VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 8 novembre 1995, présentée pour M. Pax Jacques Y..., demeurant ... (Hauts-de-Seine), par Me X..., avocat ; M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 9113235/5 et 9208681/5 en date du 14 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 25 octobre 1991 par laquelle le ministre de l'équipement, du logement, des transport et de l'espace a refusé de décristalliser la pension dont il est titulaire, à son renvoi devant le même ministre pour qu'il soit procédé à la liquidation de sa pension décristallisée à compter du 24 avril 1975, à la condamnation de l'Etat à lui verser les intérêts de ces arrérages de pension et les intérêts des intérêts, à la condamnation de l'Etat à lui verser 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et, d'autre part, à l'annulation de la décision du 15 avril 1992 par laquelle le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace a rejeté son recours gracieux et à la condamnation de l'Etat à lui verser 150.000 F à titre de dommages et intérêts et 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser le complément de sa pension décristallisée à compter du 24 avril 1975 jusqu'au 31 décembre 1986, chaque mensualité étant augmentée des intérêts légaux ;
3 ) de condamner l'Etat à lui payer les intérêts sur les arrérages de pension dus à compter du 1er janvier 1987 et qui ne lui ont été versés que le 31 décembre 1991 ;
4 ) de lui accorder la capitalisation de ces intérêts ;
5 ) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 150.000 F à titre de dommages et intérêts ;
6 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code civil ;
VU le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
VU la loi n 59-1454 du 26 décembre 1959 ;
VU la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 15 janvier 1998 :
- le rapport de M. LEVASSEUR, conseiller,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par une décision du 24 avril 1975, il n'a été accordé à M. Y..., qui, à la suite de sa démission, avait été radié du corps des ingénieurs des travaux de la météorologie de la France d'outre-mer à partir du 25 décembre 1965 pour poursuivre sa carrière dans l'administration malgache, qu'une concession d'indemnité annuelle, en application de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 au motif qu'il était de nationalité malgache ; que cependant, après que par un arrêt du 29 novembre 1990 la Cour d'appel de Versailles a constaté qu'il n'avait jamais perdu la nationalité française, M. Y... a demandé, le 30 mai 1991, la révision de sa pension qui lui a été accordée le 25 octobre 1991 avec paiement des arrérages qui lui étaient dus à compter du 1er janvier 1987 ; qu'il fait appel du jugement susvisé qui a rejeté sa demande tendant à obtenir un rappel d'arrérages depuis le 24 avril 1975 et des dommages-intérêts ;
Sur les conclusions tendant au paiement des arrérages de pension à compter du 24 avril 1975 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.53 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de la loi du 7 juin 1977 : "Lorsque par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures" ;
Considérant, d'une part, que si M. Y... soutient que ce n'est pas par suite de son fait personnel qu'il n'a présenté une demande de révision de pension que le 30 mai 1991, il résulte cependant de l'instruction que les démarches qu'il a effectuées pour que soit reconnue sa nationalité française, pour longues qu'elles aient été, ne l'ont toutefois pas mis dans l'impossibilité de formuler, à tout moment une demande de révision ; que, d'autre part, tant les recours administratifs qu'il a formés en 1977, en 1979 et 1982 que les actions qu'il a introduites, le 24 mars 1986 devant le tribunal administratif de Paris et le 2 décembre 1988 devant le tribunal de grande instance de Nanterre n'avaient pas pour objet le paiement de sa pension, mais la reconnaissance de sa nationalité française ; que, dès lors, ils ne peuvent être regardés comme une première demande de révision qui était seule de nature à interrompre le délai de prescription édicté par les dispositions précitées de l'article L.53 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'ainsi, le requérant, qui ne peut pas utilement invoquer les dispositions de la loi du 31 décembre 1968, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'administration ne lui a versé, à bon droit, le complément des arrérages de retraite qui lui étaient dus qu'à compter du 1er janvier 1987 ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant, d'une part, que si M. Y... demande que les sommes qui lui étaient dues à compter du 1er janvier 1987 et dont il n'est pas contesté qu'elles ne lui ont été versées que le 31 décembre 1991 soient assorties des intérêts à compter de leur échéance, il n'y a droit, en application des dispositions de l'article 1153 du code civil, qu'à compter du jour de la réception par l'administration de sa demande valant sommation de payer ; qu'il résulte de l'instruction que la demande de révision présentée par le requérant le 30 mai 1991 a été reçue par l'administration le 31 mai 1991 ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à ses conclusions à compter du 31 mai 1991 pour les arrérages échus à cette date et au fur et à mesure des échéances successives pour les arrérages échus depuis cette date jusqu'au 31 décembre 1991 ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article 1154 du code civil ont pour objet de limiter la capitalisation des intérêts échus au cours de la période pendant laquelle le principal de la créance n'ayant pas encore été payé, les intérêts continuent de courir ; qu'elles sont sans application dans le cas où, comme en l'espèce, le débiteur s'est acquitté de sa dette en principal, interrompant ainsi le cours des intérêts ; que le requérant n'ayant formé aucune autre demande en ce qui concerne la somme représentative des intérêts qui lui étaient dus au 31 décembre 1991, ses demandes de capitalisation présentées les 21 décembre 1991, 22 mai 1992 et 8 novembre 1995 ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à verser des dommages et intérêts :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'administration n'a pas fait preuve d'un mauvais vouloir manifeste seul de nature à ouvrir droit au versement de dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance de M. Y... prévus par le dernier alinéa de l'article 1153 du code civil auxquels il est fait droit par le présent arrêt ; que, par suite, M. Y... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. Y... la somme de 4.000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : L'Etat est condamné à payer à M. Y... les intérêts au taux légal, à compter du 31 mai 1991, sur le rappel des arrérages de pension qui lui étaient dus à compter du 1er janvier 1987 et qui lui a été versé le 31 décembre 1991 et au fur et à mesure de leur échéance pour les arrérages échus entre le 31 mai et le 31 décembre 1991.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 14 juin 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. Y... une somme de 4.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administatives d'appel.