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17/02/1998 | FRANCE | N°95PA03893

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 17 février 1998, 95PA03893


(2ème Chambre)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 4 décembre 1995, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9010087/2 du 16 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris (2ème section) a accordé à l'Association Ecole nationale de droit et de procédure pour le personnel des avocats et avoués près les cours d'appel (ENADEP) la décharge des droits et pénalités en matière de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du

1er janvier 1985 au 31 octobre 1987 ;
2 ) de remettre intégralement l'...

(2ème Chambre)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 4 décembre 1995, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9010087/2 du 16 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris (2ème section) a accordé à l'Association Ecole nationale de droit et de procédure pour le personnel des avocats et avoués près les cours d'appel (ENADEP) la décharge des droits et pénalités en matière de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1985 au 31 octobre 1987 ;
2 ) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de l'Association Ecole nationale de droit et de procédure ;
3 ) d'accorder la restitution des frais irrépétibles versés par l'administration ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 1998 :
- le rapport de Mme BRIN, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour l'association ENADEP,
- et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que l'association, régie par la loi du 1er juillet 1901, "Ecole nationale de droit et de procédure pour le personnel des avocats avoués près les cours d'appel" (ENADEP) a été constituée entre des syndicats des professions d'avocats et d'avoués ainsi que des syndicats représentant les personnels des cabinets et études, et a pour objet statutaire d'assurer la formation professionnelle et le perfectionnement de ces personnels ; que son budget est alimenté par des fonds provenant de l'Association pour le perfectionnement des employés salariés (APESA) et du Fonds d'assurance formation du personnel salarié (FAFSA), auxquels cotisent, au titre de la participation au développement de la formation professionnelle continue, les cabinets, respectivement, de moins de dix personnes et de plus de dix personnes ; qu'à la suite d'une vérification de sa comptabilité, l'ENADEP a été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période courue du 1er janvier 1985 au 31 octobre 1987, à raison de son activité d'enseignement dispensé sous forme de cours oraux ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande en décharge de cette imposition en faisant valoir, à titre principal, qu'elle n'avait pas la qualité d'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en l'absence de lien direct entre les services qu'elle rendait et la contrepartie perçue et, à titre subsidiaire, qu'elle pouvait bénéficier des exonérations prévues par le code général des impôts ; que, par un jugement du 16 mars 1995, dont le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel, le tribunal administratif de Paris a décidé la décharge des cotisations de taxe sur la valeur ajoutée réclamées à l'association ENADEP au motif que devait lui être accordée l'exonération prévue par les dispositions de l'article 261-7-1 a) du code général des impôts ;
Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 6 mars 1961 modifié applicable : "Sous l'autorité du ministre, le directeur général des impôts a, en toutes matières entrant dans ses attributions, délégation permanente de signature du ministre intéressé pour la présentation ... des recours formés par l'administration devant le Conseil d'Etat et les cours administratives d'appel ... Il peut déléguer cette signature à un ou plusieurs fonctionnaires de ses services ayant au moins le grade d'administrateur civil de seconde classe ou de grade équivalent" ;

Considérant, d'une part, que par arrêté du 1er septembre 1995 du ministre de l'économie, des finances et du plan, publié au Journal officiel du 5 septembre 1995, le directeur général des impôts a reçu délégation permanente à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et au nom du ministre de l'économie, des finances et du plan, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions, et d'autre part, que par arrêté du 13 septembre 1995 du directeur général des impôts publié au Journal officiel du 17 septembre 1995, M. Y..., administrateur civil, a reçu, à titre personnel, délégation de signature pour tous les autres litiges intéressant la direction générale des impôts ; que, par suite, le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, signé par M. Y... "pour le ministre et par délégation du directeur général des impôts, l'administrateur civil chargé de la sous-direction" et enregistré au greffe de la cour dans le délai prévu à l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales, a été formé dans des conditions régulières ;
Sur le bénéfice de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 261-7-1 du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 261-7-1 du code général des impôts sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : "a) les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée ... b) les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée ..." ;
Considérant que l'activité de l'Association ENADEP s'exerce dans le domaine de la formation professionnelle continue et qu'il n'est pas allégué que les prestations qu'elle offre dans ce cadre, sous la forme de cours oraux, ne seraient pas de la même nature que celles qui pourraient être fournies par des entreprises commerciales ; qu'au surplus, de tels services ont pour objet d'améliorer les conditions de fonctionnement des cabinets d'avocats ou d'avoués ; que, dans ces conditions, l'activité déployée par l'ENADEP en rendant les services litigieux revêt, alors même que l'association n'aurait pas elle-même pour objet propre de réaliser des excédents, un caractère lucratif, ainsi que le ministre, comme il lui est loisible de le faire pour la première fois en appel, le soutient ; que, par suite, alors même que la gestion de l'association ne procurerait aucun profit à ses dirigeants, c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les dispositions précitées du a) de l'article 261-7-1 du code général des impôts pour accorder à l'Ecole nationale de droit et de procédure la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui avait été assignée ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'Association ENADEP tant devant elle que devant le tribunal administratif ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : "I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ..." et qu'aux termes du premier alinéa de l'article 256 A du même code : "Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent d'une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si les actions de formation dispensées par l'Association ENADEP sous la forme de cours oraux sont financées, comme il a été dit ci-dessus, par des versements du FAFSA et de l'APESA, organismes collecteurs des cotisations auxquelles sont tenus des cabinets d'avocats et d'avoués au titre de leur participation au développement de la formation professionnelle continue, les montants desdites cotisations sont fixés en fonction de la masse salariale de chacun des cabinets, cependant que les fonds versés par lesdits organismes collecteurs sont en relation avec le nombre de personnes formées par l'ENADEP ; qu'en raison du champ professionnel réduit couvert par cette dernière et de l'intérêt pratique potentiel identique de ses actions de formation pour tous les cabinets d'avocats et d'avoués adhérents, il existe, entre les cotisations versées par ceux-ci et les avantages que chacun d'eux est en mesure de retirer des services rendus par l'association, un lien direct, permettant de regarder ces services comme des prestations effectuées à titre onéreux passibles de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et 256 A du code général des impôts précités ;

Considérant, en second lieu, que l'Association ENADEP revendique, sur le fondement de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, d'une part, le bénéfice de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'instruction du 5 mars 1985 (BODGI 3A-6-85) en faveur "des organismes de droit privé ayant des activités de la formation professionnelle continue ... s'ils obtiennent une attestation délivrée par l'autorité administrative dont relève la formation qu'ils dispensent" ; que, cependant, cette instruction, qui institue un régime dérogatoire aux dispositions légales, dispose que l'autorité administrative habilitée à délivrer l'attestation susmentionnée est la Délégation régionale à la formation professionnelle et que l'exonération prend effet à compter du jour de la demande d'attestation ; qu'il résulte de l'instruction que l'Association ENADEP, s'il lui a été délivrée une attestation par la Chancellerie des universités de l'académie de Paris le 28 juillet 1983, qui ne concerne au demeurant que l'activité d'enseignement à distance, n'a demandé d'attestation auprès de la Délégation régionale à la formation professionnelle que le 13 juillet 1988, soit postérieurement à la période d'imposition litigieuse ; qu'elle n'entre donc pas dans les prévisions de l'instruction du 5 mars 1985 et ne peut, par suite, en demander le bénéfice ; que, d'autre part, l'Association ENADEP ne saurait davantage utilement se prévaloir, sur le fondement du même article L.80-A, ni de la lettre du 21 octobre 1983 que lui a adressée l'inspecteur du centre des impôts 4ème arrondissement "Notre Dame" dès lors que ce courrier, en tout état de cause, a trait à l'activité d'enseignement à distance, ni de l'instruction 4H-2-77 du 27 mai 1977 qui ne donne pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle qui a été exposée ci-dessus ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à l'Association Ecole nationale de droit et de procédure la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée au titre de la période courue du 1er janvier 1985 au 31 octobre 1987 et a condamné l'Etat à lui verser une somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur les autres conclusions du ministre et sur les conclusions de l'Association ENADEP présentées devant la cour :
Considérant que les conclusions du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES tendant à ce que la cour ordonne la restitution des sommes que l'Etat a versées, au titre des frais irrépétibles, en exécution du jugement attaqué, ne sont pas recevables dès lors que le ministre peut en opérer le recouvrement par l'émission d'un titre exécutoire ;
Considérant que l'Association ENADEP succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : Le jugement n 9010087/2 du tribunal administratif de Paris en date du 16 mars 1995 est annulé.
Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge a été accordée à l'Association "Ecole nationale de droit et de procédure pour le personnel des avocats et avoués près les cours d'appel" (ENADEP) par le tribunal administratif au titre de la période du 1er janvier 1985 au 31 octobre 1987, ainsi que les pénalités y afférentes, sont remis à la charge de l'Association ENADEP.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES et les conclusions de l'Association ENADEP tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95PA03893
Date de la décision : 17/02/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - PERSONNES ET OPERATIONS TAXABLES - OPERATIONS TAXABLES.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - EXEMPTIONS ET EXONERATIONS.


Références :

CGI 261, 256, 256 A
CGI Livre des procédures fiscales R200-18, L80 A
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret du 06 mars 1961 art. 1
Instruction du 27 mai 1977 4H-2-77
Instruction du 05 mars 1985 3A-6-85
Loi du 01 juillet 1901


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme BRIN
Rapporteur public ?: Mme MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-02-17;95pa03893 ?
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