VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 25 avril et 26 septembre 1995, présentés pour la VILLE DE PARIS, dûment représentée par son maire en exercice, par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la VILLE DE PARIS demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9111014/7 et 9111015/7 du 23 février 1995 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a, par son article 2, à la demande du syndicat des copropriétaires du ... et de M. Gabriel de X..., annulé l'arrêté du 30 août 1991 par lequel le maire a délivré à l'association foncière urbaine libre Bellechasse Villersexel un permis de construire en vue de la réhabilitation et de la modification des façades de deux immeubles sis ... ;
2 ) de rejeter les conclusions du syndicat susnommé et de M. de X... dirigées contre ce permis ; la VILLE DE PARIS soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, qu'il est entaché d'erreur d'appréciation en ce que les travaux litigieux n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L.313-3 relatif aux secteurs sauvegardés et ne sont pas non plus des travaux de restauration immobilière ; que le jugement attaqué est également entaché d'erreur de droit dès lors que l'autorisation préfectorale prévue à l'article R.313-25 du code de l'urbanisme n'est pas exclusive de la délivrance d'un permis de construire par le maire dans une commune où existe un plan d'occupation des sols approuvé ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 1998 :
- le rapport de Mme MILLE, premier conseiller,
- les observations du cabinet Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la VILLE DE PARIS,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que par le jugement attaqué du 23 février 1995, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, rejeté la demande du syndicat des copropriétaires du ... et de M. de X..., tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 1991 par lequel le préfet de Paris a autorisé l'association foncière urbaine libre Bellechasse Villersexel à affecter à un usage commercial la loge de gardien de l'immeuble sis ... et, d'autre part, annulé l'arrêté du 30 août 1991 du maire de Paris délivrant à cette association un permis de construire pour la réhabilitation des rez-de-chaussée, 1er, 2ème, 3ème et 4ème étages dudit immeuble qui est situé dans le secteur sauvegardé du 7ème arrondissement, doté d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur opposable aux tiers depuis le 29 juillet 1991, date de publication au Journal officiel du décret du 26 juillet 1991 portant approbation de ce plan ; que la VILLE DE PARIS fait appel de ce jugement en tant que, par l'article 2, le tribunal a annulé l'arrêté du 30 août 1991 ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la VILLE DE PARIS, les premiers juges ont justifié leur affirmation selon laquelle les travaux envisagés conduisaient à une transformation complète de l'immeuble en précisant qu'ils impliquaient la "reconstruction des circulations verticales et la modification des façades" ; que le jugement est ainsi suffisamment motivé ;
Sur la légalité de l'arrêté du 30 août 1991 :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.313-2 du code de l'urbanisme : "A compter de la décision administrative ou du décret en Conseil d'Etat délimitant un secteur sauvegardé, tout travail ayant pour effet de modifier l'état des immeubles est soumis soit à autorisation dans les conditions et formes prévues pour le permis de construire, soit à autorisation spéciale pour les travaux qui ne ressortissent pas au permis de construire. Cette autorisation ne peut être délivrée que si les travaux sont compatibles avec le plan de sauvegarde et de mise en valeur" ; et qu'aux termes de l'article L.421-2-1 dudit code : "Dans les communes où un plan d'occupation des sols a été approuvé, le permis est délivré par le maire au nom de la commune ... Le transfert de compétence au maire agissant au nom de la commune est définitif ... Sont toutefois délivrés ou établis au nom de l'Etat par le maire ou le représentant de l'Etat dans le département, après avis du maire ou du président de l'établissement public compétent, les autorisations ou actes relatifs à l'utilisation et à l'occupation du sol concernant : a) Les constructions, installations ou travaux réalisés pour le compte de l'Etat, de la région, du département, de leurs établissements publics et concessionnaires ainsi que pour le compte d'Etats étrangers ou d'organisations internationales ; b) Les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie, ainsi que ceux utilisant des matières radioactives ; un décret en Conseil d'Etat détermine la nature et l'importance de ces ouvrages ; c) Les constructions, installations ou travaux réalisés à l'intérieur des périmètres des opérations d'intérêt national dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat". ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.313-3 du même code : "Les opérations de conservation, de restauration et de mise en valeur des secteurs sauvegardés peuvent être menées soit à l'initiative des collectivités publiques, soit à l'initiative d'un ou plusieurs propriétaires groupés ou non en association syndicale. Dans ce dernier cas, ce ou ces propriétaires y sont spécialement autorisés dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat qui précise notamment les engagements exigés d'eux quant à la nature et à l'importance des travaux". ; qu'aux termes de l'article R.313-25 dudit code : "L'autorisation de procéder aux opérations définies aux articles L.313-3 et L.313-4 est délivrée par le préfet. Cette autorisation doit toujours être expresse. La demande est instruite dans les formes et délais prescrits pour le permis de construire. Le cas échéant, il est également fait application des articles R.313-13 et R.313-19-2 ; et qu'aux termes de l'article R.313-30 dudit code : "L'autorisation spéciale vaut, s'il y a lieu, permis de construire. Il en est fait mention dans la décision d'autorisation" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que nonobstant l'autorisation spéciale délivrée par le préfet pour les opérations de restauration des secteurs sauvegardés prévue par l'article L.313-3 précité, les travaux effectués à ce titre et entrant dans le champ d'application de l'article L.421-1 dudit code de l'urbanisme doivent faire l'objet d'un permis de construire délivré par le maire au nom de la commune lorsqu'un plan d'occupation des sols y a été approuvé dès lors que ces travaux ne figurent pas au nombre des exceptions précitées de l'article L.421-2-1 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'en l'espèce, la VILLE DE PARIS étant dotée d'un plan d'occupation des sols approuvé, le maire de Paris était compétent pour délivrer le permis de construire sollicité, nonobstant la circonstance que les travaux en cause se seraient intégrés dans une opération relevant de l'autorisation spéciale prévue par l'article L.313-3 précité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif tiré de l'incompétence du maire de Paris pour annuler l'arrêté susmentionné du 30 août 1991 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le syndicat des copropriétaires du ... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que le permis de construire litigieux a été accordé à l'association foncière urbaine libre Bellechasse Villersexel qui était représentée par la société Laubel développement chargée, comme le permet l'article L.322-4-1, 1er alinéa du code de l'urbanisme, d'assister ladite association ;
Considérant que contrairement à ce que soutiennent les requérants de première instance, le permis de construire n'a pas été accordé en application de l'arrêté susmentionné du 20 juin 1991 qui relève de la législation relative aux modalités d'affectation des locaux, laquelle est indépendante de la législation de l'urbanisme ;
Considérant que si les requérants de première instance soutiennent que les plans déposés à l'appui de la demande de permis de construire étaient insuffisamment précis, ils ne fournissent aucun élément de nature à établir le bien-fondé de cette allégation ;
Considérant que si, en s'appuyant sur l'article R.313-27 du code de l'urbanisme, les demandeurs de première instance soutiennent que seuls les travaux définis par le plan de sauvegarde et de mise en valeur peuvent faire l'objet d'une autorisation spéciale, un tel moyen est inopérant en tant qu'il est soulevé à l'encontre du permis de construire litigieux ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la VILLE DE PARIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 août 1991 susvisé ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions du syndicat des copropriétaires du ... tendant à ce que la VILLE DE PARIS soit condamnée à leur verser, sur le fondement de ces dispositions, une somme au titre des frais qu'ils ont exposés ;
Article 1er : Le jugement du 23 février 1995 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le syndicat des copropriétaires du ... est rejetée.