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14/12/2000 | FRANCE | N°99PA01698

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 14 décembre 2000, 99PA01698


(2ème Chambre A)
VU, enregistré le 1er juin 1999 au greffe de la cour, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9606845/1 en date du 29 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. Olivier Y... la décharge du complément d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auquel il a été assujetti au titre de l'année 1990 ;
2 ) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de M. Olivier Y... ;
B VU les autr

es pièces du dossier ;
VU le code civil ;
VU le code général des impôts et l...

(2ème Chambre A)
VU, enregistré le 1er juin 1999 au greffe de la cour, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9606845/1 en date du 29 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. Olivier Y... la décharge du complément d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auquel il a été assujetti au titre de l'année 1990 ;
2 ) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de M. Olivier Y... ;
B VU les autres pièces du dossier ;
VU le code civil ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2000 :
- le rapport de M. MAGNARD, premier conseiller,
- les observations de Me Z..., avocat, pour M. Y...,
- et les conclusions de M. MORTELECQ, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'au décès de son père survenu le 29 octobre 1989, M. Olivier Y... a hérité en indivision avec sa soeur de la nue-propriété de 250 parts de la société en nom collectif "Pont-Royal Hôtel", propriétaire de l'hôtel du Pont-Royal à la Napoule, et de 16,5 parts de la société civile immobilière "Paris-La Napoule", exploitante dudit hôtel ; que, par une convention en date du 4 septembre 1990, l'usufruit détenu sur la totalité de ces parts sociales par Mme Michèle Y..., mère de l'intéressé, a été transformé en un quasi-usufruit prévu par l'article 587 du code civil portant sur "la totalité des sommes distribuées" ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris qui, pour accorder à M. Olivier Y... la décharge de l'impôt complémentaire sur le revenu assigné au titre de 1990 pour sa quote-part dans la plus-value réalisée lors de la cession par la société en nom collectif "Pont-Royal Hôtel" et la société civile immobilière "Paris-La Napoule" du fonds de commerce et des murs de l'hôtel du Pont-Royal s'est fondé sur la circonstance que la convention susvisée du 4 septembre 1990 attribuait à Mme Michèle Y... la totalité des bénéfices sociaux distribués ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 78 de la loi n 98546 du 2 juillet 1998 applicable à la présente instance en vertu du II de cet article 78 : "Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d'usufruitier. Le nu-propriétaire n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier. Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1 des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 Ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ..." ; qu'il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux préparatoires de la loi n 98-546 du 2 juillet 1998, d'une part, que les sociétés de personnes ne sont pas imposables à raison des bénéfices qu'elles ont réalisés, mais que ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés, qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé chacun une part de ces bénéfices, d'autre part, que l'usufrutier est assujetti aux impôts afférents aux bénéfices courants tandis que le nu-propriétaire est redevable des impôts établis sur les profits exceptionnels et notamment ceux résultant de plus-values sur la cession d'éléments d'actifs immobilisés ;

Considérant, toutefois, que, si les cotisations de l'impôt sur le revenu auquelles sont assujettis le nu-propriétaire et l'usufruitier des parts d'une société de personnes sont en principe établies, ainsi qu'il vient d'être dit, en fonction des droits dans les bénéfices sociaux réalisés que leur confère leur qualité respective, il en va autrement dans le cas où le nu-propriétaire, associé de la société de personnes, et l'usufruitier, qui en vertu de l'article 1844 du code civil, participe aux décisions concernant l'affectation des bénéfices sociaux, passent, avant la clôture de l'exercice et dans des conditions la rendant opposable à l'administration, une convention aux fins de modifier leurs droits respectifs dans lesdits bénéfices ; que, dans une telle hypothèse, les bases d'imposition de l'usufruitier et du nu-propriétaire doivent correspondre à cette nouvelle répartition des résultats sociaux réalisés ;
Considérant qu'il ressort de ses propres stipulations que la convention de quasi-usufruit dont se prévaut M. Olivier Y... porte, non pas sur les résultats réalisés, mais sur les "sommes distribuées" par les sociétés de personnes susmentionnées ; qu'ainsi, cette convention ne saurait être regardée comme ayant modifié les droits respectifs de M. Y..., nu-propriétaire des parts, et de sa mère, qui en était usufruitière, dans les bénéfices réalisés par lesdites sociétés avant toute décision d'affectation du résultat ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les termes de cette convention pour accorder au requérant la décharge de l'imposition de la plus-value réalisée à la suite de la cession par les sociétés concernées du fonds de commerce et des murs de l'hôtel Pont-Royal ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Olivier Y... tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en premier lieu, que l'article 78 de la loi n 98-546 du 2 juillet 1998 prévoit expressément son application rétroactive ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'il est entré en vigueur postérieurement à l'introduction des instances contentieuses doit être rejeté ;

Considérant, en second lieu, que l'article 78 de la loi n 98-546 du 2 juillet 1998 est intervenu pour préciser les modalités de prise en compte des droits respectifs des porteurs de parts d'une société de personne dans l'hypothèse d'un démembrement de propriété ; qu'antérieurement à l'intervention de cette loi, l'article 8 du code général des impôts, qui se bornait à prévoir que "sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société "permettait déjà l'imposition, au nom du nu-propriétaire des parts, des plus-values, représentatives d'un gain en capital, et résultant de la cession d'éléments d'actif d'une société de personnes ; qu'ainsi, les impositions litigieuses ne sont pas devenues exigibles sur le seul fondement d'une législation nouvelle rétroactivement applicable ; que, par suite, le contribuable ne peut, en tout état de cause, valablement soutenir que l'intervention de cette législation nouvelle l'aurait privé des garanties prévues à l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 8 du code général des impôts que M. Olivier Y... est, en proportion des bénéfices sociaux correspondant aux parts dont il détient la nu-propriété, le redevable légal de l'impôt sur le revenu afférent à la totalité des plus-values réalisées par les sociétés de personnes concernées ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à se plaindre de ce que l'administration aurait appliqué, au titre de l'usufruit, une réfaction insuffisante au montant de la plus-value sur la base duquel l'imposition litigieuse a été calculée ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause de rehaussement poursuivie par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente." ; qu'aux termes de l'article L.80 B du même livre : "La garantie prévue au premier alinéa de l'article L.80A est applicable : 1 ) lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal" ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la notification de redressement en date du 29 mars 1991 ne contient aucune appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal permettant la limitation de la plus-value taxable au nom de M. Olivier Y... à 8,95 % de la plus-value réalisée ;

Considérant, enfin, que, si le contribuable invoque, la réponse ministérielle à M. X... publiée au journal des débats de l'assemblée nationale du 30 août 1993 p.2707, celle-ci se borne à analyser la jurisprudence existante et ne donne pas de l'article 8 du code général des impôts une interprétation différente de celle qui a été ci-dessus retenue ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à M. Olivier Y... la décharge des impositions litigieuses ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 29 octobre 1998 est annulé
Article 2 : Le complément d'impôt sur le revenu auquel M. Olivier Y... a été assujetti au titre de l'année 1990 et dont la décharge a été accordée par le tribunal administratif de Paris est remis intégralement à sa charge.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 99PA01698
Date de la décision : 14/12/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - QUESTIONS COMMUNES - PERSONNES IMPOSABLES - SOCIETES DE PERSONNES


Références :

CGI 8
CGI Livre des procédures fiscales L80 A, L80 B
Code civil 587, 1844
Loi 98-546 du 02 juillet 1998 art. 78


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MAGNARD
Rapporteur public ?: M. MORTELECQ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2000-12-14;99pa01698 ?
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