(3ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 juillet 1998, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY, dont le siège est 4, place du Général Leclerc, 91401 Orsay, par Me GUEILHERS, avocat ; le centre hospitalier demande à la cour :
1°) d'annuler les jugements n 95-6143 avant dire droit du 3 juillet 1997 et au fond en date du 6 mai 1998, par lesquels le tribunal administratif de Versailles, en premier lieu, a décidé un complément d'expertise, en second lieu, l'a condamné à verser, d'une part, à M. Serge X... la somme de 205.733 F en réparation de son préjudice ainsi qu'une somme de 10.000 F au titre des frais irrépétibles, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes la somme de 88 867 F et a mis à sa charge les frais d'expertise, s'élevant à la somme de 12.300 F ;
2°) de condamner M. X... à lui rembourser la somme de 228.033 F, versée en exécution du jugement attaqué, avec intérêts de droit à compter du paiement ;
3 ) de condamner M. X... à lui verser une somme de 10.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
4 ) de condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Landes à lui rembourser la somme de 88.867 F, versée en exécution du jugement attaqué, avec intérêts de droit à compter du paiement ;
5 ) subsidiairement, de rectifier le calcul de l'assiette du préjudice corporel de M. X... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de la sécurité sociale ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 avril 2001 :
- le rapport de M. BATAILLE, premier conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, pour le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY et celles du cabinet SERFATY, avocat, pour M. X...,
- et les conclusions de M. LAURENT, commissaire du Gouvernement ;
Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du docteur Z... déposé au greffe du tribunal administratif de Versailles le 11 mai 1995, du rapport d'expertise du docteur A..., non daté, rendu en vertu des ordonnances des 4 octobre 1996 et 25 novembre 1996 du président du tribunal de grande instance d'Evry et du rapport d'expertise du docteur A... déposé au greffe du tribunal administratif de Versailles le 30 janvier 1998, que M. X..., alors âgé de 45 ans, a présenté une première douleur thoracique le 27 décembre 1993 ; que, devant la réapparition de la douleur, le 5 janvier 1994, il a été admis aux urgences du CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY où il est resté de 16 heures à 18 heures ; qu'il est à ce moment affecté d'une douleur thoracique intense avec diffusion au bras gauche et à la mâchoire inférieure ; que le médecin qui le reçoit procède à trois électrocardiogrammes consécutifs, à des examens biologiques concernant les enzymes cardiaques et un test à la trinitrine destiné à soulager la douleur si elle est d'origine coronaire ; qu'en concluant à un simple état d'anxiété et sans douleur thoracique, à l'encontre des dires du patient, ledit médecin a commis une erreur de diagnostic tant dans l'interprétation des examens prescrits que des symptômes décrits, notamment la douleur de la mâchoire caractéristique de la douleur angineuse ; que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY a ainsi commis en n'admettant pas M. X... dans son service de cardiologie du CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY ou tout au moins en le laissant repartir dans cet état à son domicile, une faute médicale de nature à engager sa responsabilité dans la mesure des suites préjudiciables de ladite faute ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles l'a déclaré responsable des suites préjudiciables de l'erreur de diagnostic commise lors de l'admission de M. X... le 5 janvier 1994 ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant qu'à la suite de sa sortie du CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY, M. X... a revu, compte tenu de la persistance de ses troubles, son médecin traitant et a finalement été admis dans une clinique le même jour à 22 heures 30 où l'infarctus du myocarde inféro-latéral en voie de constitution a alors été traité immédiatement par thrombolyse ; qu'en l'état des connaissances scientifiques appliquées au cas de M. X..., telles qu'elles ressortent des différentes expertises affectées d'un coefficient inévitable de probabilité, il n'est que probable que M. X... eût pu éviter l'infarctus en étant admis immédiatement en service de cardiologie et qu'il est possible en revanche que son état actuel soit dû à une maladie musculaire cardiaque associée mais autonome ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'incapacité temporaire totale du 5 janvier 1994 au 30 avril 1994, directement liée à l'accident coronarien, et l'incapacité permanente partielle de 40 % dont il se trouve affecté à ce jour ne sauraient être regardées comme en relation directe avec l'erreur de diagnostic commise au CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY ; qu'en revanche, les suites préjudiciables de l'erreur de diagnostic commise au CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY consistent de manière certaine dans la perte de chance de voir traité plus précocement et plus efficacement l'infarctus du myocarde dont il a été victime le 5 janvier 1994 ;
Considérant que la réparation du dommage résultant pour M. X... de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudices subis, dont le tribunal administratif de Versailles a fait une juste appréciation en les fixant à la somme de 244 600 F au titre du préjudice corporel et à la somme de 50 000 F au titre du préjudice personnel ; que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, cette fraction doit être fixée à la moitié ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X... du fait de la perte de chance en cause en le fixant à 122 300 F au titre du préjudice corporel et à 25 000 F au titre du préjudice personnel ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Landes :
Considérant qu'en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le recours de la caisse s'exerce sur les sommes allouées à la victime en réparation de la perte d'une chance d'éviter un préjudice corporel ; que, par suite, la caisse, qui justifie de déboires s'élevant à la somme de 88 867 F, a droit au remboursement des frais exposés par elle à hauteur de cette somme de 88 867 F ; qu'ainsi, il y a lieu de rejeter les conclusions du CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY, tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué ;
Sur les droits de M. X... :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY à verser à M. X... la somme de 33 433 F au titre du préjudice corporel et la somme de 25 000 F au titre du préjudice personnel, soit la somme totale de 58 433 F ;
Sur les conclusions du CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY tendant au remboursement des sommes versées :
Considérant que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY demande le remboursement avec intérêts de droit à compter du paiement des sommes de 228.033 F et 88.867 F qu'il a versées respectivement à M. X... et à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes ; qu'aucun litige, par ailleurs limité à l'incompatiblité de ce paiement avec les condamnations prononcées par le présent arrêt, né du remboursement des sommes versées, n'est né et actuel ; que, par suite, les conclusions précitées du CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY doivent être rejetées comme irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner ni le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY, ni M. X... à payer une somme à la partie adverse au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY est condamné à verser à M. X... par l'article 1er du jugement du 6 mai 1998 est ramenée de 205.733 F à 58 433 F.
Article 2 : Le surplus des conclusions du CENTRE HOSPITALIER GENERAL D'ORSAY et des conclusions incidentes de M. X... est rejeté.