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19/05/1998 | FRANCE | N°96PA00537

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 19 mai 1998, 96PA00537


(1ère Chambre)
VU la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour le 19 février et le 21 mai 1996, présentés pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire en exercice, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la VILLE DE PARIS demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 8705428/7 en date du 29 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 27.887.550,26 F, outre les intérêts et les intérêts des intérêts, en réparation du p

réjudice qu'elle estime avoir subi du fait, d'une part, de l'intervention ...

(1ère Chambre)
VU la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la cour le 19 février et le 21 mai 1996, présentés pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire en exercice, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la VILLE DE PARIS demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 8705428/7 en date du 29 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 27.887.550,26 F, outre les intérêts et les intérêts des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait, d'une part, de l'intervention du décret du 18 mars 1981 prononçant le classement du site formé par le marché Saint-Germain et les rues adjacentes et, d'autre part, de l'illégalité du permis de construire délivré pour la reconstruction du marché le 17 mai 1976 ;
2 ) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3 ) d'ordonner la capitalisation des intérêts ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi du 2 mai 1930 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 1998 :
- le rapport de M. LEVASSEUR, premier conseiller,
- les observations du cabinet X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la VILLE DE PARIS,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté du 17 mai 1976, le préfet de Paris a délivré à la VILLE DE PARIS un permis de construire un ensemble immobilier sur l'emplacement du marché Saint-Germain, dans le sixième arrondissement ; que, par un décret du 18 mars 1981, le site du marché Saint-Germain et des rues qui l'entourent a été classé, sur le fondement de la loi susvisée du 2 mai 1930, parmi les sites pittoresques du 6ème arrondissement de Paris et que, par un jugement du 29 juin 1982 confirmé par un arrêt du Conseil d'Etat du 24 septembre 1990, le tribunal administratif de Paris a annulé le permis de construire du 17 mai 1976 ; que la VILLE DE PARIS fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait, d'une part, de l'intervention du décret du 18 mars 1981 et, d'autre part, de l'illégalité dudit permis de construire ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les premiers juges ont estimé que l'indemnité de 860.000 F versée par la VILLE DE PARIS aux concepteurs de l'ensemble immobilier du marché Saint-Germain n'était pas la conséquence de l'illégalité du permis de construire délivré en 1976 mais celle, notamment, de l'intervention du décret de classement du 18 mars 1981 ; qu'il s'en déduit sans ambiguïté qu'ils ont regardé ladite intervention comme la cause essentielle du préjudice invoqué et qu'ils ont exclu tout lien de causalité avec l'illégalité du permis de construire ; qu'il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir, en se prévalant de la seule circonstance que le jugement attaqué n'a pas énoncé de manière exhaustive l'ensemble des autres raisons pour lesquelles les missions des concepteurs ont été limitées, que ledit jugement serait entaché d'une insuffisance de motivation ;
Sur la responsabilité sans faute de l'Etat à raison du décret du 18 mars 1981 :
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la loi susvisée du 2 mai 1930 et, en particulier, de ses articles 6, 7 et 8, que le législateur a entendu réserver aux seules personnes de droit privé l'indemnisation des servitudes résultant des mesures de protection des sites prises en application de cette loi et exclure, en conséquence, les collectivités publiques de toute indemnisation sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'Etat ; que, dès lors, les conclusions de la requête de la VILLE DE PARIS, tendant à l'octroi d'une indemnité en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la rupture d'égalité entre usagers du service public en raison de l'intervention du décret du 18 mars 1981, dont le juge administratif est seul compétent pour en connaître, ne sauraient être accueillies ;
Sur la responsabilité sans faute de l'Etat à raison de la délivrance du permis de construire du 17 mai 1976 :

Considérant que la VILLE DE PARIS soutient qu'elle a subi, du fait de l'illégalité du permis de construire qui lui a été délivré le 17 mai 1976 par le préfet de Paris, un préjudice constitué par les retards des travaux de superstructure et le surcoût des travaux d'infrastructure ainsi que par le coût du transfert des commerces du marché alimentaire ;
En ce qui concerne les retards des travaux de superstructure et le surcoût des travaux d'infrastructure :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 9 de la loi du 2 mai 1930 : "A compter du jour où l'administration des affaires culturelles notifie au propriétaire d'un monument naturel ou d'un site son intention d'en poursuivre le classement, aucune modification ne peut être apportée à l'état des lieux ou à leur aspect pendant un délai de douze mois sauf autorisation spéciale du ministre des affaires culturelles ..." et qu'aux termes de l'article 12 de la même loi : "Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits, ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale du ministre des affaires culturelles ..." ; qu'ainsi, après que le ministre de l'environnement a notifié au maire de Paris par une lettre en date du 7 octobre 1979 son intention de poursuivre le classement du site du marché Saint-Germain puis après l'intervention du décret de classement du 18 mars 1981, la VILLE DE PARIS ne pouvait, sans autorisation spéciale du ministre, exécuter les travaux autorisés par le permis de construire du 17 mars 1976 ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la VILLE DE PARIS ait obtenu une autorisation spéciale du ministre pour la construction des superstructures de l'ensemble immobilier pour lequel elle avait obtenu le permis de construire du 17 mai 1976 ; qu'elle ne pouvait, en conséquence, en poursuivre l'exécution ; que, par suite, le caractère illégal dudit permis est, en tout état de cause, sans incidence sur les retards de chantiers que la VILLE DE PARIS a, ultérieurement, indemnisés par voie de transaction et dont elle demande réparation à l'Etat ;
Considérant, en second lieu, que c'est en raison de l'interruption de la construction de ces superstructures qu'il a été nécessaire, d'une part, de procéder à d'importantes modifications des travaux initialement envisagés en sous-sol et, d'autre part, de réaliser des travaux d'étanchéité de la dalle de surface ; qu'il suit de là que le préjudice constitué par le surcoût ainsi généré ne peut être regardé comme la conséquence directe de l'illégalité du permis de construire du 17 mai 1976 ;
En ce qui concerne le coût du transfert des commerces du marché alimentaire :

Considérant que le conseil municipal de Paris a décidé, par une délibération du 13 février 1978, pour assurer le transfert des commerces du marché alimentaire Saint-Germain dans les locaux du rez-de-chaussée de la maison des examens, d'entreprendre des travaux importants dans lesdits locaux ; que la nécessité de procéder au déplacement initial des commerces de l'ancien marché Saint-Germain est la conséquence directe du permis de démolir accordé à la VILLE DE PARIS le 17 mai 1976 et des travaux de démolition effectués sur son fondement ; que si lesdits commerces n'ont pu être réinstallés plus rapidement dans le nouveau marché Saint-Germain, c'est en raison de l'impossibilité, pour la ville, d'édifier les superstructures destinées à les abriter à la suite de l'instance du classement, puis de l'intervention du décret du 18 mars 1981 ; qu'il suit de là que le préjudice que la VILLE DE PARIS soutient avoir subi du fait de ces travaux d'aménagement n'est pas la conséquence de l'illégalité du permis de construire litigieux ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à en demander réparation à l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la VILLE DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de la VILLE DE PARIS est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA00537
Date de la décision : 19/05/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MONUMENTS ET SITES - MONUMENTS NATURELS ET SITES - CLASSEMENT - Indemnisation du préjudice causé par une mesure de classement - Absence - Préjudice subi par une personne publique.

41-02-02, 60-01-02-01-01-03, 60-04-01-04-02 Il résulte des dispositions des articles 6, 7 et 8 de la loi du 2 mai 1930 que le législateur a entendu réserver aux seules personnes de droit privé l'indemnisation éventuelle des servitudes résultant des mesures de protection des sites prises en application de cette loi. Exclusion des collectivités publiques de toute indemnisation sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'Etat. En l'espèce, la ville de Paris ne peut se prévaloir du décret du 18 mars 1981 classant le site du marché Saint-Germain parmi les sites pittoresques du 6ème arrondissement de Paris pour demander une indemnité à raison du préjudice qu'elle allègue avoir subi du fait de ce classement.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE FONDEE SUR L'EGALITE DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES - RESPONSABILITE DU FAIT DE L'INTERVENTION DE DECISIONS ADMINISTRATIVES LEGALES - Loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites et décrets de classement pris pour son application - Indemnisation du préjudice causé à une personne publique - Absence.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE INDEMNISABLE DU PREJUDICE - AUTRES CONDITIONS - SITUATION EXCLUANT INDEMNITE - Préjudice causé par le classement d'un site en application de la loi du 2 mai 1930 - Indemnisation des personnes publiques exclue par la loi.


Références :

Instruction du 17 mai 1976
Loi du 02 mai 1930 art. 6, art. 7, art. 8, art. 9, art. 12


Composition du Tribunal
Président : M. Marlier
Rapporteur ?: M. Levasseur
Rapporteur public ?: Mme Phemolant

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-05-19;96pa00537 ?
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