(2ème Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 mars 1996, présentée par M. Christian X..., demeurant à Maisons Laffitte (Yvelines), ..., tendant à ce que la cour :
1 ) annule le jugement en date du 7 novembre 1995 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande ;
2 ) condamne l'Etat à lui payer la somme de 35.000 F en réparation du préjudice subi ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 1998 :
- le rapport de Mme MOUREIX, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la mise en recouvrement le 31 octobre 1987 des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu qui lui avaient été assignées au titre des années 1982, 1983 et 1984, M. X... a, par une réclamation en date du 2 novembre 1987 adressée à tort au trésorier-payeur principal des Yvelines, contesté l'assiette de ces impositions complémentaires, aux motifs que l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne lui avait pas été notifié, que le droit de reprise de l'administration était prescrit en ce qui concerne l'année 1982 et que, pour les années 1983 et 1984, l'imposition devait exclure la part incombant à son ex-épouse ; que cette réclamation contentieuse ayant été rejetée par décision du 10 février 1988 du directeur des services fiscaux des Yvelines, le contribuable a saisi le tribunal administratif de Versailles, lequel, par un jugement en date du 7 novembre 1995, a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, dans ses écritures devant le tribunal, M. X... demandait, outre la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi et à lui rembourser les frais irrépétibles exposés, le reversement des sommes qu'il aurait versées à tort au titre de l'impôt sur le revenu des années 1982 à 1986 ; qu'en interprétant ces dernières conclusions comme tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu afférent aux années 1982 à 1984 et à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision susvisée du 10 février 1988 du directeur des services fiscaux des Yvelines, en tant qu'elle aurait rejeté une demande gracieuse en décharge de solidarité, les premiers juges ont procédé à une appréciation restrictive des conclusions de la demande de M. X... et entaché leur décision d'omission à statuer ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 7 novembre 1995 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Sur les conclusions aux fins de décharge et de remboursement :
Considérant que M. X..., qui n'a contesté dans sa réclamation contentieuse du 2 novembre 1987 que l'assiette des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu des années 1982, 1983 et 1984, est irrecevable à contester les cotisations initiales à l'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 1983, 1984, 1985 et 1986 et à invoquer, dans le cadre du présent litige, les prétendues irrégularités commises par les services chargés du recouvrement ; que, dès lors, ses conclusions tendant au remboursement des sommes qu'il aurait indûment versées au Trésor public pour le paiement d'impositions autres que celles visées dans sa réclamation du 2 novembre 1987 sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que, nonobstant l'absence de production par l'administration de l'accusé de réception de cette notification, il ressort des pièces du dossier, et notamment des observations du contribuable datées du 23 décembre 1986, portées sur la notification de redressement du 17 décembre 1986, que M. X... a reçu ladite notification ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que les redressements contestés ne lui auraient pas été notifiés manque en fait ;
Considérant, en second lieu, que si M. X... reproche à l'administration de ne pas avoir saisi la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il ne justifie pas avoir formulé une demande en ce sens dans le délai de trente jours imparti par l'article R.59-1 du livre des procédures fiscales ; qu'en tout état de cause, les redressements qui portaient sur les traitements et salaires, ainsi que, pour l'année 1984, sur des intérêts omis, échappaient à la compétence de ladite commission, telle que définie par l'article L.59-A du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en troisième lieu, que, dès lors que les impositions contestées ont été établies à la suite du contrôle des déclarations de revenus souscrites par les époux X... au titre des années 1982 à 1984, l'administration a pu légalement, en application de l'article L.54-A du livre des procédures fiscales, notifier au seul requérant les actes intervenus dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire ;
Considérant, enfin, qu'en se bornant à inverser la charge de la preuve et à soutenir que l'administration n'établit pas avoir respecté toutes les règles, M. X..., à défaut d'assortir ses allégations tirées de l'irrégularité de la procédure d'imposition des précisions nécessaires, ne met pas le juge administratif en mesure de se prononcer sur leur portée et leur bien-fondé ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant de la prescription de l'année 1982 :
Considérant qu'il résulte des dispositions conjuguées des articles L.168-A et L.169 du livre des procédures fiscales que, pour l'impôt sur le revenu, le droit de reprise dont dispose l'administration pour réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt s'exerce, lorsque la notification de redressement, non consécutive à une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble, a été adressée avant le 2 janvier 1987, jusqu'à la fin de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; qu'aux termes de l'article L.189 du même livre : "La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les redressements relatifs à l'impôt sur le revenu de l'année 1982 ont fait l'objet d'une notification adressée le 17 décembre 1986 à M. X... ; que celui-ci a reçu ladite notification au plus tard le 23 décembre 1986, date à laquelle il a consigné ses observations sur les redressements envisagés ; qu'ainsi cette proposition de redressement, qui a été notifiée au contribuable avant l'expiration, le 31 décembre 1986, du droit de reprise de l'administration, a interrompu la prescription et ouvert un nouveau délai ; que, dès lors, et contrairement à ce qu'affirme M. X..., les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu établies au titre de l'année 1982 n'étaient pas prescrites lors de leur mise en recouvrement le 31 octobre 1987 ;
S'agissant des bases d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 du code général des impôts : " ...les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge ... ; cet imposition est établie au nom de l'époux ..." ;
Considérant que la circonstance que les époux X... soient séparés depuis la fin de l'année 1985 et qu'ils aient divorcé en 1987 est sans incidence sur les impositions dues au titre d'années antérieures à celle de la cessation de vie commune ; que, dès lors, M. X... ne saurait ni prétendre à ce que ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu des années 1983 et 1984 excluent les redressements sur traitements et salaires de son ex-épouse, ni demander, en tout état de cause, que les cotisations supplémentaires qui lui ont été assignées au titre desdites années soient réduites de moitié ;
Considérant, enfin, que si M. X... allègue que l'administration ne justifie pas avoir appliqué toutes les règles, il ne précise pas les motifs de fait et de droit pour lesquels il estime que les impositions contestées ne seraient pas justifiées ou seraient exagérées ; qu'ainsi et à défaut de toute précision, sa contestation ne peut qu'être écartée ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
Considérant que si M. X... demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 35.000 F, en réparation du préjudice qu'il aurait subi, il n'établit aucune faute de l'administration qui serait de nature à engager la responsabilité de l'Etat, ni ne justifie d'un préjudice qui serait indemnisable ; qu'ainsi sa demande ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel s'opposent à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à rembourser à M. X... les frais irrépétibles que celui-ci a exposés à l'occasion de l'instance introduite devant le tribunal administratif ; qu'ainsi ses conclusions, au surplus non chiffrées, présentées devant les premiers juges, doivent, en tout état de cause, être rejetées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 7 novembre 1995 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ainsi que le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.