(2ème chambre A)
VU, enregistré le 29 janvier 1999 au greffe de la cour, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 982731 du 5 novembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Melun a accordé à M. Daniel X... décharge de l'obligation de payer dont procède l'avis à tiers détenteur émis à son encontre le 15 janvier 1998 pour avoir paiement de la taxe d'urbanisme mise en recouvrement le 5 septembre 1990 pour un montant de 109.784 F ;
2 ) de remettre à la charge de M. X... l'obligation de payer contestée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2000 :
- le rapport de M. MATTEI, premier conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, pour M. X...,
- et les conclusions de M. MORTELECQ, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, pour avoir paiement de la taxe d'urbanisme mise en recouvrement le 5 septembre 1990 pour un montant de 109.784 F, M. Daniel X... s'est vu délivrer le 29 novembre 1993 par le trésorier de Chennevières-sur-Marne (Val-de-Marne) un commandement ; qu'en l'absence de réglement, ce même comptable a fait procéder, le 20 septembre 1994, à une saisie-vente, qui a été suivie le 15 janvier 1998 par l'émission d'un avis à tiers détenteur, contre lequel M. Daniel X... a formé une opposition, le 4 février 1998, en invoquant la prescription de l'action en recouvrement ; qu'après que le trésorier-payeur général du Val-de-Marne ait rejeté cette opposition, l'intéressé a saisi le tribunal administratif de Melun, qui, par le jugement que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie défére à la cour, a fait droit à sa demande au motif que la prescription de l'action en recouvrement n'avait pas été interrompue par le commandement du 29 novembre 1993 et la saisie-vente du 20 septembre 1994, faute pour le comptable de justifier l'envoi d'une lettre de rappel préalablement audit commandement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.281 du livre des procédures fiscales : "Les contestations relatives au recouvrement des impôts ... dont la perception incombe aux comptables publics mentionnés à l'article L.252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1 ) soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2 ) soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette ou le calcul de l'impôt" ; que l'article R.281-2 du même livre précise que, dans le cas où l'acte de poursuites a été émis en vue du recouvrement d'un tel impôt, la demande qu'il incombe au redevable, préalablement à toute saisine du juge compétent, d'adresser à l'administration "doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier-payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte si le motif invoqué est un vice de forme ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif" ; qu'aux termes de l'article L.255 du livre des procédures fiscales : "Lorsque l'impôt n'a pas été payé à la date limite de paiement et, à défaut d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement ... le comptable du Trésor chargé du recouvrement doit envoyer au contribuable une lettre de rappel avant la notification du premier acte de poursuites devant donner lieu à des frais" ; qu'en vertu, enfin, de l'article L.274 du même livre, le délai de quatre ans à compter de la date de mise en recouvrement du rôle, par lequel se prescrit l'action des comptables du Trésor en vue du recouvrement des impôts dont la perception leur incombe, est interrompu "par tous actes interruptifs de prescription" ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la contestation, par un redevable, de l'exigibilité d'un impôt direct ou d'une taxe sur le chiffre d'affaires ou taxe assimilée par le motif que, faute d'avoir été précédées de l'envoi d'une lettre de rappel, les poursuites engagées contre lui n'ont pu avoir pour effet d'interrompre le cours de la prescription édictée par l'article L.274 du livre des procédures fiscales, doit faire l'objet d'une demande adressée au trésorier-payeur général dans les deux mois qui ont suivi la notification ou la signification du premier acte de poursuites permettant d'invoquer ce motif ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... n'a contesté ni le commandement décerné à son encontre le 29 novembre 1993 par le trésorier de Chennevières-sur-Marne, ni la saisie-vente du 20 septembre 1994 ; qu'ainsi, il n'était plus recevable, à la date du 4 février 1998 à laquelle il a contesté l'avis à tiers détenteur émis à son encontre le 15 janvier 1998 par le même comptable du Trésor et qui avait le même objet que le commandement du 29 novembre 1993 et la saisie-vente du 20 septembre 1994, à invoquer l'irrégularité tenant à ce que ledit commandement n'avait pas été précédé de l'envoi d'une lettre de rappel, pour soutenir qu'il n'avait pas valablement interrompu à son égard le délai de prescription de l'action en recouvrement ; qu'il n'est pas, non plus, recevable à exciper de l'illégalité dudit commandement, qui n'est pas un acte réglementaire, au soutien de ses conclusions tendant à la décharge de son obligation de payer ; que, dès lors, le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en jugeant que, faute pour le commandement d'avoir été précédé de l'envoi d'une lettre de rappel, la prescription de l'action en recouvrement était acquise à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur et que M. X... devait être déchargé de son obligation de payer ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en premier lieu, que le commandement émis le 29 novembre 1993 et la saisie-vente du 20 septembre 1994 ont interrompu le délai de prescription à l'égard des taxes d'urbanisme dues par M. X... et qui avaient été mises en recouvrement le 12 octobre 1990 ; qu'ainsi, l'avis à tiers détenteur du 15 janvier 1998 a été décerné dans le délai de quatre ans prévue par l'article L.274 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en second lieu, que M. X..., qui n'a pas contesté sa qualité de redevable de l'impôt lors du premier acte de poursuite engagé à son encontre, n'est pas recevable, pour les motifs indiqués précédemment, à soutenir que les taxes d'urbanisme litigieuses seraient dues par la société civile immobilière l'Aqueduc ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a déchargé M. X... de l'obligation de payer les taxes d'urbanisme mises en recouvrement le 5 septembre 1990 ;
Article 1er : Le jugement 982731 du 5 novembre 1998 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : L'obligation de payer les taxes d'urbanisme mises en recouvrement le 5 septembre 1990 pour un montant de 109.784 F est remise à la charge de M. X....