La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2000 | FRANCE | N°96PA01131

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 15 février 2000, 96PA01131


(2ème chambre B)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 18 avril 1996, formé par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la cour :
1 ) A titre principal, a) d'annuler le jugement n 9303065/2 du 6 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société anonyme Cedemi la décharge en droits et pénalités correspondant aux réductions de bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de 120.000 F au titre de l'année 1986, 20.000 F au titre de chacune des années 1987 et 1988 et 340.00

0 F au titre de l'année 1989 ; b) de remettre à la charge de la société...

(2ème chambre B)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 18 avril 1996, formé par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la cour :
1 ) A titre principal, a) d'annuler le jugement n 9303065/2 du 6 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société anonyme Cedemi la décharge en droits et pénalités correspondant aux réductions de bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de 120.000 F au titre de l'année 1986, 20.000 F au titre de chacune des années 1987 et 1988 et 340.000 F au titre de l'année 1989 ; b) de remettre à la charge de la société anonyme Cedemi les cotisations d'impôt sur les sociétés à hauteur des montants en base de 120.000 F au titre de l'année 1986, 20.000 F au titre de chacune des années 1987 et 1988 et 340.000 F au titre de l'année 1989 ;
2 ) A titre subsidiaire : a) de réformer le même jugement du 6 juillet 1995 du tribunal administratif de Paris ; b) de rétablir la société anonyme Cedemi aux rôles de l'impôt sur les sociétés à hauteur des montants en base de 2.510 F au titre de l'année 1988 et 340.000 F au titre de l'année 1989 ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2000 :
- le rapport de Mme BRIN, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société Jean Facon et Cie a conclu en 1956 avec le Port autonome de Paris une convention l'autorisant à occuper un terrain et des constructions situés à Gennevilliers ; que, la société ayant omis de payer les redevances, la convention a été résiliée par arrêté du 1er décembre 1970 ; qu'à cette date, la société Jean Facon et Cie, qui a continué à occuper le terrain, est devenue occupante sans titre ; qu'en novembre 1972, le Port autonome de Paris a autorisé la société anonyme Compagnie européenne de distribution et d'exploitation de matériel industriel (Cedemi) à occuper le même terrain ; qu'aux termes d'un acte conclu le 9 janvier 1973, la société Cedemi a acquis pour le prix de 500.000 F le "fonds de commerce" de la société Jean Facon et Cie, comprenant d'une part, l'enseigne, le nom commercial, la clientèle et l'achalandage et, d'autre part, le droit d'occupation des constructions et du terrain ; que, par une convention en date du 6 avril 1973, le Port autonome de Paris a accordé à la société Cedemi le droit d'occuper ce terrain pendant une durée de 25 ans à compter du 1er janvier 1973 ; que la société Cedemi a porté dans ses écritures, au titre de chacun des exercices suivants, une provision s'élevant à 4 % du montant de la somme versée à la société Jean Facon et Cie ; qu'à la suite d'un contrôle fiscal, le service a réintégré les provisions comptabilisées au titre des années 1977 à 1980 dans les bénéfices imposables de chacune de ces années ; que la société Cedemi, au motif que la somme de 500.000 F correspondait en totalité à l'acquisition du "droit d'occupation de fait" dont disposait la société Jean Facon et Cie et représentait ainsi le prix d'acquisition d'un élément d'actif immobilisé dont le caractère aléatoire justifiait les provisions constituées, a contesté ces redressements ; que ses prétentions ont été rejetées par un jugement du tribunal administratif de Paris du 26 mars 1987, puis par un arrêt de la cour de céans du 30 mai 1989 ; qu'à la suite du rejet d'une nouvelle réclamation, en date du 3 décembre 1991, la société Cedemi a contesté devant le tribunal administratif de Paris les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises en recouvrement le 31 octobre 1989 au titre des exercices clos les 30 juin 1986, 1987 et 1988 ; que, par jugement du 6 juillet 1995, le tribunal, estimant que la somme de 500.000 F ne pouvait pas être regardée comme la contrepartie de l'acquisition d'un élément d'actif, a cependant décidé que la société Cedemi, en portant cette somme à l'actif du bilan, avait commis une erreur comptable qu'elle était en droit de réparer par correction symétrique des bilans ; que le tribunal a, par suite, décidé la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés d'une somme de 120.000 F au titre de 1986, de 20.000 F au titre de chacune des années 1987 et 1988 et de 340.000 F au titre de l'année 1989, et a accordé à la société Cedemi la décharge des droits et pénalités correspondante ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES fait appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité du recours du ministre :

Considérant qu'aux termes de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales : "Le ministre chargé des finances peut faire appel des jugements des tribunaux administratifs rendus en matière fiscale. Le service de l'administration des impôts qui a suivi l'affaire dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification pour transmettre le jugement et le dossier au ministre. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu au deuxième alinéa ou de la date de la signification faite au ministre" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au directeur des vérifications de la région Ile-de-France Ouest le 3 janvier 1996 ; que, par suite, en tout état de cause, le recours du ministre, formé régulièrement par télécopie, et enregistré au greffe de la cour le 18 avril 1996, soit moins de quatre mois après cette notification, est recevable ;
Sur les conclusions principales du recours :
Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, qui ne conteste pas le principe que la société Cedemi, ainsi que l'a décidé le tribunal administratif, doivent être regardée comme ayant commis une erreur comptable, se borne à soutenir en appel que la somme de 500.000 F versée par elle à la société Jean Facon et Cie n'est pas représentative seulement de l'acquisition de droits d'occupation dont cette dernière était titulaire sur le terrain sis au Port de Gennevilliers mais aurait correspondu, en outre, à l'acquisition d'autres éléments du fonds de commerce ;
Considérant, il est vrai, que l'acte notarié du 9 janvier 1973 portant "cession de fonds de commerce" entre la société Jean Facon et Cie et la société Cedemi stipule que ce fonds de commerce comprend : "1) l'enseigne, le nom commercial, la clientèle et l'achalandage y attachés, 2) le droit d'occupation des constructions et du terrain situé à Gennevilliers ..." ; que, cependant, d'une part, il résulte de l'instruction qu'en réalité il n'y a eu transfert ni d'enseigne, ni de clientèle, ni de nom commercial, ni davantage acquisition de constructions qui étaient la propriété du Port autonome de Paris et, d'autre part, il ressort des stipulations du même acte du 9 janvier 1973 que, par suite de la lettre du 28 novembre 1972 par laquelle "la direction du Port autonome de Paris a fait savoir qu'elle était d'accord pour autoriser la société Cedemi à occuper le terrain occupé par la société Jean Facon et Cie", celle-ci a cédé à celle-là "tous ses droits de quelque nature qu'ils soient sur le droit d'occupation du terrain susdésigné ainsi que des constructions édifiées sur ledit terrain" ; qu'il s'ensuit que le "fonds de commerce", objet de la cession ne comprenait, en réalité, que le "droit d'occupation" de l'emplacement situé sur le domaine public fluvial et que la société Cedemi doit être par suite regardée comme justifiant que la somme de 500.000 F qu'elle a versée à correspondu à l'acquisition de ce "droit" à l'exclusion de tout autre élément de fonds de commerce ;
Sur les conclusions subsidiaires du recours :

Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209, le bénéfice net imposable à l'impôt sur les sociétés "est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture" de l'exercice et "l'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées" ;
Considérant que, d'une part, dans l'hypothèse où les bénéfices imposables d'un exercice ont été déterminés en application des dispositions précitées de l'article 38 et où leur montant a servi de base à une imposition qui est devenue définitive en raison de l'expiration du délai de répétition ouvert à l'administration, la valeur de l'actif net ressortant du bilan de clôture de cet exercice, telle qu'elle a été retenue pour l'assiette de l'impôt, doit elle-même être regardée comme définitive et par suite, si ce bilan comporte des erreurs qui ont entraîné une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise, ces erreurs ne peuvent plus être réparées dans ce bilan ; que, d'autre part, la valeur de l'actif net à l'ouverture d'un exercice n'est autre que la valeur de l'actif net à la clôture de l'exercice précédent, de sorte que, si l'entreprise entend établir un bilan d'ouverture qui diffère du bilan de clôture de l'exercice précédent, elle ne peut le faire que par des opérations ou écritures qui doivent être réputées faites au titre du nouvel exercice ; qu'ainsi, dans l'hypothèse susmentionnée et durant toute la période qui suit la clôture du dernier exercice prescrit, les erreurs qui entachent un bilan et qui entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification, être corrigées dans les bilans de clôture des exercices non couverts par la prescription et, par suite, dans les bilans d'ouverture de ces exercices à l'exception du premier ;
Considérant que, comme l'a décidé sans être contesté le tribunal administratif, la société Cedemi est en droit de demander la correction de l'erreur comptable qu'elle a commise en inscrivant la somme de 500.000 F à l'actif de son bilan ; qu'il résulte de l'instruction que les redressements procédant de la réintégration dans les résultats imposables de la contribuable des provisions pour dépréciation qu'elle avait constituées à tort ont été notifiés à celle-ci le 9 février 1989 et s'élèvent à 120.000 F, 20.000 F et 20.000 F au titre, respectivement, des années 1986, 1987 et 1988 ; qu'à la suite de la mise en recouvrement, le 31 octobre 1989, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés qui en résultaient, la société Cedemi, par une réclamation en date du 3 décembre 1991, a demandé la correction de l'erreur comptable qu'elle avait commise ;

Considérant qu'une imposition ne devient définitive qu'à l'expiration du délai de répétition ouvert à l'administration ; qu'en l'espèce, l'administration a interrompu la prescription par la notification de redressements en date du 9 février 1989 ; que, par suite, le premier exercice non prescrit est celui clos le 30 juin 1986 et non, comme le soutient la société intimée, celui clos le 30 juin 1988 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, qui ne remet pas en cause la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de 120.000 F au titre de l'année 1986 et de 20.000 F au titre de l'année 1987 décidée par le jugement attaqué, soutient en revanche, d'une part, sans être contredit sur ce point par la société Cedemi, qu'au titre de l'année 1988 la réduction doit être ramenée de 20.000 F à 17.490 F, somme qui correspond à la différence entre le déficit reportable constaté au titre de l'exercice clos le 30 juin 1987 soit 139.390 F et le bénéfice fiscal rectifié apparaissant au titre du même exercice soit 121.900 F ; que, d'autre part, en application des règles relatives à la correction symétrique des bilans et à l'intangibilité du bilan d'ouverture, c'est à tort, comme le soutient le ministre, que les premiers juges ont décidé une réduction des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1989 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est seulement fondé à demander le rétablissement de la société Cedemi aux rôles de l'impôt sur les sociétés à hauteur, en bases, de 2.510 F au titre de l'année 1988 et 340.000 F au titre de l'année 1989 et, par suite, la réformation correspondante du jugement attaqué ;
Article 1er : La réduction des bases de l'impôt sur les sociétés assigné à la société Cedemi décidée, au titre de l'année 1988, par le jugement n 9303065/2 du 6 juillet 1995 du tribunal administratif de Paris, est ramenée de 20.000 F à 17.490 F.
Article 2 : L'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1988, calculé conformément à la réduction définie à l'article 1er, est remis à la charge de la société Cedemi.
Article 3 : L'impôt sur les sociétés auquel la société Cedemi a été assujettie au titre de l'année 1989 est intégralement remis à sa charge.
Article 4 : Le jugement n 9303065/2 du 6 juillet 1995 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA01131
Date de la décision : 15/02/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - EVALUATION DE L'ACTIF


Références :

Arrêté du 01 décembre 1970
CGI 38-2, 209, 38
CGI Livre des procédures fiscales R200-18
Instruction du 09 janvier 1973


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme BRIN
Rapporteur public ?: Mme KIMMERLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2000-02-15;96pa01131 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award