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19/01/1999 | FRANCE | N°97PA00067

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 19 janvier 1999, 97PA00067


(2ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 janvier 1997, présentée par le président du Gouvernement de la Polynésie Française ; le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 95-02329 en date du 24 septembre 1996 du tribunal administratif de Papeete par lequel il a été accordé à la société civile immobilière Vaetua la réduction à un montant de 218.000 F CFP de la pénalité fiscale qui a été mise à sa charge au titre des droits complémentaires de l'impôt foncier sur les propriétés bâties au

xquels elle a été assujettie pour l'année 1994 ;
2 ) de décider que les pénalités...

(2ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 janvier 1997, présentée par le président du Gouvernement de la Polynésie Française ; le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 95-02329 en date du 24 septembre 1996 du tribunal administratif de Papeete par lequel il a été accordé à la société civile immobilière Vaetua la réduction à un montant de 218.000 F CFP de la pénalité fiscale qui a été mise à sa charge au titre des droits complémentaires de l'impôt foncier sur les propriétés bâties auxquels elle a été assujettie pour l'année 1994 ;
2 ) de décider que les pénalités litigieuses soient intégralement remises à la charge de la société civile immobilière Vaetua ;
VU les autres pièces du dossier ;
C+ VU la loi n 84-820 du 6 septembre 1984 modifiée portant statut du territoire de la Polynésie Française ;
VU la loi organique n 95-173 du 20 février 1995 ;
VU la loi organique n 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie Française, modifiée ;
VU le code des impôts directs de la Polynésie Française ;
VU la délibération n 95-124 AT du 24 août 1995 portant modification du code des impôts directs ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 1999 :
- le rapport de Mme BRIN, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société civile immobilière Vaetua a été assujettie, au titre de l'année 1994, à raison de la propriété d'un immeuble qu'elle loue à la société à responsabilité limitée Supermarché Paea, à des droits supplémentaires d'impôt foncier sur les propriétés bâties qui ont été assortis de pénalités s'élevant à la somme de 435.375 F CFP ; que le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE fait appel du jugement en date du 24 septembre 1996 du tribunal administratif de Papeete, en tant qu'il a réduit le montant desdites pénalités à 218.000 F CFP et conclut à ce qu'elles soient remises intégralement à la charge de la contribuable ; que la société civile immobilière Vaetua, par la voie du recours incident, demande à la cour de lui accorder la décharge totale des droits et pénalités qui lui ont été assignés ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 100 de la loi susvisée du 6 septembre 1984, reprises, à la suite de l'entrée en vigueur de l'article 11 de la loi n 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie Française, à l'article L.2-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en cas d'absence ou d'empêchement de l'un de ses membres, le tribunal administratif de Papeete peut valablement siéger par l'adjonction d'un magistrat de l'ordre judiciaire du ressort de la cour d'appel de Papeete ;
Considérant qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué qu'au cours de la séance où il a été délibéré et adopté, le tribunal administratif de Papeete avait été complété par l'adjonction d'un magistrat de l'ordre judiciaire ; que ledit jugement ne mentionne cependant pas que ce magistrat relevait du ressort de la cour d'appel de Papeete ; qu'ainsi il ne porte pas en lui-même la preuve de sa régularité ; que, par suite, la société civile immobilière Vaetua est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande formée par la société civile immobilière Vaetua devant le tribunal administratif ;
Sur le bien-fondé des redressements :

Considérant qu'aux termes de l'article 22, section III, division II du code des impôts directs de la Polynésie Française dans sa rédaction applicable à l'année 1994 : "L'impôt foncier est établi annuellement sur les propriétés bâties sises dans le territoire ..." ; qu'aux termes de l'article 34, section III, division II du même code : "L'impôt sur la propriété bâtie est dû pour l'année entière en fonction des faits existant au 1er janvier ..." ; que l'article 26, section III, division II dudit code dispose : "Les propriétaires sont tenus de signaler au service des contributions les changements de caractéristiques physiques (aménagements intérieurs ou extérieurs) ainsi que les modifications de valeur locative de leurs immeubles bâtis, dans les soixante jours de leur réalisation, dès lors que ceux-ci sont susceptibles d'entraîner une augmentation de valeur locative d'au moins 10 %. A cet effet, ils doivent souscrire une déclaration ..." ; qu'aux termes de l'article 27, section III, division II : "La contribution foncière des propriétés bâties est réglée en raison de leur valeur locative" et que selon le 4ème alinéa de l'article 29, section III, division II : "La valeur locative est déterminée au moyen des baux authentiques ou des locations verbales ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société civile immobilière Vaetua a déclaré au service des contributions directes, le 30 décembre 1994, que le loyer de l'immeuble dont elle est propriétaire à Paea "a été porté à compter du 1er janvier 1994 à 12.000.000 F CFP par an, soit une augmentation dépassant 20 % par rapport au revenu ayant servi de base d'imposition pour l'année en cours" ; que, dès lors qu'en vertu du principe de l'annualité de l'impôt sur la propriété bâtie posé par l'article 34, section III, division II précité du code territorial des impôts, la société civile immobilière était au titre de l'année 1994 imposable d'après la valeur locative de l'immeuble au 1er janvier de ladite année, l'administration fiscale était en droit de retenir cette valeur, telle que déclarée par son propriétaire, et de procéder, par voie de rôle complémentaire, au rappel d'impôt correspondant à l'augmentation de loyer survenue à compter du 1er janvier 1994 ; que, par suite, la société civile immobilière Vaetua n'est pas fondée à demander la décharge de l'imposition complémentaire à laquelle elle a été assujettie ;
Sur les pénalités :
Considérant que selon les dispositions de l'article 26, section III, division II du code des impôts directs de la Polynésie Française dans leur rédaction applicable en l'espèce, reprise à l'article 224-1 du même code, le dépôt par les propriétaires de la déclaration des modifications de valeur locative de leurs immeubles bâtis au-delà du délai prévu des soixante jours suivant leur réalisation, est sanctionné par une amende fiscale égale " ... à 50 % du montant de l'impôt compromis lorsque la déclaration est déposée au-delà de soixante jours de la date limite de dépôt" ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas des dispositions combinées des articles 2, 3-13 , 62, 64 et 65 dans leur rédaction en l'espèce applicable, de la loi n 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynesie francaise que le législateur ait entendu limiter la compétence en matière d'assiette, de taux et de modalités de recouvrement des impositions qu'il y attribue, puisqu'elle n'est pas réservée à l'Etat, à l'assemblée territoriale, ni au regard de la possibilité d'édicter des sanctions fiscales, ni en interdisant que le montant de ces dernières dépasse celui fixé pour la limite supérieure des amendes pour contravention par l'article 466 du code pénal, l'article 64 susmentionné, qui prescrit une telle limitation, n'étant relatif qu'à la matière du droit pénal ; que, par suite, la société civile immobilière Vaetua qui ne conteste pas avoir déposé tardivement sa déclaration, n'est pas fondée à soutenir que les pénalités d'un montant de 435.375 F CFP qui lui ont été infligées seraient illégales en ce qu'elles dépassent le maximum autorisé par l'article 64 précité, soit 218.000 F CFP ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu par la contribuable, il ressort des pièces du dossier que les pénalités sont suffisamment motivées dans la notification de redressements du 6 janvier 1995 ;
Considérant, en troisième lieu, que la société civile immobilière a été mise à même de présenter ses observations sur l'amende que l'administration envisageait de mettre à sa charge ;

Considérant, en quatrième lieu, que le taux de majoration des droits éludés de 50 % prévu par les auteurs des dispositions de l'article 26, section III, division II du code territorial des impôts n'excédait pas celui nécessaire pour atteindre le but en vue duquel ladite pénalité a été instituée ;
Mais, considérant, en cinquième lieu, qu'en vertu de l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen : "La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires" ; que découle de ce principe la règle selon laquelle la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prévoit des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux auteurs d'infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ; que cette règle, même si le législateur a laissé le soin de les établir et de les prononcer à l'autorité administrative, s'applique aux majorations de droits pour défaut ou retard de déclaration prévues par les dispositions précitées du code des impôts directs de la Polynésie Française, dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation d'un préjudice pécuniaire ; que, d'autre part, si, par l'effet de la délibération n 95-124 AT du 24 août 1995 de l'Assemblée territoriale, les dispositions spécifiquement relatives aux déclarations en matière d'impôt foncier sur les propriétés bâties ont été modifiées ou abrogées, il résulte des termes de l'article 511-4 du code territorial des impôts directs dans sa rédaction issue de ladite délibération et aujourd'hui en vigueur que : "1- Lorsqu'une personne physique ... tenue de souscrire une déclaration comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts prévu par le code des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de la déposer dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration déposée tardivement est assorti de l'intérêt de retard de l'article 511-1 et d'une majoration de 10 %" ; qu'en vertu du principe susrappelé, il y a lieu d'appliquer à la société civile immobilière Vaetua les seules dispositions précitées de l'article 511-4-1 ) du code territorial des impôts directs qui instituent une sanction plus douce que celles qui étaient prévues par les dispositions antérieurement en vigueur, en ne prenant en compte que la majoration prévue par le nouveau texte en cas de défaut de déclaration ou de retard dans le dépôt de celle-ci à l'exclusion des intérêts de retard qui n'ont pas le caractère d'une sanction mais celui d'une réparation d'un préjudice pécuniaire subi par le Trésor ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'accorder à la société civile immobilière Vaetua le dégrèvement des majorations qui ont été appliquées aux droits d'impôt foncier sur les propriétés bâties auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1994 à proportion de la différence entre le montant de celles qui ont été assignées et celui qui résulte, en vertu de l'article 511-4-1 ) du code territorial des impôts dans sa rédaction issue de la délibération n 95-124 AT du 24 août 1995, de l'application du taux de 10 % ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives
d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la société civile immobilière Vaetua ;
Article 1er : Le jugement n 95-02329, en date du 24 septembre 1996, du tribunal administratif de Papeete est annulé.
Article 2 : La pénalité mise à la charge de la société civile immobilière Vaetua, au titre de l'année 1994, pour déclaration tardive de modification de valeur locative, est calculée, conformément aux dispositions de l'article 511-4-1) du code territorial des impôts directs telles qu'elles résultent de la délibération n 95-124-AT du 24 août 1995, au taux de 10 %.
Article 3 : Il est accordé à la société civile immobilière Vaetua la décharge de la différence entre le montant des pénalités qui lui ont été assignées et celui résultant de l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et des conclusions de recours incident de la société civile immobilière Vaetua est rejeté.
Article 5 : La requête du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA00067
Date de la décision : 19/01/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

54-06-03 PROCEDURE - JUGEMENTS - COMPOSITION DE LA JURIDICTION


Références :

Code pénal 466, 511-4
Loi 84-820 du 06 septembre 1984 art. 100
Loi 96-313 du 12 avril 1996 art. 11


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme BRIN
Rapporteur public ?: Mme KIMMERLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-01-19;97pa00067 ?
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