(1ère Chambre)
VU I) la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 5 et 11 août 1997 sous le n 97PA02140, présentés par le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE ; le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 96-121 en date du 10 juin 1997 par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le président du Gouvernement de la Polynésie française a refusé de soumettre à l'assemblée de la Polynésie française un projet de délibération visant à permettre le libre établissement des ressortissants de la communauté européenne titulaires de diplômes français et exerçant des professions médicales et paramédicales ;
2°) d'annuler cette décision ;
VU II) la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 5 et 11 août 1997 sous le n 97PA02139, présentés par le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE ; le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement n 96-121 en date du 10 juin 1997, par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le président du Gouvernement de la Polynésie française a refusé de soumettre à l'assemblée de la Polynésie française un projet de délibération visant à permettre le libre établissement des ressortissants de la communauté européenne titulaires de diplômes français et exerçant des professions médicales et paramédicales ;
VU les autres pièces des dossiers ;
VU le Traité de Rome ;
VU la loi organique n 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
VU le décret n 52-964 du 28 juillet 1952 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 1998 :
- le rapport de Mme MASSIAS, premier conseiller,
- les observations de M. Y... et Mme de X..., pour le secrétaire d'Etat à l'outre-mer,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouver-nement ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes nos 97PA02140 et 97PA02139 du HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du jugement du 10 juin 1997 par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le président du Gouvernement de la Polynésie française a refusé de soumettre à l'assemblée de la Polynésie française un projet de délibération visant à permettre le libre établissement des ressortissants de la communauté européenne titulaires de diplômes français et exerçant des professions médicales et paramédicales ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par le président de l'assemblée de la Polynésie française à la requête du HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE :
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient le président de l'assemblée de la Polynésie française, le jugement attaqué, alors même qu'il n'annule aucune décision, fait grief au HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE ;
Considérant, en second lieu, que dès lors que le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE ne dispose pas du pouvoir de procéder à l'abrogation des dispositions s'opposant au libre établissement des ressortissants de la communauté européenne titulaires de diplômes français et exerçant des professions médicales et paramédicales, la fin de non-recevoir tirée de ce qu'il ne peut demander au juge de prononcer des mesures qu'il a le pouvoir de prendre doit être écartée ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi organique susvisée du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : "Le Haut-commissaire de la République, délégué du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du respect des lois et des engagements internationaux applicables en Polynésie française, de l'ordre public et du contrôle administratif" ; qu'aux termes de l'article 92 de la même loi : "Le Haut-commissaire veille à l'exercice régulier de leurs compétences par les autorités de la Polynésie française et à la légalité de leurs actes" ; qu'aux termes de l'article 53 de ladite loi : " L'assemblée fixe l'ordre du jour de ses délibérations sous réserve des dispositions de l'article 73 ..." ; qu'enfin, aux termes de l'article 73 de la même loi : "Par dérogation aux dispositions de l'article 53 et du deuxième alinéa de l'article 57, le conseil des ministres peut faire inscrire par priorité à l'ordre du jour les projets de délibération dont il estime la discussion urgente ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE a compétence pour s'assurer de la légalité des actes des autorités de la Polynésie française ; que notamment, il lui appartient de s'assurer de la mise en conformité des textes ressortissant à la compétence de ces autorités avec les engagements internationaux de la France ; qu'en cas d'urgence, il peut demander au conseil des ministres de la Polynésie française d'inscrire un projet de délibération à l'ordre du jour de l'assemblée territoriale de la Polynésie française ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un arrêt du 12 décembre 1990, la Cour de justice des communautés européennes a notamment déclaré que la France, en n'ayant pas pris les mesures nécessaires de nature à permettre aux ressortissants d'un autre Etat membre de la Communauté européenne titulaires d'un diplôme français de s'établir ou d'exercer des prestations de service en tant que médecin, infirmier responsable de soins généraux, sage-femme, praticien de l'art dentaire et vétérinaire dans le territoire d'outre-mer de la Polynésie française avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 137 de la décision 80/1186/CEE du conseil des ministres des communautés européennes, du 16 décembre 1980, et de l'article 176 de la décision 86/283/CEE du même conseil, du 30 juin 1986, relatives à l'association des pays et territoire d'outre-mer à la communauté économique européenne ; que le Gouvernement français a, à deux reprises, en 1992 et 1994, inscrit les dispositions visant à assurer le respect de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes dans un projet de loi relatif aux dispositions diverses relatives aux territoires d'outre-mer, sans que ces dispositions ne soient adoptées par le législateur ; que le 16 novembre 1995, la commission des communautés européennes a émis un avis motivé constatant que la France avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de l'article 171 du Traité de Rome et de l'arrêt précité, l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour rendre sa réglementation conforme au droit communautaire et attirant son attention sur l'éventualité de sanctions pécuniaires ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances ci-dessus rappelées, le Haut-commissaire est fondé à soutenir que l'inscription d'une délibération en ce sens à l'ordre du jour de l'assemblée territoriale présentait, en 1996, un caractère d'urgence ; que, par suite, la décision implicite par laquelle le président du Gouvernement de la Polynésie française a rejeté la demande en date du 11 janvier 1996 du HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE tendant à une telle inscription est entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le président du Gouvernement de la Polynésie française a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement attaqué :
Considérant que dès lors que, par le présent arrêt, la cour statue sur le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 10 juin 1997, les conclusions de la requête n 97PA02139 du HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE tendant au sursis à exécution de ce jugement sont sans objet ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 10 juin 1997 et la décision du président du Gouvernement de la Polynésie française sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n 97PA02139 du HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE.