La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/1999 | FRANCE | N°97PA00076

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 02 février 1999, 97PA00076


VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 janvier 1997, présentée pour L'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES VIANDES, DE L'ELEVAGE ET DE L'AVICULTURE (OFIVAL), dont le siège est ... Paris cedex 12, représenté par son directeur en exercice, par Me X..., avocat ; l'OFIVAL demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n s 9415113/7-9415114/7 en date du 15 mai 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé les états exécutoires émis le 6 septembre 1994 à l'encontre de la société Socinter-Socopa International et la société CED Viandes ;
2°) de

rejeter les demandes présentées par la société Socinter-Socopa internati...

VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 janvier 1997, présentée pour L'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES VIANDES, DE L'ELEVAGE ET DE L'AVICULTURE (OFIVAL), dont le siège est ... Paris cedex 12, représenté par son directeur en exercice, par Me X..., avocat ; l'OFIVAL demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n s 9415113/7-9415114/7 en date du 15 mai 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé les états exécutoires émis le 6 septembre 1994 à l'encontre de la société Socinter-Socopa International et la société CED Viandes ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la société Socinter-Socopa international et la société CED Viandes devant le tribunal administratif de Paris ;
3 ) à titre subsidiaire de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes ;
4 ) de condamner solidairement la société Socinter-Socopa international et la société CED Viandes à lui verser une somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le règlement n 3665/87 en date du 27 novembre 1987, de la Commission des communautés européennes, modifié ;
VU le code civil ;
VU le code des douanes ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 1999 :
- le rapport de Mme MASSIAS, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour L'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES VIANDES, DE L'ELEVAGE ET DE L'AVICULTURE et celles du cabinet ABENSOUR-GIBERT, avocat, pour les sociétés CED Viandes et Socinter-Socopa International,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les sociétés Socinter-Socopa International et CED Viandes ont exporté, en février 1989, 1905,562 tonnes de viande bovine congelée à destination de l'Irak ; qu'à la suite de procès-verbaux d'infraction établis par les agents de la direction générale des douanes et droits indirects les 8 novembre 1993 et 2 décembre 1993, indiquant qu'une partie des marchandises n'avait pas été mise à la consommation en Irak dans les délais réglementaires, L'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES VIANDES, DE L'ELEVAGE ET DE L'AVICULTURE (OFIVAL), qui avait payé les restitutions à l'exportation à ces deux sociétés à raison de cette opération a émis deux états exécutoires en date du 6 septembre 1994, en vue du remboursement par les sociétés Socinter-Socopa International et CED Viandes des sommes respectives de 2.848.788,74 F et 1.018.381,16 F ; que par jugement du 15 mai 1996, le tribunal administratif de Paris a annulé ces états exécutoires ; que l'OFIVAL fait appel de ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 16 du règlement n 3665/87 du 27 novembre 1987 de la Commission des communautés européennes : "Dans le cas de différenciation du taux de la restitution selon la destination, le paiement de la restitution est subordonné aux conditions supplémentaires définies aux articles 17 et 18" ; que l'article 17 du même règlement dispose : "1. Le produit doit avoir été importé en l'état dans le pays tiers ou dans l'un des pays tiers pour lequel la restitution est prévue dans les douze mois suivant la date d'acceptation de la déclaration d'exportation ...3. Le produit est considéré comme importé lorsque les formalités douanières de mise à la consommation dans le pays tiers ont été accomplies" ; qu'aux termes de l'article 5 du même règlement : "Le paiement de la restitution différenciée ou non différenciée est subordonné, en sus de la condition que le produit ait quitté le territoire douanier de la communauté, à la condition que le produit ait été, sauf s'il a péri en cours de transport par suite d'un cas de force majeure, importé dans un pays tiers et, le cas échéant, dans un pays tiers déterminé dans les douze mois suivant la date d'acceptation de la déclaration d'exportation : a) lorsque des doutes sérieux existent quant à la destination réelle du produit ... En outre, les services compétents des Etats membres peuvent exiger des preuves supplémentaires de nature à démontrer à la satisfaction des autorités compétentes que le produit a été effectivement mis en l'état, sur le marché du pays tiers d'importation ..." ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cas de restitutions différenciées, il appartient à l'exportateur, lorsqu'il existe des doutes sérieux quant à la destination réelle des produits, de prouver que les marchandises ont été importées dans le pays ouvrant droit à restitution ; qu'ainsi, dans l'hypothèse où une partie des marchandises appartenant à des exportateurs différents n'arrive pas à destination, il appartient à ceux-ci d'établir les quantités de marchandises leur incombant respectivement qui sont arrivées à destination et celles qui n'ont pas été importées ; que dès lors, faute pour les sociétés Socinter-Socopa international et CED Viandes d'établir la part des 356 tonnes leur appartenant respectivement et ayant donné lieu à une restitution, l'OFIVAL est fondé à réclamer les restitutions qu'il estime indues en calculant la part de chacune des sociétés dans les marchandises non arrivées à destination au prorata des tonnages initiaux de chacune d'elles, après déduction des tonnages n'ayant pas ouvert droit à restitution, et en appliquant à cette part le taux moyen de restitution applicable à l'ensemble du tonnage ; que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Paris, un tel mode de calcul, s'il revêt nécessairement un caractère forfaitaire, ne crée aucune solidarité entre les deux sociétés dès lors que chacune d'entre elles s'est vu réclamer, par un titre exécutoire propre, un montant de restitution distinct ;
Considérant par suite que l'OFIVAL est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les états exécutoires émis le 6 septembre 1994, au motif que l'OFIVAL ne pouvait procéder à un calcul forfaitaire des restitutions indues ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par la société Socinter-Socopa et par la société CED Viandes tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation des titres exécutoires litigieux :
Considérant que les états exécutoires en date du 6 septembre 1994 émis par l'OFIVAL à l'encontre des sociétés Socinter-Socopa international et CED Viandes indiquent que la restitution des sommes respectives de 2.848.788,74 F et 1.018.381,16 F est demandée pour le motif de "non respect de l'obligation de mise à la consommation dans le pays tiers et dans le délai prévu" ; qu'ils sont accompagnés des modalités de calcul de l'indu et d'une lettre du même jour expliquant les raisons de la remise en cause des restitutions et comportant les références des procès-verbaux à l'origine de la demande de remboursement ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces états exécutoires manque en fait ;
Au fond :
Sur la prescription qui atteindrait la créance litigieuse :
Considérant qu'aux termes de l'article 354 du code des douanes : "L'administration des douanes est non recevable à former aucune demande en paiement de droits, trois ans après que lesdits droits auraient dû être payés" ;

Considérant que la créance litigieuse représente des sommes que l'OFIVAL a versées aux sociétés Socinter-Socopa international et CED Viandes à titre de restitutions pour des exportations de viande bovine et qu'il entend recouvrer en vertu de la répétition de l'indu ; que, contrairement à ce que soutiennent ces deux sociétés, dès lors que les sommes en litige ne constituent pas des droits de douane, et alors même que les états exécutoires ont pour fondement un procès-verbal établi par la direction générale des douanes et droits indirects, la prescription triennale prévue à l'article 354 du code des douanes précité ne saurait atteindre la créance de l'OFIVAL, laquelle n'est pas soumise davantage à une autre prescription spéciale ; que, dans ces conditions, ladite créance est soumise à la prescription trentenaire de droit commun de l'article 2262 du code civil et que, à la date où les états exécutoires ont été émis, cette créance n'était en tout état de cause, pas prescrite ;
Sur le bien-fondé des états exécutoires :
Considérant qu'aux termes de l'article 18 du règlement n 3665/87 du 27 novembre 1987 de la commission des communautés européennes modifié : "1. La preuve de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation est apportée au choix de l'exportateur par la production de l'un des documents suivants : a) document douanier ou sa copie ou photocopie ; cette copie ou photocopie doit être certifiée conforme, soit par l'organisme qui a visé le document original, soit par les services officiels du pays tiers concerné, soit par les services officiels d'un des Etats membres dans le pays tiers concernés, soit par un organisme chargé du paiement de la restitution ; b) attestation de déchargement et de mise à la consommation établie par une société spécialisée sur le plan international en matière de contrôle et de surveillance et agréée par la Commission selon la procédure visée au paragraphe 4. La date et le numéro du document douanier de mise à la consommation doivent figurer sur l'attestation concernée. 2. Si l'exportateur ne peut obtenir le document choisi conformément au paragraphe 1 points a) ou b) après avoir effectué les démarches appropriées pour obtenir ce document ou s'il existe des doutes sur l'authenticité du document apporté, la preuve de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation peut-être considérée comme apportée par la production de l'un ou de plusieurs des documents suivants : a) copie du document de déchargement émis ou visé dans le pays tiers ou dans l'un des pays tiers pour lesquels la restitution est prévue ; b) attestation de déchargement délivrée par un service officiel d'un des Etats membres établis dans, ou compétent pour, le pays de destination, certifiant, en outre, que le produit a quitté la zone portuaire ou au moins que, à sa connaissance, le produit n'a pas fait l'objet d'un chargement consécutif en vue d'une réexportation ..." ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sociétés Socinter-Socopa international et CED Viandes n'ont pu fournir les documents douaniers prouvant la mise à la consommation des marchandises litigieuses prévus aux a) et b) du 1. de l'article 18 précité du règlement n 3665/87 du 27 novembre 1987 ; qu'elles ont produit, comme le prévoit le b du 2 du même article, une attestation d'arrivée des marchandises, établie par le conseiller commercial à l'ambassade de France à Bagdad, en date du 11 juillet 1989, qui porte sur un total de 1.905,536 tonnes de viande ainsi que les lettres de l'union des banques arabes et françaises en date du 27 juillet 1989 faisant état du paiement d'une quantité de 1.905,541 tonnes ; que toutefois, les procès-verbaux d'infraction établis par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects les 8 novembre 1993 et 2 décembre 1993, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, indiquent que les 356 tonnes litigieuses n'ont pas été mises à la consommation en Irak dans le délai réglementaire d'un an ; que par suite, dès lors que ces procès-verbaux font peser des doutes sérieux sur la mise à la consommation des marchandises litigieuses, les sociétés exportatives pouvaient se voir réclamer, en vertu de l'article 5 du règlement n 3665/87 cité ci-dessus, des preuves supplémentaires de nature à démontrer que les 356 tonnes de viandes avaient été effectivement importés en Irak ; que faute pour ces sociétés d'apporter de telles preuves, elles ne peuvent se prévaloir d'aucun droit à restitution à raison de ce tonnage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'OFIVAL est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les états exécutoires émis le 6 septembre 1994 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que dès lors que les sociétés Socinter-Socopa International et CED Viandes succombent dans la présente instance, leurs conclusions tendant à la condamnation de l'OFIVAL à leur verser une somme en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Socinter-Socopa International et la société CED Viandes à verser chacune la somme de 4.000 F à l'OFIVAL ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 15 mai 1996 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par la société Socinter-Socopa International et la société CED Viandes devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.
Article 3 : Les sociétés Socinter-Socopa international et CED Viandes verseront chacune la somme de 4.000 F à l'OFIVAL en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA00076
Date de la décision : 02/02/1999
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative

Analyses

15-08,RJ1 COMMUNAUTES EUROPEENNES - LITIGES RELATIFS AU VERSEMENT D'AIDES COMMUNAUTAIRES -Restitutions à l'exportation différenciées (articles 16 et 5 du règlement n° 3665/87 du 27 novembre 1987 de la Commission des Communautés européennes) - Remboursement de restitutions indues - Modalités.

15-08 Il résulte des dispositions des articles 16 et 5 du règlement n° 3665/87 du 27 novembre 1987 de la Commission des Communautés européennes qu'en cas de restitutions différenciées, il appartient à l'exportateur, lorsqu'il existe des doutes sérieux quant à la destination réelle des produits, de prouver que les marchandises ont été importées dans le pays ouvrant droit à restitution. Dans l'hypothèse où une partie des marchandises faisant l'objet d'une même opération mais appartenant à des exportateurs différents n'arrive pas à destination, il appartient à ceux-ci d'établir les quantités de leurs marchandises respectives qui sont arrivées à destination et celles qui n'ont pas été importées. Faute pour eux d'établir les parts leur incombant respectivement, l'Ofival est fondé à réclamer les restitutions qu'il estime indues en calculant la part de chaque société dans les marchandises non arrivées à destination au prorata des tonnages initiaux de chacune d'elles, après déduction des tonnages n'ayant pas ouvert droit à restitution, en appliquant à cette part le taux moyen de restitution applicable à l'ensemble du tonnage (1).


Références :

Code civil 2262
Code des douanes 354
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1

1. Voir CE, 2001-05-11, Société CED Viandes et autres, n° 206925, à mentionner aux tables sur un autre point


Composition du Tribunal
Président : M. Marlier
Rapporteur ?: Mme Massias
Rapporteur public ?: Mme Phémolant

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-02-02;97pa00076 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award