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08/02/2001 | FRANCE | N°98PA04329

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5e chambre, 08 février 2001, 98PA04329


(5ème Chambre )
VU la requête, enregistrée le 4 décembre 1998 au greffe de la cour, présentée pour la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA (SA) dont le siège social est situé ... par Me X..., avocat ; la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9400917/1 du 29 avril 1998 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande de réduction de l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1985, 1986 et 1987 dans les rôles de la commu

ne de Rueil-Malmaison ;
2 ) de prononcer les réductions demandées ;
3 ) de ...

(5ème Chambre )
VU la requête, enregistrée le 4 décembre 1998 au greffe de la cour, présentée pour la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA (SA) dont le siège social est situé ... par Me X..., avocat ; la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9400917/1 du 29 avril 1998 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande de réduction de l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1985, 1986 et 1987 dans les rôles de la commune de Rueil-Malmaison ;
2 ) de prononcer les réductions demandées ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2001 :
- le rapport de M. PRUVOST, premier conseiller,
- les observations du cabinet X..., avocat, pour la société LEBRETON,
- et les conclusions de M. BOSSUROY, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA, qui a pour activité la vente en gros de revêtements de murs et de sols, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1985, 1986 et 1987 à la suite de laquelle l'administration a notamment réintégré dans ses résultats imposables les intérêts qu'elle aurait dû, selon elle, percevoir à raison d'avances non rémunérées consenties à la société AZ Corporation qui détenait 75% de son capital ainsi qu'une fraction des redevances versées à la même société au titre de la rémunération de prestations d'assistance administrative, financière, technique et commerciale ; que la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA relève appel du jugement du tribunal administratif de Paris du 29 avril 1998 en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des impositions et pénalités consécutives auxdits redressements ;
Sur les redevances versées à la société AZ Corporation :
Considérant que si, aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, "Le bénéfice net imposable est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : 1 Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre ... ", la déductibilité de ces frais ou charges demeure, en toute hypothèse, subordonnée à la condition que l'entreprise justifie les avoir supportés en contrepartie de services qui lui ont été effectivement rendus ; que s'agissant, comme en l'espèce, de frais facturés par une société mère à l'une de ses filiales, d'une quote-part des frais généraux de cette société mère, laquelle assume tout ou partie tant des tâches de gestion de la filiale que diverses dépenses communes, cette quote-part et, par suite, celle du montant des charges déductibles de cette filiale, qui ne peuvent être justifiées ni par les seuls documents de facturation de la société mère ni par des pièces comptables émanant de cette dernière, peuvent être estimées, sous le contrôle du juge de l'impôt, à partir de documents extra-comptables fournis par la société vérifiée ; qu'il appartient à celle-ci de présenter tous éléments et documents propres à établir la nature et l'importance des services reçus de la société mère et à permettre d'apprécier si le montant des sommes versées à celle-ci correspond à l'étendue des services que ces sommes ont pour objet de rémunérer ;

Considérant qu'en exécution d'une convention conclue le 1er avril 1983 avec la société AZ Corporation, la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA s'est engagée à verser à cette société une redevance mensuelle de 150.000 F hors taxes, portée à 500.000 F par trimestre à compter du 1er janvier 1985, en rémunération de services d'assistance administrative, financière, technique et commerciale fournis par sa société mère ; que la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA a porté en charges déductibles de ses résultats imposables de l'exercice 1985 une somme de 2.000.000 F et une somme de 2.200.000 F au titre de chacun des exercices 1986 et 1987 ; que l'administration n'a admis le déduction des charges comptabilisées qu'à hauteur d'un montant de 440.000 F pour l'exercice 1985 et d'un montant de 470.000 F pour les deux exercices suivants, correspondant aux deux-tiers des charges supportées par la société AZ Corporation du chef de la rémunération de M. d'Y..., lequel exerçait à la fois les fonctions de président du directoire de cette société et de président-directeur général de la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA ; que la société requérante conteste le bien-fondé de cette réintégration ;
Considérant que la circonstance que cette redevance annuelle était destinée à rémunérer globalement un ensemble de services procurés par la société mère ne dispensait pas la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA de son obligation de justifier, le cas échéant, la réalité et le montant des différentes prestations que cette redevance était censée rémunérer ; que, si la société requérante soutient que M. d'Y... a consacré la totalité de son temps à la gestion de la filiale et que diverses prestations d'assistance ont été accomplies pour son compte par les salariés employés par la société mère qui auraient, selon elle, consacré la moitié de leur activité à ces missions, elle ne produit aucun document propre à établir la nature, la consistance et l'importance desdites prestations dont la fraction litigieuse de la redevance était censée être la contrepartie ; qu'elle ne s'acquitte pas, non plus, de son obligation de justifier la réalité des services fournis par la société AZ Corporation en se bornant à se référer aux obligations telles que prévues par la convention, en faisant état de la progression de son chiffre d'affaires et de ses résultats et en invoquant la circonstance, au demeurant non contestée, qu'elle ne disposait pas des moyens en personnel nécessaires à l'accomplissement des tâches de gestion alors qu'il résulte de l'instruction que la tenue de sa comptabilité ainsi que la gestion des dossiers d'assurance étaient confiées à des tiers ; que la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'en admettant la déduction de la fraction de la redevance correspondant aux rémunérations de M. d'Y..., l'administration a recouru à une méthode radicalement viciée ; que, dans ces conditions, la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de la réalité des services d'assistance en matière administrative, financière, technique et commerciale fournis par la société mère et, partant, comme justifiant la correction de l'inscription en comptabilité de la fraction des redevances dont la déduction a été, à bon droit, refusée par l'administration ;
Sur les avances sans intérêt consenties à la société AZ Corporation :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA a consenti à la société AZ Corporation, d'une part, des avances en compte courant sans intérêt d'un montant de 2.400.000 F en 1985, de 2.300.000 F en 1986 et de 2.250.000 F en 1987 et, d'autre part, un prêt de 3.000.000 F rémunéré au taux de 11,21 % ; que l'administration, regardant l'omission de recettes corrélative à l'absence de rémunération des avances comme procédant d'un acte anormal de gestion, a rehaussé les résultats imposables de la société du montant des charges financières afférentes aux emprunts contractés par elle auprès d'établissements bancaires pour consentir les avances, ce qui l'a conduite à réintégrer les sommes de 100.000 F au titre de l'exercice clos en 1985, de 130.000 F au titre de l'exercice clos en 1986 et de 160.000 F au titre de l'exercice clos en 1987 ; qu'elle a ultérieurement réduit ces rehaussements à, respectivement 60.000 F, 103.000 F et 106.000 F en retenant, pour déterminer le montant des omissions d'intérêts à réintégrer sur chaque exercice, un chiffre égal à la différence constatée entre le montant des produits financiers, calculés aux taux de 6,5 % pour 1985, de 6 % pour 1986 et de 5,5 % pour 1987, que la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA aurait dû percevoir en rémunération de l'avance et du prêt consentis à la société AZ Corporation et le montant des "produits financiers nets comptabilisés" par la société lui-même constitué des intérêts du prêt à la société mère inscrits en produits dans la comptabilité dont ont été retranchées les charges financières supportées par la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA à raison des emprunts contractés par elle ; que la société requérante conteste tant le principe que la méthode de calcul dudit redressement ;
Considérant, d'une part, que lorsque, comme en l'espèce, une société consent à une autre un avantage anormal prenant la forme d'avances sans intérêts, la somme que l'administration est en droit de réintégrer au titre des intérêts non perçus doit être calculée sur le seul montant des avances consenties indépendamment des autres opérations et sans qu'il y ait lieu de rechercher si les sommes prêtées proviennent des fonds propres de la société ou des emprunts qu'elle a contractés ;
Considérant, d'autre part, que les sommes mises à la disposition de la société AZ Corporation au cours des années en litige n'ont fait l'objet d'aucun contrat écrit, que leur montant a varié au cours de la période d'imposition litigieuse et qu'elles étaient remboursables à tout moment ; qu'elles constituaient, dès lors, des avances à vue dont la rémunération doit être appréciée par rapport à celle que le prêteur pourrait obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il placerait, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA soutient, à bon droit, que l'administration ne pouvait valablement prendre en compte l'endettement de la société ainsi que le prêt rémunéré consenti à la société AZ Corporation pour calculer, selon les modalités susdécrites, le montant des réintégrations opérées au titre de la rémunération des avances ; que la société soutient que les avances à vue consenties à la société AZ Corporation sans aucun contrat écrit, sans terme fixé et remboursables à tout moment ne peuvent être assimilées qu'à des dépôts à vue qui ne rapportent aucune rémunération ; que l'administration se borne sans aucune justification à se référer aux rémunérations servies sur les dépôts à terme en faisant valoir que les taux effectifs d'intérêts sont inférieurs de quatre à cinq points taux d'intérêts de 6,5% pour 1985, de 6% pour 1986 et de 5,5% pour 1987 retenus par le vérificateur dans la réponse aux observations du contribuable ; que, dans ces conditions, elle ne peut être regardéee comme justifiant le bien-fondé des réintégrations d'intérêts opérées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande sur ce point ;
Sur les conclusions de la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA une somme de 20.000 F au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés assignées à la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA au titre des exercices clos en 1985, 1986 et 1987 sont réduites, respectivement, des sommes de 60.000 F, 103.000 F et 106.000 F.
Article 2 : La société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA est déchargée des droits et pénalités correspondant aux réductions des bases d'impositions définies à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'Etat versera à la société ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA une somme de 20.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL ETABLISSEMENTS LEBRETON CGPA est rejeté.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 29 avril 1998, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA04329
Date de la décision : 08/02/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - RELATIONS ENTRE SOCIETES D'UN MEME GROUPE.


Références :

CGI 39-1, 209
Code de justice administrative L761-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. PRUVOST
Rapporteur public ?: M. BOSSUROY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2001-02-08;98pa04329 ?
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