La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/1999 | FRANCE | N°98PA00449

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 30 mars 1999, 98PA00449


(3ème Chambre A)
VU, enregistrés le 13 février et le 3 avril 1998 au greffe de la cour, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour Mme Corinne Y..., demeurant ..., Melle Audrey Z..., demeurant ... et M. Thierry Z..., demeurant ..., par Me X..., avocat ; Mme Y..., Melle Z... et M. Z... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9604893/6 en date du 16 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;
2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser conjointement une somme de 2.000.000 F au ti

tre du préjudice de contamination de leur mère, Mme Micheline Z..., 150....

(3ème Chambre A)
VU, enregistrés le 13 février et le 3 avril 1998 au greffe de la cour, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour Mme Corinne Y..., demeurant ..., Melle Audrey Z..., demeurant ... et M. Thierry Z..., demeurant ..., par Me X..., avocat ; Mme Y..., Melle Z... et M. Z... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9604893/6 en date du 16 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;
2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser conjointement une somme de 2.000.000 F au titre du préjudice de contamination de leur mère, Mme Micheline Z..., 150.000 F au titre du préjudice moral de Melle Z... et 150.000 F au titre du préjudice moral de M. Z..., avec les intérêts de droit à compter du 23 septembre 1995 et la capitalisation desdits intérêts ;
3°) de déclarer le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles subrogé à concurrence de la somme de 1.000.000 F qu'il a versée au titre du préjudice de contamination de Mme Micheline Z..., de la somme de 120.000 F qu'il a versée au titre du préjudice moral de Melle Z... et de la somme de 40.000 F qu'il a versée au titre du préjudice moral de M. Z... ;
4°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une somme de 20.000 F par application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU l'article 47 de la loi n 91-1046 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social ;
VU le code de la sécurité sociale ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 1999 :
- le rapport de M. de SAINT-GUILHEM, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour Mme Y... et les consorts Z... et celles du cabinet FOUSSARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que Mme Y..., Melle Z... et M. Z... demandent la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser conjointement une somme de 2.000.000 F au titre du préjudice de contamination de leur mère, Mme Micheline Z..., par le virus de l'immunodéficience humaine ; que Melle Audrey Z... et M. Thierry Z... demandent, en outre, la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser à chacun une somme de 150.000 F au titre de leur préjudice moral ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Creil poursuit, quant à elle, le remboursement des dépenses de soins qu'elle a exposées au profit de Mme Micheline Z... ;
Considérant que l'entière responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dans la contamination de Mme Z... par des produits sanguins transfusés entre 1978 et 1983, retenue par le tribunal administratif, n'est pas contestée en appel ;
Sur l'évaluation du préjudice des requérants en qualité d'héritiers de Mme Micheline Z... :
Considérant que le droit à réparation des préjudices tant matériels que personnels subis par la victime est entré dans le patrimoine de ses héritiers alors même qu'elle n'avait, avant son décès, introduit aucune action tendant à faire reconnaître ce droit ;
Considérant, ainsi que le demandent les requérants, qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par Mme Micheline Z... en les évaluant à une somme de 2 millions de francs ; qu'il ressort des pièces du dossier que les requérants, uniques héritiers de leur mère, ont reçu la somme de 1.000.000 F du fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles en réparation des mêmes préju-dices ; qu'ils ont expressément accepté cette somme ; que le juge administratif, saisi d'une demande de réparation du préjudice résultant de la contamination par le virus de l'immunodéficience humaine et informé de ce que la victime ou ses ayants droit ont été déjà indemnisés du préjudice dont ils demandent réparation, doit d'office déduire la somme ainsi allouée du montant du préjudice indemnisable ;
Considérant qu'en versant les indemnités susmentionnées, le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles n'a pas fait droit à la sommation de payer adressée par la victime à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, sur le fondement des règles de droit commun de la responsabilité et à la suite de laquelle a été engagée contre l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris l'action en réparation faisant l'objet de l'arrêt attaqué et n'a ainsi pas payé une somme que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris aurait dû verser dès réception de la sommation de payer ; que la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris n'étant engagée au titre du droit commun que sur la part du préjudice non indemnisée par le fonds susmen-tionné, il n'y a lieu d'accorder les intérêts dus que sur la somme de 1.000.000 F restant ainsi à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à compter du 25 septem-bre 1995, date non contestée de réception de la demande préalable ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 13 février 1998 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ; qu'en revanche, et par application des mêmes dispositions, il y a lieu de rejeter la demande de capitalisation des intérêts formée le 7 mars 1996, dès lors qu'à cette date une année ne s'était pas écoulée depuis que la demande préalable d'indem-nité avait été adressée à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Considérant, enfin, qu'il n'appartient pas aux ayants droit de la victime d'une contamination partiellement indemnisée par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles de demander que ce fonds soit subrogé dans leurs droits ; que les conclusions présentées en ce sens par les requérants doivent, en conséquence, être rejetées comme irrecevables ;
Sur l'évaluation du préjudice moral des enfants de Mme Z... :
Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral subi par M. Thierry Z... en lui accordant à ce titre une réparation d'un montant de 80.000 F venant s'ajouter à la somme de 40.000 F déjà versée à ce titre par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles ; que, par arrêt en date du 17 novembre 1994, la cour d'appel de Paris a porté de 100.000 à 120.000 F le montant de la somme versée par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles en réparation du préjudice moral subi par Melle Audrey Z... ; que cette indemnisation ne saurait être regardée comme insuffisante ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Creil :
Considérant qu'aux termes de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale : "Si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et du préjudice esthétique et d'agrément ..." ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Creil justifie avoir exposé, au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, de transports et d'hospi-talisation dont a bénéficié Mme Micheline Z..., une somme de 547.169,35 F ; que cette somme s'inscrit dans le préjudice global provoqué par la contamination de Mme Z... ; qu'il y a lieu, en conséquence, en application des dispositions ci-dessus rappelées de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, de faire droit à la demande de remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie de Creil, en mettant à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme précitée de 547.169,35 F qui portera intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 1998 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'ar-ticle L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux admi-nistratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser conjointement à Mme Corinne Y..., Melle Audrey Z... et M. Thierry Z... la somme de 10.000 F et à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil la somme de 1.500 F ;
Article 1 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à verser conjoin-tement à Mme Corinne Y..., Melle Audrey Z... et M. Thierry Z... une somme de 1.000.000 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 1995. Les intérêts seront capitalisés le 13 février 1998 pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 2 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à verser une somme de 547.169,35 F à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil. Cette somme portera les intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 1998.
Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera une somme de 10.000 F conjointement à Mme Y..., Melle Z... et M. Z..., et une somme de 1.500 F à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil, par application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le jugement n° 9604893/6 en date du 16 décembre 1997 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA00449
Date de la décision : 30/03/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE SANS FAUTE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - DROITS DES CAISSES DE SECURITE SOCIALE - IMPUTATION DES DROITS A REMBOURSEMENT DE LA CAISSE.


Références :

Code civil 1154
Code de la sécurité sociale L376-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. de SAINT-GUILHEM
Rapporteur public ?: Mme HEERS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-03-30;98pa00449 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award