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08/04/1999 | FRANCE | N°98PA00304

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 08 avril 1999, 98PA00304


VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour le 30 janvier 1998, présentés pour la société SOMMER, dont le siège social est ..., aux droits de laquelle vient la société Sommer Revêtements France, dont le siège social est ..., par la SCP CELICE-BLANCPAIN-SOLTNER, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 9609900/6 en date du 2 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 22 mai 1996 par laquelle le ministre du travail et des affair

es sociales a autorisé le licenciement de M. Bertrand X... ;
2°) de re...

VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour le 30 janvier 1998, présentés pour la société SOMMER, dont le siège social est ..., aux droits de laquelle vient la société Sommer Revêtements France, dont le siège social est ..., par la SCP CELICE-BLANCPAIN-SOLTNER, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 9609900/6 en date du 2 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 22 mai 1996 par laquelle le ministre du travail et des affaires sociales a autorisé le licenciement de M. Bertrand X... ;
2°) de rejeter la demande de M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code du travail ;
VU la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 1999 :
- le rapport de M. BATAILLE, premier conseiller,
- les observations de la SCP NICOLAY et LANOUVELLE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. X...,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que la société SOMMER a sollicité l'autorisation de licencier M. X..., représentant du personnel, à la suite du refus de celui-ci d'accepter une mutation à l'étranger en violation de la clause de mobilité contenue dans son contrat de travail ; que l'inspecteur du travail, par décision du 15 novembre 1995, a refusé cette autorisation au motif que la mise en oeuvre de cette clause de mobilité porterait atteinte à "l'exercice normal, voire l'exercice tout court" des mandats de l'intéressé ; que, par décision du 22 mai 1996, le ministre du travail et des affaires sociales a annulé la décision du 15 novembre 1995 de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. X... ; que le ministre devait apprécier si la faute retenue à l'encontre du salariré était d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont ce salarié était investi ; qu'il était tenu de motiver sa décision, en application de la loi susvisée du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, notamment quant à ce caractère de gravité suffisante ; qu'en revanche, dès lors qu'aucun élément dans le sens d'une atteinte à ces règles et exigences ne lui paraissait devoir être retenu, il n'avait pas, pour ce faire, en l'absence de toute référence à un motif d'intérêt général, à tenir compte de la motivation de la décision annulée et en conséquence n'était notamment pas tenu, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, de mentionner expressément l'absence d'atteinte à l'exercice normal des mandats de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur une insuffisance de motivation pour annuler ladite décision ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant, en premier lieu, que le ministre, en se référant à l'absence de discrimination et aux raisons de la mise en oeuvre de la clause de mobilité, doit être regardé comme ayant implicitement mentionné la raison pour laquelle la mutation de M. X... ne contrevenait pas à l'exercice normal des mandats dont celui-ci était investi et qu'il était à même d'exercer dans les mêmes conditions que tout autre représentant du personnel en poste à l'étranger ; qu'il a suffisamment explicité le motif tiré de l'absence de discrimination à son égard, en tant que représentant du personnel, en mentionnant les raisons de la mutation de l'intéressé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.122-44 du code du travail : "Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ..." ;
Considérant que M. X... soutient que le délai prévu par les dispositions précitées de l'article L.122-44 du code du travail n'a pas été respecté, la lettre le convoquant à un entretien préalable en vue de son licenciement, fondé sur le fait de ne pas avoir rejoint le 1er juillet 1995 le poste qui lui était proposé à Varsovie, étant datée du 15 septembre 1995 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que si la société SOMMER a adressé le 13 juin 1995 un courrier à M. X... l'avertissant qu'il serait considéré comme démissionnaire s'il n'avait pas rejoint son poste au 1er juillet 1995, ce n'est qu'à la suite d'un entretien en date du 29 août 1995, au cours duquel l'intéressé a maintenu son refus de mutation, que son employeur a envisagé son licenciement ; qu'ainsi, l'engagement des poursuites le 15 septembre n'a pas été postérieur à l'expiration du délai de deux mois courant à compter du refus du 29 août, considéré par la société comme faute d'une gravité suffisante à justifier ledit licenciement ;
Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. X..., si la mutation en cause lui a été proposée suite à une réorganisation de la société, la demande de licenciement est fondée sur son refus de mutation, considéré comme fautif, et non sur un motif économique consistant dans ladite réorganisation ;
Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il est constant que le contrat de travail liant M. X... et la société SOMMER comportait une clause de mobilité selon laquelle la carrière de l'intéressé pouvait se dérouler tant à l'étranger qu'en France ; que, dans ces conditions, la mutation à Varsovie proposée à M. X..., qui n'établit pas qu'elle aurait pour conséquence un amoindrissement de ses fonctions d'encadrement, d'une part, ne saurait être regardée comme une modification substantielle de son contrat de travail, d'autre part, n'a eu ni pour objet ni pour effet de contrevenir à l'exécution normale des mandats dont il était investi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sommer Revêtements France, venant aux droits de la société SOMMER, d'une part, la ministre de l'emploi et de la solidarité, d'autre part, sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision litigieuse du 22 mai 1996 ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la société requérante, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à M. X... la somme de 15.000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement n 9609900/6 en date du 2 décembre 1997 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA00304
Date de la décision : 08/04/1999
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - QUESTIONS GENERALES - MOTIVATION - MOTIVATION OBLIGATOIRE - MOTIVATION OBLIGATOIRE EN VERTU DES ARTICLES 1 ET 2 DE LA LOI DU 11 JUILLET 1979 - DECISION RETIRANT OU ABROGEANT UNE DECISION CREATRICE DE DROIT - Existence - Annulation par le ministre chargé du travail annulant - sur recours hiérarchique - en cas de faute d'une gravité suffisante à justifier le licenciement d'un salarié protégé - la décision de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de licenciement et autorisant le licenciement - Portée de l'obligation de motiver.

01-03-01-02-01-01-03, 66-07-01-04-02-01 Lorsque le ministre chargé du travail annule la décision de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé et autorise ledit licenciement, il est tenu de motiver, en application de la loi du 11 juillet 1979, sa décision quant au caractère de gravité suffisante de la faute commise par le salarié, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail du salarié et des exigences propres à l'exécution normale du mandat. Il n'est pas tenu en revanche, en l'absence de toute référence à un motif d'intérêt général, de tenir compte de la motivation de la décision annulée, et notamment, lorsque l'inspecteur du travail a motivé sa décision par l'atteinte portée par le projet de licenciement à l'exercice normal des mandats de l'intéressé, de mentionner expressément l'absence d'une telle atteinte.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR FAUTE - EXISTENCE D'UNE FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE - Portée de l'obligation de motiver à l'égard du ministre annulant - sur recours hiérarchique - la décision de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de licenciement et autorisant le licenciement.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code du travail L122-44
Loi 79-587 du 11 juillet 1979


Composition du Tribunal
Président : M. Fournier de Laurièreù
Rapporteur ?: M. Bataille
Rapporteur public ?: Mme Phémolant

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-04-08;98pa00304 ?
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