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18/06/1998 | FRANCE | N°96PA02524

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 18 juin 1998, 96PA02524


(3ème chambre)
VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 28 août 1996, présentée pour Mme Y... GAY, demeurant ..., et pour le SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS DES YVELINES dont le siège se trouve ..., par Me Z..., avocat ; Mme X... et le SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS DES YVELINES demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 1er mars 1996 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la

formation professionnelle prise le 9 juin 1994 et accordant l'au...

(3ème chambre)
VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 28 août 1996, présentée pour Mme Y... GAY, demeurant ..., et pour le SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS DES YVELINES dont le siège se trouve ..., par Me Z..., avocat ; Mme X... et le SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS DES YVELINES demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 1er mars 1996 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle prise le 9 juin 1994 et accordant l'autorisation de licencier Mme X... ;
2 ) d'annuler cette dernière décision ;
3 ) d'allouer à Mme X..., d'une part, et au SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS DES YVELINES, d'autre part, une somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code du travail ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 1998 :
- le rapport de M. SIMONI, président,
- les observations de la SCP LACHAUD-LEPANY-SERRES, avocat, pour Mme X... et le SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS DES YVELINES,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que Mme X..., déléguée du personnel et membre du comité d'entreprise de la banque Franco-Portugaise a perçu de façon simultanée, pour la période du 28 février au 24 mars 1992 pendant laquelle elle se trouvait en congé de maladie, le salaire versé par son employeur et les indemnités journalières allouées par la caisse de sécurité sociale ; qu'après avoir vainement demandé à Mme X... à plusieurs reprises de lui reverser les sommes perçues de la sécurité sociale, la banque Franco-Portugaise a sollicité de l'administration une autorisation de licencier l'intéressée pour faute ; que cette autorisation a été accordée par décision du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 9 juin 1994 ; que, par le jugement attaqué le tribunal administratif a rejeté les conclusions de Mme X... et du SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS DES YVELINES dirigées contre cette décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.54 du même code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les litiges relatifs aux législations régissant ... la réglementation du travail, ainsi que la protection ou la représentation des salariés ... relèvent, lorsque la décision attaquée n'a pas un caractère réglementaire, de la compétence du tribunal dans le ressort duquel se trouve ... l'établissement ou l'exploitation dont l'activité est à l'origine du litige" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'agence de Trappes de la banque Franco-Portugaise où était employée Mme X... ne pouvait, eu égard à son manque d'autonomie par rapport au siège social, être regardée comme constituant un établissement aux sens des dispositions précitées ; qu'il est constant que le courrier par lequel l'intéressée a été convoquée à l'entretien préalable, ceux par lesquels ont été demandées, à l'inspecteur du travail, l'autorisation de procéder au licenciement puis, au ministre, l'annulation du refus opposé par l'inspecteur du travail et, enfin, celui par lequel le licenciement a été notifié, ont été signés par le secrétaire général ou un directeur de la banque Franco-Portugaise et portaient tous l'entête du siège social de l'entreprise, situé à Paris ; que, par suite, le tribunal administratif de Versailles n'était pas compétent pour connaître du litige né des décisions administratives relatives à la demande de la banque Franco-Portugaise de licencier Mme X... ;
Considérant qu'il y a lieu, pour la cour administrative d'appel de Paris, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme X... dont le jugement avait été attribué au tribunal administratif de Versailles ;
Sur la légalité externe de la décision du ministre en date du 9 juin 1994 :
Considérant, en premier lieu, que le ministre ayant, sur recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail, le moyen tiré de l'incompétence territoriale de celui-ci est, en tout état de cause, inopérant à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre ;
Considérant, en deuxième lieu, que, faute pour l'inspecteur du travail d'avoir fait état, dans sa décision, d'un motif d'intérêt général de nature à justifier le maintien de Mme X... dans son emploi, il n'appartenait nullement au ministre de se prononcer sur l'existence d'un tel motif ; que, par suite, la décision attaquée, qui comporte l'énoncé complet des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;
Considérant, en troisième lieu, que l'ordre du jour de la réunion du comité d'entreprise du 9 novembre 1994, au cours de laquelle devait être formulé un avis sur le projet de licenciement de Mme X..., a été diffusé aux membres du comité le 4 novembre, soit plus de trois jours avant la tenue de la séance, intervalle minimum imposé par les dispositions de l'article L.434-3 du code du travail ; qu'ayant été informée le 29 octobre 1993, à l'occasion d'un entretien préalable, de l'intention de la direction de demander son licenciement et des motifs de celui-ci, l'intéressée a disposé d'un délai suffisant pour préparer son audition par le comité d'entreprise, qui, ainsi qu'il a été dit, a eu lieu le 9 novembre suivant ;

Considérant enfin, qu'à supposer, comme le soutient la requérante, que certains documents, favorables à ses positions, n'aient pas été soumis aux membres du comité d'entreprise, cette circonstance reste sans effet sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que le comité d'entreprise a émis un avis défavorable à son licenciement ; qu'ainsi, les moyens articulés par Mme X... à l'encontre de la régularité de la procédure qui a précédé son licenciement doivent être écartés ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., après avoir sciemment nié la réalité, à volontairement et sans motif sérieux retardé le remboursement à son employeur de la somme indûment perçue par elle de la sécurité sociale ; qu'elle n'a ainsi consenti que le 27 mai 1994 à procéder au remboursement de cette somme qui était en sa possession depuis le 2 juillet 1992 ; qu'alors même que la banque aurait disposé de la faculté, qu'elle n'a pas utilisée, d'être subrogée dans les droits détenus par Mme X... à l'égard de la sécurité sociale, un tel comportement est constitutif d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier à elle seule la décision de licencier l'intéressée ;
Considérant que si, aux termes de l'article L.124-44 du code du travail, "Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales", ces dispositions ne sont pas de nature à faire regarder comme tardives les poursuites disciplinaires engagées à l'encontre de Mme X..., dès lors que le comportement fautif de l'intéressée s'est, en l'espèce, prolongé pendant toute la période où, malgré les efforts répétés de l'employeur pour obtenir le remboursement de la somme qui lui était due, Mme X... s'est, jusqu'au 27 mai 1994, soustraite de son obligation ;
Considérant qu'il n'est pas établi que le licenciement de Mme X... ait été en rapport avec l'exercice de ses mandats de déléguée du personnel et de membre du comité d'entreprise ;
Considérant qu'il résulte des développements ci-dessus que Mme X... et le SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS DES YVELINES ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'aux termes de cet article : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ..." ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des requérants tendant au bénéfice de ces dispositions et de condamner solidairement Mme X... et le SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS DES YVELINES au versement, à la banque Franco-Portugaise, d'une somme de 10.000 F en remboursement des frais exposés par cet établissement et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 1er mars 1996 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme X... et le SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS DES YVELINES, soumise en première instance au tribunal administratif de Versailles, est rejetée.
Article 3 : Mme X... et le SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS DES YVELINES sont condamnés solidairement à payer une somme de 10.000 F à la banque Franco-Portugaise, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA02524
Date de la décision : 18/06/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - MODALITES DE DELIVRANCE OU DE REFUS DE L'AUTORISATION - AUTORITE COMPETENTE.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR FAUTE - EXISTENCE D'UNE FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code du travail L434-3, L124-44


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. SIMONI
Rapporteur public ?: Mme HEERS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-06-18;96pa02524 ?
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