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25/05/1999 | FRANCE | N°96PA04490

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 25 mai 1999, 96PA04490


VU l'ordonnance en date du 6 novembre 1996, enregistrée au greffe de la cour le 17 décembre 1996, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, la requête présentée par M. et Mme FELMY ;
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 16 décembre 1996, présentée pour M. et Mme X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat ; M. et Mme X... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95-1123 du 30 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la c

ondamnation de l'Etat à leur verser la somme de 60.000 F au titre de...

VU l'ordonnance en date du 6 novembre 1996, enregistrée au greffe de la cour le 17 décembre 1996, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, la requête présentée par M. et Mme FELMY ;
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 16 décembre 1996, présentée pour M. et Mme X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat ; M. et Mme X... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95-1123 du 30 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 60.000 F au titre de chacune des années 1991 à 1995 majorée des intérêts au taux légal, en réparation des troubles dans les conditions d'existence que leur causerait le fonctionnement de l'ouvrage public constitué par l'aérodrome de Nancy-Essey ;
2 ) de faire droit à leur demande de première instance ;
3 ) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 11.000 F, en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'aviation civile ;
VU l'arrêté interministériel du ministre des travaux publics et du ministre de la défense nationale du 8 juin 1955 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 11 mai 1999 :
- le rapport de M. DEMOUVEAUX, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel : " ... Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance du jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations" ; qu'il ressort des pièces du dossier que les parties n'ont pas été informées que le tribunal administratif de Nancy entendait soulever d'office le moyen tiré de l'absence de lien de causalité direct entre les nuisances sonores invoquées par M. et Mme X... et l'illégalité alléguée des décisions du 9 mai 1985 et du 24 mai 1985 par lesquelles le ministre de la défense a installé deux régiments d'hélicoptères de combat sur l'aérodrome d'Essey-les-Nancy ; qu'ainsi le jugement en date du 30 avril 1996 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme X... devant le tribunal administratif de Nancy ;
Sur les conclusions fondées sur la faute :
En ce qui concerne les décisions des 9 mai et 24 mai 1985 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par des décisions des 9 et 24 mai 1985, le ministre de la défense a installé sur l'aérodrome de Nancy-Essey le 4e régiment d'hélicoptères de combat et le 7e régiment d'hélicoptères de manoeuvre et de soutien et a, par une décision du 15 janvier 1992, renforcé l'un de ces régiments par deux unités d'hélicoptères transférées d'Allemagne ; que les requérants soutiennent que l'illégalité de ces décisions, qui selon eux méconnaissent les dispositions de l'article R.222-9 du code de l'aviation civile et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R.222-9 du code de l'aviation civile : "Des arrêtés interministériels pris après avis du conseil supérieur de l'infrastructure et de la navigation aérienne désignent : d'une part, l'administration publique chargée d'assurer l'administration générale et le commandement de l'aérodrome ; cette administration est dite affectataire principal ; d'autre part, les administrations publiques autorisées à établir sur l'aérodrome des installations pour leur propre usage ou pour l'usage des services ou établissements placés sous leur tutelle ; ces administrations sont dites affectataires secondaires ; Ils précisent les activités aériennes autorisées sur l'aérodrome. Ils sont publiés au Journal officiel de la République française" ; que, par un arrêté en date du 8 juin 1955, le ministre de la défense nationale et le ministre des travaux publics, des transports et du tourisme ont affecté l'aérodrome de Nancy-Essey "à titre secondaire au ministère de la défense nationale et des forces armées (air) pour les besoins de l'armée de l'air ; au ministère de la défense nationale et des forces armées (guerre), pour les besoins de l'aviation légère d'observation d'artillerie ..." ;

Considérant, d'une part, que sur le fondement de cet arrêté, le ministre de la défense a pu, sans que l'édiction d'un nouvel arrêté interministériel fût nécessaire, décider d'installer sur l'aérodrome de Nancy-Essey deux régiments d'hélicoptères de combat et de renforcer l'un de ces régiments par deux unités d'hélicoptères transférées d'Allemagne ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité du choix fait par le ministre d'installer ou de transférer sur l'aérodrome de Nancy-Essey, les formations militaires ci-dessus mentionnées ;
En ce qui concerne la décision du 12 juin 1991 :
Considérant que les requérants n'établissent pas que l'Etat ait commis une faute en supprimant, le 12 juin 1991, le contrôle aérien sur l'aérodrome de Nancy-Essey et en le remplaçant par un service d'information en vol dit service AFIS ;
Sur les conclusions fondées sur la rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X... ont acquis en 1981 une maison d'habitation située à Pulnoy, à proximité de l'aérodrome de Nancy-Essey ; que les requérants, qui demandent réparation des troubles dans les conditions d'existence qu'ils subissent, du fait de l'installation sur cet aérodrome en 1985 de deux régiments d'hélicoptères de combat, ne sont fondés à le faire que dans la mesure où cette installation a aggravé les nuisances sonores et olfactives existantes au-delà de ce à quoi doivent normalement s'attendre les riverains d'un aérodrome normalement destiné à rester en activité ;

Considérant que, d'une part, il résulte de l'instruction, et notamment des mesures de bruits d'environnement réalisées par le service technique de la navigation aérienne sur le site du 5 au 11 juillet 1994 et du 26 juin au 27 juillet 1995, que l'installation sur l'aérodrome de Nancy-Essey d'hélicoptères de combat, soumis à des vols de nuit et de fin de semaine, a eu pour effet d'aggraver de manière importante les nuisances sonores causées par l'ouvrage public ; que si, en effet, lors de l'acquisition de leur pavillon par les Epoux X..., des avions légers et des bimoteurs à hélice fréquentaient régulièrement l'aérodrome de Nancy-Essey, ces avions, qui ne volent en principe que le jour, ne contribuent aux nuisances sonores nocturnes causées par l'aérodrome que dans une proportion négligeable ; qu'en revanche, les nuisances provenant des hélicoptères se font principalement sentir de 20 h à 1 h, période au cours de laquelle, pour une durée cumulée de 12 mn, le niveau d'émergence dû aux hélicoptères atteint 11,3 dB(a) et porte le niveau de bruit ambiant à 59,3 dB(a) ; qu'un tel degré de pression acoustique excède, aux heures où il est constaté, les sujétions normales résultant du voisinage d'ouvrages de cette nature ; que, d'autre part, la modification des conditions de fonctionnement de l'ouvrage public qui a provoqué cette gêne nouvelle n'était pas normalement prévisible par les requérants à la date de leur installation, en l'absence de publication de l'arrêté susvisé du 8 juin1955 rendant possible cette modification ; que, dans ces conditions, M. et Mme X... sont fondés à soutenir qu'il subissent, du fait de l'installation d'unités d'hélicoptères de combat sur l'aérodrome dont ils sont riverains, un préjudice anormal et spécial de nature à leur ouvrir droit à indemnité ;
Sur le préjudice :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les Epoux X... au titre des troubles dans leurs conditions d'existence, en l'évaluant à 10.000 F par an ; que les requérants demandant réparation pour les années 1992 à 1995, il y a lieu de leur allouer une somme totale de 40.000 F , majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 1995 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à payer aux Epoux X... la somme de 11.000 F qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : le jugement susvisé du tribunal administratif de Nancy en date du 30 avril 1996 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. et Mme X... la somme de 40.000 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 1995.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme X... une somme de 11.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA04490
Date de la décision : 25/05/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - AUTRES MESURES PROTECTRICES DE L'ENVIRONNEMENT - LUTTE CONTRE LE BRUIT.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE DE L'ARMEE.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT DE L'OUVRAGE.


Références :

Code de l'aviation civile R222-9
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. DEMOUVEAUX
Rapporteur public ?: Mme HEERS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-05-25;96pa04490 ?
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