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12/11/1999 | FRANCE | N°97PA03247

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 12 novembre 1999, 97PA03247


(3ème Chambre A)
VU, enregistrés le 24 novembre 1997 et le 30 décembre 1997 au greffe de la cour sous le numéro 97PA03247 la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. et Mme X..., demeurant ... par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; les époux X... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9602611/4 et 9609257/4 en date du 4 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation du rejet implicite opposé par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sur leur demande d'indemn

ité en réparation du préjudice moral qu'ils subissent du fait de la con...

(3ème Chambre A)
VU, enregistrés le 24 novembre 1997 et le 30 décembre 1997 au greffe de la cour sous le numéro 97PA03247 la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. et Mme X..., demeurant ... par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; les époux X... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9602611/4 et 9609257/4 en date du 4 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation du rejet implicite opposé par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sur leur demande d'indemnité en réparation du préjudice moral qu'ils subissent du fait de la contamination de leur fils Laurent par le virus de l'immunodéficience humaine, et à ce que celle-ci soit condamnée à leur verser deux indemnités de 150.000 F ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sur leur demande reçue le 3 avril 1996 ;
3°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser deux indemnités de 150.000 F avec les intérêts de droit à compter du 3 avril 1996 et la capitalisation desdits intérêts ;
4°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une somme de 10.000 F par application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 octobre 1999 :
- le rapport de M. DE SAINT GUILHEM, premier conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, pour M. X... et celles du cabinet FOUSSARD, avocat au Conseil d'Etat et la Cour de cassation, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. Laurent X..., qui souffrait d'une hémophilie de type A, a été contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine à l'occasion de soins dont il a fait l'objet au centre des hémophiles de l'hôpital Necker ; que la séropositivité de M. X... ayant été révélée par un prél vement opéré le 14 décembre 1983, la contamination doit tre regardée comme faisant suite aux transfusions de produits sanguins concentrés pratiquées durant l'année 1983 ; que pour obtenir réparation du préjudice moral que leur cause l'état de santé de leur fis, les parents de M. X... soutiennent que la prescription, durant la période précitée, de produits sanguins concentrés non chauffés constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'à partir du mois de janvier 1983 et de façon de plus en plus précise au fil du temps, des revues médicales spécialisées françaises et étrangères - notamment le "New England Journal of Medecine" du 13 janvier 1983, "The Lancet" du 29 janvier 1983, la "Lettre de la prévention" en mars 1983, la "Revue française de transfusion et d'immuno-hématologie" en juin et octobre 1983 - ont informé les milieux médicaux de l'existence d'un risque de transmission du virus de l'immunodéficience humaine par voie de transfusion sanguine chez les personnes atteintes d'hémophilie ; que plusieurs communications ont eu lieu, dans le même sens, à destination de la commission consultative de la transfusion sanguine, du centre national de la transfusion et d'autres centres de transfusion ; qu'à supposer que l'information ainsi diffusée ait pu ne pas parvenir à l'ensemble des médecins prescripteurs, il résulte de l'instruction que les centres de traitement des hémophiles de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris connaissaient ce risque dès les premiers mois de l'année et que leur information sur ce point s'est progressivement précisée ainsi qu'en témoigne notamment la demande de produits sanguins chauffés adressée en juin 1983 au centre national de transfusion sanguine par le directeur du centre de traitement des hémophiles de l'hôpital Cochin ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 du code de déontologie médicale dans sa rédaction applicable à la date des prescriptions litigieuses : "Le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime les plus appropriées en la circonstance. Dans toute la mesure compatible avec l'efficacité des soins, et sans négliger son devoir d'assistance morale, il doit limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire" ; qu'aux termes de l'article 18 du même code : "le médecin doit s'interdire, dans les investigations ou les interventions qu'il pratique, comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au malade un risque injustifié" ; qu'en application de ces dispositions, et alors même que les risques liés aux transfusions de produits fractionnés et concentrés n'étaient pas encore connus dans toute leur ampleur, les suspicions de plus en plus précises apparues en 1983 sur le rôle de la transfusion sanguine dans la transmission du virus du SIDA devaient conduire progressivement, d s l'année 1983, les médecins prescripteurs spécialisés dans le traitement de l'hémophilie, à réserver l'utilisation de tels produits aux interventions graves et urgentes pour lesquelles aucune alternative thérapeutique ne pouvait être envisagée ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Laurent X... était atteint d'une hémophilie de type A sévère, ayant entrainé entre 1979 plus de 180 épisodes hémorragiques ; que son état imposait avec une fréquence soutenue, le plus souvent en situation d'urgence, des perfusions de quantités importantes de facteur VIII ; que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soutient sans être sérieusement contredite que l'état du patient excluait l'administration de cryoprécipités congelés, moins dangereux que les fractions antihémophiliques de concentré de facteur VIII qui lui ont été administrées, mais dont la concentration en facteur VIII était insuffisante eu égard au type d'hémophilie en cause ; que, dans ces conditions, la transfusion de produits sanguins concentrés apparaissant comme la seule réponse médicale possible à la pathologie présentée par M. X... et l'inactivation par chauffage de ces produits n'ayant été accessible en France qu'à compter du mois de février 1985, soit postérieurement à la contamination de ce malade, le fait pour les médecins de l'hôpital Necker d'avoir administré à M. X... des produits sanguins concentrés ne saurait être regardé comme fautif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, dont il n'est pas contesté qu'elle n'a pas pris part à la fabrication des produits contaminés transfusés, ne peut être engagée à raison de fautes alléguées ; que dès lors, Mme et M. X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit condamnée à réparer le préjudice moral qu'ils ont subi du fait de la contamination de leur fils Laurent ; que leur requête doit, en conséquence, être rejetée, comme doivent l'être également les conclusions de la Société nationale des chemins de fer français, agissant en qualité de caisse autonome de sécurité sociale ;
Sur les conclusions de la Fondation nationale de la transfusion sanguine :

Considérant qu'aucune conclusion n'a été dirigée contre de la Fondation nationale de la transfusion sanguine ; que celle-ci doit, par suite, être mise hors de cause ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée verser aux époux X... et la SNCF les sommes demandées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'esp ce, de condamner les époux X..., par application des m mes dispositions, payer l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme que cet établissement demande, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1 : La requête des époux X... est rejetée.
Article 2 : La Fondation nationale de la transfusion sanguine est mise hors de cause. Artice 3 : Les conclusions de la SNCF sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris aux fins d'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA03247
Date de la décision : 12/11/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE MEDICALE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DU SERVICE PUBLIC.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE MEDICALE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DU SERVICE PUBLIC - EXECUTION DU TRAITEMENT OU DE L'OPERATION.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. DE SAINT GUILHEM
Rapporteur public ?: Mme HEERS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-11-12;97pa03247 ?
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