion, que les préoccupations de préservation du cadre de vie et de l'environnement naturel comportent notamment le refus de poursuivre l'exploitation des carrières de gypse sur le territoire communal tant que ne sera pas résolu définitivement le problème des nuisances d'une décharge située sur le territoire d'une commune voisine, il ne résulte pas de ce rapport, qui mentionne à plusieurs reprises la volonté, conforme aux objectifs qu'une commune peut poursuivre, en matière d'occupation des sols, de protection totale des bois existants, que ce serait pour ce seul motif que le conseil municipal a maintenu le classement en zone ND et en espace boisé à conserver des parcelles que la société GYPSE LAMBERT souhaite exploiter en carrière de gypse ; que, de même, il ne résulte pas de l'instruction que le maintien de ce classement aurait pour but de faire échec aux orientations, contraires, de nouveaux documents d'urbanisme en voie d'élaboration ; que, par suite, la société GYPSE LAMBERT n'est pas fondée à soutenir que la délibération attaquée est entachée de détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GYPSE LAMBERT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 5 mai 1995 par laquelle le conseil municipal de la commune de Courtry a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Courtry, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, soit condamnée sur leur fondement ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner la société GYPSE LAMBERT à payer à la commune de Courtry la somme de 10.000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête susvisée de la société PLATRES LAMBERT PRODUCTION est rejetée.
Article 2 : La société GYPSE LAMBERT versera à la commune de Courtry une somme de 10.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.