VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 octobre 1995, présentée pour la société DOCKS DE FRANCE, dont le siège est ... en Josas, par la SCP RAMBAUD MARTEL, avocat ; la société DOCKS DE FRANCE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n s 95-766/95-767 en date du 5 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision en date du 19 décembre 1994 par laquelle le maire de Marcoussis a remis en vigueur le permis de construire délivré le 23 février 1993 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
3 ) de condamner M. X... et M. Y... à lui verser une somme de 25.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 1998 :
- le rapport de Mme MASSIAS, conseiller,
- les observations de la SCP RAMBAUD-MARTEL, avocat, pour la société DOCKS DE FRANCE et celles de la SCP SUR-GRANGE-MAUVENU, avocat, pour M. X...,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que par arrêté en date du 23 février 1993, le maire de la commune de Marcoussis a délivré à la société Serfa un permis de construire des bâtiments commerciaux sur un terrain situé dans la zone d'aménagement concerté de la croix de Bellejamme ; que par arrêté en date du 6 mai 1994, le maire de la commune de Marcoussis a transféré ledit permis de construire à la société DOCKS DE FRANCE ; que par arrêté en date du 4 octobre 1994, le maire de Marcoussis a délivré à la société DOCKS DE FRANCE un nouveau permis de construire pour la réalisation d'un supermarché et d'une station service dans la zone d'aménagement concerté de Bellejamme et a retiré le permis de construire délivré le 23 février 1993 ; que par arrêté en date du 19 décembre 1994, le maire de Marcoussis a retiré cet arrêté ; que par jugement du 5 juillet 1995, le tribunal administratif de Versailles, faisant droit à la demande de M. X..., a annulé l'arrêté du 19 décembre 1994 en tant qu'il remettait en vigueur le permis de construire délivré le 23 février 1993 ; que la société DOCKS DE FRANCE fait appel de ce jugement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article L.600-3 du code de l'urbanisme : "En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours" ; que ces dispositions qui ont pour objet de faire obligation à l'auteur d'un recours dirigé contre une décision valant autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme de notifier ce recours à l'auteur de la décision et s'il y a lieu au titulaire de l'autorisation, n'imposaient pas à la société DOCKS DE FRANCE, devenue, en vertu d'un arrêté en date du 6 mai 1994, bénéficiaire du permis de construire délivré initialement à la société Serfa le 23 février 1993, de notifier au maire de Marcoussis, ni à la société Serfa, qui n'était plus titulaire d'aucune autorisation, l'appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Versailles ayant annulé la décision dudit maire en tant qu'elle remettait en vigueur l'autorisation de construire délivrée le 23 février 1993 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la requête d'appel de la société DOCKS DE FRANCE serait irrecevable faute pour la requérante de s'être conformée aux dispositions de l'article L.600-3 du code de l'urbanisme doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision en date du 19 décembre 1994 :
Considérant que la décision en date du 4 octobre 1994 par laquelle le maire de Marcoussis a retiré le permis de construire délivré à la société Serfa le 23 février 1993 a créé des droits ; que dès lors, cette décision ne pouvait être retirée que pour illégalité, dans le délai du recours contentieux ;
En ce qui concerne le caractère définitif de la décision du 4 octobre 1994 :
Considérant que la décision en date du 4 octobre 1994 retirant le permis de construire accordé à la société Serfa le 23 février 1993 et accordant un nouveau permis de construire à la société DOCKS DE FRANCE a été portée à la connaissance de celle-ci au plus tard le 21 octobre 1994, date à laquelle elle a procédé à l'affichage dudit permis ; que par suite, à la date de l'arrêté litigieux du 19 décembre 1994, l'arrêté en date du 4 octobre 1994 n'était pas devenu définitif ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 4 octobre 1994 :
Considérant que le permis de construire délivré le 23 février 1993 avait créé des droits et ne pouvait donc être retiré que pour illégalité dans le délai du recours contentieux ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.490-7 du code de l'urbanisme : "Le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : a) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées au deuxième alinéa de l'article R.421-39 ; b) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l'article R.421-39 ..." ; qu'aux termes de l'article R.421-39 du même code : "Mention du permis de construire doit être affichée sur le terrain de manière lisible de l'extérieur, par les soins du bénéficiaire, dès la notification de la décision d'octroi et pendant toute la durée du chantier ...";
Considérant, d'une part, qu'il ressort du certificat d'affichage établi par le maire de Marcoussis le 16 juin 1993 que le permis de construire délivré le 23 février 1993 a été affiché en mairie de façon continue du 25 février 1993 au 25 avril 1993 ; qu'un constat d'huissier établi le 26 avril 1993 atteste qu'à cette date le permis de construire était affiché sur le terrain, à la vue du public ; que plusieurs attestations font état d'un tel affichage pendant plusieurs mois et notamment en mai 1993 ; que si M. X... soutient que cet affichage n'aurait pas été continu pendant une période de deux mois, il n'apporte à l'appui de cette affirmation aucun élément de nature à en établir la véracité ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des termes du constat d'huissier précité que l'affichage sur le terrain comportait des indications précises permettant d'identifier le permis de construire en cause et, notamment, le nom du bénéficiaire, la date de délivrance du permis, la nature des travaux, la surface hors oeuvre nette, la hauteur du faîtage et l'emplacement de la construction et d'en prendre connaissance en mairie ; que dès lors, la circonstance que cet affichage mentionnait une surface hors oeuvre nette de 1500 m au lieu de 1494 m et qu'il ne précisait pas la superficie du terrain sur lequel la construction était autorisée ne fait pas obstacle à ce que cet affichage ait été suffisant pour faire courir à l'égard des tiers le délai du recours contentieux ; qu'il résulte de ce qui précède que ledit délai a commencé à courir au plus tard le 26 juin 1993 ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa légalité, le permis de construire délivré le 23 février 1993 était devenu définitif et ne pouvait donc être retiré à la date du 4 octobre 1994 ; que par suite, l'arrêté du 4 octobre 1994 se trouvait, pour ce motif, entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que dès lors que l'arrêté en date du 4 octobre 1994, qui n'était pas devenu définitif, était entaché d'illégalité, le maire de Marcoussis pouvait, comme il l'a fait par arrêté du 19 décembre 1994, procéder à son retrait et remettre en vigueur l'arrêté en date du 23 février 1993 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société DOCKS DE FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du maire de Marcoussis en date du 19 décembre 1994 en tant qu'il a remis en vigueur l'arrêté du 23 février 1993 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que M. X... succombe en la présente instance ; que par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de la société DOCKS DE FRANCE à lui verser une somme sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doivent être rejetées ;
Considérant qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X... à verser la somme de 8.000 F à la société DOCKS DE FRANCE en application desdites dispositions ; que M. Y... n'étant pas partie à l'instance, les conclusions de la société DOCKS DE FRANCE tendant à ce qu'il soit condamné à lui verser une somme en application des mêmes dispositions doivent être rejetées ;
Article 1er : Le jugement n 95-766/95-767 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles sont rejetées.
Article 3 : M. X... est condamné à verser à la société DOCKS DE FRANCE la somme de 8.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société DOCKS DE FRANCE est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de M. X... tendant à la condamnation de la société DOCKS DE FRANCE en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.