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23/02/1999 | FRANCE | N°97PA01720

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 23 février 1999, 97PA01720


(3ème chambre A)
VU la décision en date du 16 juin 1997, par laquelle le Conseil d'Etat a renvoyé devant la cour la requête présentée pour les consorts X... ;
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 22 mars et 18 juin 1993, présentés pour Mme Cornélie X..., Mme Valérie X... et M. Julien X..., par la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; les consorts X... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 28 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leu

r demande tendant à la condamnation solidaire de l'Assistance publique-Hô...

(3ème chambre A)
VU la décision en date du 16 juin 1997, par laquelle le Conseil d'Etat a renvoyé devant la cour la requête présentée pour les consorts X... ;
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 22 mars et 18 juin 1993, présentés pour Mme Cornélie X..., Mme Valérie X... et M. Julien X..., par la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; les consorts X... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 28 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et de l'Etat à leur verser une indemnité de 2.000.000 F avec intérêts en raison du préjudice qu'ils ont subis du fait du décès de M. Jean X..., le 6 décembre 1987, des suites de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine ;
2 ) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser ladite indemnité avec intérêts à compter du 23 août 1988 et capitalisation des intérêts ainsi qu'au versement d'une indemnité de 11.860 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 9 février 1999 :
- le rapport de M. DEMOUVEAUX, premier conseiller,
- les observations du cabinet LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour les consorts X... et celles du cabinet FOUSSARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;

Sur le lien de causalité, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du Docteur Y..., que M. Jean X... a subi une intervention chirurgicale à l'Hôpital Broussais, le 13 septembre 1984 ; qu'au cours de cette intervention, sept culots globulaires, un sang total, six plasmas liquides et trois plasmas frais congelés ont été transfusés à l'intéressé ; qu'un bilan viral effectué en juillet 1987 a fait apparaître que celui-ci était contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) ; que M. X... est décédé des suites du sida le 6 décembre 1987 ;
Considérant que l'identité de quatre des seize donneurs dont provenait le sang qui a été transfusé à M. X... n'a pu être retrouvée lors de l'expertise ; que parmi les douze donneurs qui ont été invités à se soumettre à un test de séropositivité, un seul a répondu à cette invitation ; que, dès lors, en l'absence de preuve de l'innocuité du sang recueilli auprès de ceux des donneurs qui n'ont pu être soumis à un test ou n'ont pu être retrouvés, et en l'absence de risque propre à M. X... dont l'infection ne peut être attribuée à aucun autre facteur, le lien de causalité doit être considéré comme établi ; que, dès lors, les consorts X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a considéré que les transfusions sanguines reçues par M. X... n'étaient pas à l'origine directe de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine ; que le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les consorts X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant que la responsabilité de l'Etat est engagée à l'égard des personnes contaminées par le virus de l'immunodéficience humaine à la suite d'une transfusion de produits sanguins non chauffés opérée entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985 ; qu'il n'est pas contesté que M. X... a reçu des transfusions de produits sanguins non chauffés en décembre 1984 ; que la responsabilité de l'Etat est, dès lors, engagée à l'égard des requérants en raison des conséquences dommageables des transfusions que M. X... a reçues au cours de la période précitée, sans que l'Etat, pour sa défense, puisse utilement faire valoir que les produits sanguins administrés auraient perdu leurs qualités thérapeutiques s'ils avaient été chauffés ; qu'en effet, il existait à l'époque des produits de substitution ne présentant pas cette caractéristique et qui auraient pu être administrés sans dommages à l'intéressé ;
Sur la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :

Considérant qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952, modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;
Considérant que le préjudice résultant pour un malade de sa contamination par des produits sanguins transfusés est imputable à la personne morale publique ou privée dont relève le centre de transfusion sanguine qui a élaboré les produits utilisés même en l'absence de faute ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort du rapport d'expertise que les seize produits sanguins litigieux ont été fournis par le centre de transfusion sanguine de l'hôpital Broussais, lequel n'a pas une personnalité juridique distincte de celle de l'administration générale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Considérant, d'autre part, que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris n'établit ni même n'allègue qu'aurait été administré à M. X... un produit sanguin fourni par un centre de transfusion sanguine ayant une personnalité juridique distincte ; que, par suite, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris doit être regardée comme entièrement responsable du préjudice résultant de la contamination de M. X... ;
Sur l'indemnisation :
Considérant que les requérants demandent la condamnation de l'Etat et de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser à M. X..., représenté par ses héritiers, une somme de 2.000.000 F en réparation de son préjudice spécifique de contamination ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par la victime en évaluant à cette somme le préjudice subi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etat et l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris doivent être condamnés, conjointement et solidairement, à verser à Mmes Cornélie et Valérie X... et à M. Julien X... une somme de 2.000.000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que les requérants ont droit aux intérêts de la somme à compter du 23 août 1988, jour de la réception de la demande préalable adressée à l'administration ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 21 juillet 1990, 1er août 1991, 22 mars 1993 et 1er juin 1994 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner conjointement et solidairement l'Etat et l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à payer aux requérants la somme de 11.860 F qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 28 octobre 1992 est annulé.
Article 2 : L'Etat et l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sont condamnés conjointement et solidairement à verser à Mmes Cornélie et Valérie X... et à M. Julien X... la somme de 2.000.000 F, avec intérêts au taux légal à compter du 23 août 1988. Les intérêts échus les 21 juillet 1990, 1er août 1991, 22 mars 1993 et 1er juin 1994 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat et l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sont condamnés conjointement et solidairement à verser à Mmes Cornélie et Valérie X... et à M. Julien X... la somme de 11.860 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA01720
Date de la décision : 23/02/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-01-01-01-01-04 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - MANQUEMENTS A UNE OBLIGATION D'INFORMATION ET DEFAUTS DE CONSENTEMENT


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. DEMOUVEAUX
Rapporteur public ?: Mme HEERS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-02-23;97pa01720 ?
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