(3ème chambre A)
VU I) la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour les 21 septembre et 19 novembre 1998, sous le n 98PA03318, présentés pour la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME, dont le siège est au ..., par Me de Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 9718001/6, 9718002/6, 9803004/6 et 9803006/6 du 2 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé les décisions de la Commission fédérale d'appel de la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME en date des 26 juin et 19 décembre 1997 infligeant une sanction à M. Olivier X... et, d'autre part, a condamné cette fédération à payer à M. X... la somme de 30.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de rejeter la demande présentée au tribunal administratif de Paris par M. X... ;
3 ) de condamner M. X... à lui payer la somme de 20.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU II) la requête enregistrée au greffe de la cour le 2 novembre 1998, sous le n 98PA03865 présentée pour la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME, dont le siège est au ..., par Me de Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME demande à la cour d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement en date du 2 juin 1998 du tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement elle a été condamnée à payer à M. X... une somme de 30.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 1999 :
- le rapport de M. RATOULY, président,
- les observations de Me de Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME et celles de la SCP MONOD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. X...,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes présentées par la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME tendent, d'une part, à l'annulation du jugement en date du 2 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions de la Commission fédérale d'appel de ladite fédération en date des 26 juin et 19 décembre 1997 infligeant une sanction à M. X... et, d'autre part, au sursis à l'exécution dudit jugement en tant que celui-ci a condamné la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME à payer la somme de 30.000 F à M. X... en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, ces requêtes présentent à juger les mêmes questions ; que, par suite, il y a lieu de joindre lesdites requêtes pour statuer sur l'ensemble par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort de la minute du jugement attaqué que tous les mémoires présentés par les parties ont été visés et analysés ; que si ce jugement mentionne à la fois l'absence de faute de la part de M. X... et l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dans la sanction prise à son encontre, il ne saurait être regardé comme entaché d'une contradiction de motifs, dès lors que la seconde de ces propositions, mentionnée à titre surabondant, est restée sans effet sur la solution donnée au litige ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision de la Commission fédérale d'appel de la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME en date du 26 juin 1997
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que, par une lettre en date du 19 décembre 1996 adressée au président de la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME, M. X... a formé une réclamation contre les tableaux de sélection aux championnats de France de première division séniors de fleuret masculin et féminin ; qu'il a notamment fait mention dans ce courrier de ce que "tout copinage dû à une appartenance de salle ou à un lien familial quelconque ne (pouvait) être accepté" ; que, par la décision attaquée du 26 juin 1997, la Commission fédérale d'appel de la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME a suspendu M. X... pour six mois ferme au motif que l'intéressé avait, du fait de la mention précitée, manqué gravement "à la discipline, l'honneur, la dignité et l'éthique sportive" ;
Considérant que si, pour expliquer les sélections opérées par la fédération, M. X... a évoqué une hypothèse que les dirigeants de cette fédération ont pu ressentir comme déplaisante, le seul fait, pour le directeur technique d'un club d'avoir fait connaître, fût-ce dans des termes directs, son désaccord avec de tels choix et son sentiment sur les motifs de ces choix, ne saurait être regardé comme constituant une faute ; que, par suite, et alors même que M. X... a adressé une copie de sa réclamation au Comité national olympique et sportif français et s'est abstenu de participer à l'enquête disciplinaire ouverte par la fédération à la suite de sa lettre, la décision de sanction prise à son encontre le 26 juin 1997 n'était pas justifiée et, pour ce motif, devait être annulée ; qu'en conséquence, la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a prononcé cette annulation ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 19 décembre 1997 de la Commission fédérale d'appel de la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME :
Sur la recevabilité de ces conclusions :
Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi susvisée du 16 juillet 1984 : "Les fédérations et les groupements sportifs sont représentés au Comité national olympique et sportif français. Ce comité définit, conformément aux missions qui lui sont dévolues par le Comité international olympique, les règles déontologiques du sport et veille à leur respect. Les conflits opposant les licenciés, les groupements sportifs et les fédérations sont, à la demande de l'une des parties, soumis au Comité national olympique et sportif français aux fins de conciliation. Le comité est dépositaire du symbole olympique et reconnu propriétaire des emblèmes olympiques nationaux ... Lorsque le conflit mentionné au premier alinéa du présent article concerne des fédérations titulaires de la délégation du ministre chargé des sports, qu'il résulte d'une décision prise dans le cadre de l'exercice de prérogatives de puissance publique ou pour l'application des statuts fédéraux et que cette décision soit ou non encore susceptible de recours internes, la saisine du Comité national olympique et sportif français est obligatoire préalablement à tout recours contentieux. La conciliation est mise en oeuvre par un conciliateur désigné, pour chaque discipline sportive ou groupe de disciplines sportives ou dans chaque région, par le Comité national olympique et sportif français. Dans le délai d'un mois suivant la saisine, le conciliateur, après avoir entendu les intéressés, propose une ou des mesures de conciliation. Cette ou ces mesures sont présumées acceptées par les parties sauf opposition notifiée au conciliateur et aux autres parties dans un nouveau délai d'un mois à compter de la formulation des propositions du conciliateur. La saisine du Comité national olympique et sportif français, en application de l'alinéa précédent, suspend l'exécution de la décision litigieuse jusqu'à cette notification. Le délai de recours contentieux recommence à courir à compter de ladite notification. En cas de recours, la ou les mesures de conciliation proposées sont portées à la connaissance de la juridiction compétente. Celle-ci, lorsqu'il s'agit d'une décision individuelle prise à l'encontre d'une personne physique ou morale par une fédération dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, est, nonobstant toute disposition contraire, le tribunal administratif de la résidence ou du siège des personnes faisant l'objet des décisions attaquées à la date desdites décisitions" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a saisi le 28 juillet 1997, aux fins de conciliation, le Comité national olympique et sportif français de la sanction prononcée contre lui par la décision du 26 juin 1997 ; que le conciliateur désigné par le comité a proposé le 27 octobre 1997, de substituer une suspension de six mois avec sursis à la sanction initiale de suspension ferme ; que la fédération s'est opposée à cette proposition le 24 novembre 1997 et a décidé, le 19 décembre 1997, par l'intermédiaire de sa Commission fédérale d'appel, d'infliger à M. X... une suspension d'un an, avec un sursis de cinq ans ;
Considérant que les faits qui ont motivé la décision du 19 décembre 1997 sont ceux qui ont été soumis au Comité national olympique et sportif français le 28 juillet 1997 ; que ce comité avait fait connaître, par sa proposition de conciliation du 27 octobre 1997, la sanction dont ces faits devaient, selon lui, être suivis ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 19 de la loi du 16 juillet 1984, il n'y avait pas lieu, pour M. X... de le saisir à nouveau après l'intervention de la décision du 19 décembre 1997 ; qu'ainsi, les conclusions que M. X... a présentées directement devant le tribunal administratif en vue d'obtenir l'annulation de cette dernière décision, étaient recevables ;
Sur le fond :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les faits reprochés à M. X... ne justifiaient pas, en tout état de cause, l'application d'une sanction ; qu'en conséquence, la décision du 19 décembre 1997 est illégale et devait être annulée ; que, par suite, la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
En ce qui concerne la première instance :
Considérant qu'en allouant une somme de 30.000 F à M. X... sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les premiers juges ont fait une appréciation excessive des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens ; qu'il convient de ramener à 10.000 F la somme à laquelle M. X... pouvait prétendre à ce titre ;
En ce qui concerne l'instance d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de condamner la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME à payer la somme de 10.000 F à M. X... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La condamnation de la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME à payer la somme de 30.000 F à M. X... prononcée, sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 juin 1998, est ramenée à 10.000 F.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME est rejeté.
Article 3 : La FEDERATION FRANCAISE D'ESCRIME versera à M. X..., au titre des frais exposés en appel, la somme de 10.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.