(3ème chambre A)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 mars 1997, présentée pour la société SERIEE SA dont le siège social se trouve ..., 93315, Le Pré Saint-Gervais, par Me X..., avocat ; la société SERIEE SA demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 10 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de la décision du ministre du travail, du dialogue social et de la participation prise le 28 juillet 1995 et refusant l'autorisation de licencier Mme Micheline Y..., déléguée du personnel ;
2 ) d'annuler cette décision ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code du travail ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 1999 :
- le rapport de M. RATOULY, président,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;
Sur la qualité de salariée protégée de Mme Y... :
Considérant qu'aux termes de l'article L.423-16 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi du 28 octobre 1982 : "Les délégués sont élus pour un an ..." et qu'aux termes de l'article L.423-19 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 20 décembre 1993 : "L'élection des délégués du personnel et l'élection des représentants du personnel au comité d'entreprise ont lieu à la même date. Ces élections simultanées interviennent pour la première fois soit à l'occasion de la constitution du comité d'entreprise, soit à la date du renouvellement de l'institution. La durée du mandat des délégués du personnel est prorogée à due concurrence ..." ;
Considérant qu'il est constant que Mme Y... a été élue déléguée du personnel de la société SERIEE SA le 26 mai 1993 et qu'aucune élection de représentants des salariés au comité d'entreprise n'a eu lieu entre cette date et celle de son licenciement intervenu le 11 février 1995 ; que, par suite et contrairement à ce que soutient la société SERIEE SA, le mandat de Mme Y... a été prorogé en application des dispositions précitées de l'article L.423-19 du code du travail ; que l'intéressée avait, par conséquent, la qualité de salariée protégée à la date de son licenciement ;
Sur la légalité de la décision du 28 juillet 1995 du ministre du travail, du dialogue social et de la participation :
Considérant qu'aux termes de l'article L.321-1-1 du code du travail : " ... en cas de licenciement collectif pour motif économique, à défaut de convention ou accord collectif de travail applicable, l'employeur définit, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements. Ces critères prennent notamment en compte les charges de famille et en particulier celles de parents isolés ..." ;
Considérant qu'il ressort du procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise de la société SERIEE SA en date du 7 février 1995 que les critères permettant de déterminer l'ordre dans lequel devaient se faire les licenciements n'ont pas été communiqués audit comité ; que le licenciement de Mme Y... est ainsi intervenu en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L.321-1-1 du code du travail ; que, dès lors, le ministre était tenu d'annuler la décision en date du 10 mars 1995 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé le licenciement de Mme Y... ; que, par suite, les autres moyens présentés par la société SERIEE SA, au soutien de ses conclusions visant à l'annulation de la décision du ministre du travail, du dialogue social et de la participation en date du 28 juillet 1995 sont inopérants ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SERIEE SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de Mme Y... tendant à la condamnation de la société SERIEE SA à lui payer une indemnité de 50.000 F pour procédure abusive :
Considérant qu'en raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le demandeur soit condamné à payer à une personne mise en cause des dommages-intérêts pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une instance en annulation pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions susanalysées de Mme Y... doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que Mme Y..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la société SERIEE SA la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de condamner la société SERIEE SA à payer la somme de 5.000 F à Mme Y... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la société SERIEE SA est rejetée.
Article 2 : La société SERIEE SA est condamnée à payer à Mme Y... la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme Y... est rejeté.