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25/11/1999 | FRANCE | N°96PA01242

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 25 novembre 1999, 96PA01242


(2ème chambre A)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 30 avril 1996, présentée pour la société à responsabilité limitée "LE TIRE BOUCHON" dont le siège social est ..., par Me X..., avocat ; la société "LE TIRE BOUCHON" demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9213194 en date du 19 décembre 1995 du tribunal administratif de Paris en tant que ledit jugement a rejeté sa demande de décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices 1984 à 1986 ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la v

aleur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1984 au ...

(2ème chambre A)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 30 avril 1996, présentée pour la société à responsabilité limitée "LE TIRE BOUCHON" dont le siège social est ..., par Me X..., avocat ; la société "LE TIRE BOUCHON" demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9213194 en date du 19 décembre 1995 du tribunal administratif de Paris en tant que ledit jugement a rejeté sa demande de décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices 1984 à 1986 ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1986 ;
2 ) de lui accorder les décharges des impositions ;
3 ) de lui allouer 50.000 F au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel ;
VU les autres pièces produites au dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 1999 :
- le rapport de Mme DE ROCCA, premier conseiller,
- les observations du cabinet SOUHAITE et associés, avocat, pour la S.A.R.L. "LE TIRE BOUCHON",
- et les conclusions de M. MORTELECQ, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société à responsabilité limitée "LE TIRE BOUCHON", qui exploite un Bar-Crêperie-Cabaret à Paris, a fait l'objet au cours de l'année 1987 d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 1984 à 1986 à la suite de laquelle l'administration, qui avait rejeté sa comptabilité comme non probante, a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires selon la procédure de redressement contradictoire ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen soulevé par la société à responsabilité limitée "LE TIRE BOUCHON" tiré de l'insuffisante motivation de la réponse de l'administration du 19 mai 1988 à ses observations sur la notification de redressement qui lui avait été adressée le 16 décembre 1987 ; qu'un tel moyen n'est pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur l'ensemble des demandes présentées par la société requérante ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article R.256-1 du livre des procédures fiscales : "L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L.256 comporte : 1 Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2 Les éléments de calcul et le montant des droits et pénalités, indemnités ou intérêts de retard qui constituent la créance. Toutefois, les éléments de calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement. De même, ils n'ont pas à être portés lorsque le contribuable n'a pas fait la déclaration nécessaire au calcul des droits" ;
Considérant que l'avis de mise en recouvrement émis le 11 juin 1990 par lequel l'administration a assujetti la S.A.R.L. "LE TIRE BOUCHON" à un complément de taxe sur la valeur ajoutée de 251.207 F, s'il mentionnait la nature et le montant des impôts et des pénalités y afférentes, ne comportait pas, par lui-même, les éléments de calcul des droits réclamés ; que, ces derniers, contrairement à ce que soutient l'administration, ne figuraient pas sur la notification de redressement du 16 décembre 1987 à laquelle l'avis de mise en recouvrement faisait renvoi dès lors que le vérificateur avait, dans sa réponse du 19 mai 1988 aux observations présentées par la société sur cette notification, substitué à ceux qui étaient portés sur cette dernière de nouveaux éléments de calcul ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, l'avis de mise en recouvrement du 11 juin 1990 ne répondant pas aux exigences de l'article R.256-1 du livre des procédures fiscales, la société à responsabilité limitée "LE TIRE BOUCHON" est fondée à demander la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1986 ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne la motivation de la notification de redressement du 16 décembre 1987 :

Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation" ;
Considérant que la notification de redressement du 16 décembre 1987 mentionnait de manière détaillée la nature des redressements envisagés, par catégorie de produits, et la méthode appliquée par le service ; qu'ainsi, elle contenait tous les éléments permettant au contribuable de contester les coefficients de marge brute retenus pour chaque exercice ; que, dès lors, elle était suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne la motivation de la réponse du 19 mai 1988 aux observations du contribuable :
Considérant qu'il est constant que l'administration avait rejeté, par une réponse motivée en date du 8 février 1988, les observations écrites présentées par la S.A.R.L. "LE TIRE BOUCHON" à la suite de la notification de redressement du 16 décembre 1987 ; que l'administration n'était tenue par aucune disposition législative ou réglementaire de répondre aux nouvelles observations formulées par la société requérante ; que, par suite, l'insuffisante motivation de la réponse du vérificateur en date du 19 mai 1988 ne saurait entacher d'irrégularité la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des redressements :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité et la charge de la preuve :
Considérant que, pour justifier ses recettes, qui étaient comptabilisées globalement en fin de journée, la société requérante produit seulement un carnet de détail des recettes qui ne mentionnait pas les ventes de crêpes à emporter et qui, s'agissant des ventes à consommer sur place, ne précisait ni la nature, ni la quantité des produits servis ; que ce document imprécis ne permettait pas de déterminer les opérations effectuées et de justifier le chiffre des recettes déclarées, sans que puisse tenir lieu de justification les autres documents produits ; que ces irrégularités étaient de nature à priver la comptabilité de toute valeur probante ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.192 du livre des procédures fiscales que lorsque la commission départementale des impôts a rendu son avis sur un litige opposant un contribuable à l'administration, "la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ; que l'imposition contestée ayant été établie conformément à l'avis de la commission, la société requérante ne saurait soutenir que la charge de la preuve de l'exagération des résultats reconstitués ne lui incombe pas ;
En ce qui concerne la méthode de reconstitution :

Considérant que le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de la société requérante en examinant séparément les recettes ressortissant de l'activité bar crêperie et de l'activité cabaret ; que, s'agissant des premières, il s'est fondé sur un relevé systématique des factures d'achat se rapportant à trois périodes différentes, déterminant ainsi un prix d'achat unitaire moyen pondéré pour chaque type de boissons, qui, comparé aux prix de vente pondéré correspondant, a permis de calculer le coefficient de bénéfice brut ; que ce coefficient a été modulé pour tenir compte des précisions apportées par le gérant de la société ; qu'en outre, une réfaction de 3% des achats a été pratiquée à raison des "offerts" après examen du livre des "offerts" produit lors de la vérification ; que la consommation du personnel et des "habitués" a été prise en compte, bien que non justifiée par l'entreprise, de même que la casse et les pertes ; que, pour la reconstitution des recettes de la crêperie, le vérificateur s'est fondé sur les achats de farine ; que le prix moyen des crêpes à consommer sur place a été établi d'après les tarifs produits ; que la société n'ayant pu fournir les tarifs des ventes à emporter, le vérificateur a retenu un prix inférieur de 2 francs qui résultait des constatations effectuées dans l'entreprise et il a estimé le pourcentage des ventes des crêpes à emporter à 20% des crêpes totales vendues ;
Considérant que la société se borne à formuler des critiques générales sur la méthode de reconstitution appliquée sans justifier celles-ci par la production de pièces comptables et extra comptables ; qu'en particulier, les attestations de clients qu'elle fournit sont postérieures aux années vérifiées et, de ce fait, sans valeur probante ; que si elle fait en outre valoir qu'il n'a pas été tenu compte pour l'activité crêperie des stocks de farine, elle ne produit au soutien de cet argument aucune justification venant conforter les bilans qu'elle joint ; qu'ainsi, elle n'apporte aucun élément de preuve susceptible d'entraîner la réduction des impositions mises à sa charge au titre de l'impôt sur les sociétés pour les exercices 1984 à 1986 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la S.A.R.L. "LE TIRE BOUCHON" tendant à la décharge de ses impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la société à responsabilité limitée "LE TIRE BOUCHON" la somme de 5.000 F au titre des frais qu'elle a engagés pour présenter sa requête d'appel ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris n 9213194 en date du 19 décembre 1995 est annulé.
Article 2 : La société à responsabilité limitée "LE TIRE BOUCHON" est déchargée de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1986 ainsi que des pénalités y afférentes.
Article 3 : L'Etat versera à la société à responsabilité limitée "LE TIRE BOUCHON" une somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée "LE TIRE BOUCHON" est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA01242
Date de la décision : 25/11/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION DE COMPTABILITE - PROCEDURE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT - MOTIVATION.


Références :

CGI Livre des procédures fiscales R256-1, L57, L192
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme DE ROCCA
Rapporteur public ?: M. MORTELECQ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-11-25;96pa01242 ?
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