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04/11/1997 | FRANCE | N°94PA02134

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 04 novembre 1997, 94PA02134


(4ème Chambre)
VU la requête enregistrée au greffe de la cour, sous le n 94PA02134, le 19 décembre 1994, présentée pour le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... dont le siège est, 75191 Paris cedex 04, représenté par son président en exercice, par Me Y..., avocat ; le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 avril 1993 en tant qu'il a condamné la Société des grands travaux de Marseille (GTM-BTP) et la SCP Piano et Rogers à lui verser la somme de 4.166.413 F réévalu

ée le 16 avril 1992 en réparation des désordres affectant la peinture ...

(4ème Chambre)
VU la requête enregistrée au greffe de la cour, sous le n 94PA02134, le 19 décembre 1994, présentée pour le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... dont le siège est, 75191 Paris cedex 04, représenté par son président en exercice, par Me Y..., avocat ; le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 avril 1993 en tant qu'il a condamné la Société des grands travaux de Marseille (GTM-BTP) et la SCP Piano et Rogers à lui verser la somme de 4.166.413 F réévaluée le 16 avril 1992 en réparation des désordres affectant la peinture du bâtiment du centre ;
2 ) de condamner solidairement les deux sociétés susvisées à lui verser au titre de cette indemnisation la somme de 12.845.393,41 F, assortie des intérêts de droit
à compter de la requête introductive d'instance et de la capitalisation de ces intérêts le 25 avril 1992 et le 19 décembre 1994 ;
3 ) de condamner les deux sociétés à lui verser 250.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des marchés publics ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 1997 :
- le rapport de M. HAIM, conseiller,
- les observations du cabinet Y..., avocat, pour le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B..., celles de la SCP RAMBAUD-MARTEL, avocat, pour la Société des grands travaux de Marseille, celles de la SCP RAFFIN-COURBE-GOFARD et autres, avocats, pour la SCP d'architectes Piano et Rogers, et celles de Me X..., avocat, pour la société SAR,
- et les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas réparé la totalité des désordres affectant la charpente métallique extérieure du bâtiment, qu'il a procédé à un abattement pour vétusté, qu'il ne s'est pas prononcé sur sa demande d'intérêts et qu'il a indûment limité à 35.000 F la somme qu'il lui a accordée en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur la responsabilité des constructeurs :
Considérant que par sa décision rendue le 22 juin 1984 dans ce litige qui oppose le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... à la Société des grands travaux de Marseille et à la SCP d'architectes Piano et Rogers, le Conseil d'Etat a jugé que la réception définitive n'étant pas intervenue pour les travaux de peinture des charpentes extérieures métalliques, la Société des grands travaux de Marseille et la SCP d'architectes Piano et Rogers étaient tenues de réparer les désordres constatés sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que l'autorité qui s'attache à cette décision fait obstacle à ce que la Société des grands travaux de Marseille se prévale utilement de l'existence d'une réception définitive prononcée le 28 décembre 1978 ; que, par suite, d'une part, c'est à juste titre que le tribunal administratif de Paris a apprécié l'étendue de la responsabilité des constructeurs et évalué la réparation due par référence à leurs obligations contractuelles et, d'autre part, par voie de conséquence, a jugé qu'il y avait lieu de les condamner à supporter le coût de la remise à neuf de la peinture des éléments métalliques concernés ;
Sur l'évaluation du préjudice :
En ce qui concerne les frais de réfection de la peinture de la façade est :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'il y a lieu de retenir, comme l'a admis le tribunal administratif, la somme de 3.190.340 F toutes taxes comprises au titre de l'installation et de la préparation du chantier, la somme de 2.144.064 F toutes taxes comprises au titre des travaux de peinture, et la somme de 533.440 F au titre de la maîtrise d'oeuvre évaluée à 10 % de l'ensemble par l'expert ; qu'ainsi, le coût global de la réfection de la peinture de la charpente métallique de la façade est s'élève à 5.867.844 F toutes taxes comprises ;
Considérant, en deuxième lieu, que les désordres doivent être évalués à la date où leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; que, dès lors qu'il n'est ni établi, ni même d'ailleurs allégué que l'exécution des travaux aurait été retardée par l'impossibilité d'en assurer le financement ou par des difficultés techniques, sauf aggravation qui n'est pas ici alléguée, cette date est nécessairement au plus tard la date à laquelle les experts ont constaté et évalué lesdits désordres ; qu'il n'y avait donc pas lieu, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, de pondérer la somme de 5.867.844 F toutes taxes comprises par l'application de l'indice du coût de la construction, fût-ce sur la période écoulée entre la date à laquelle les experts ont constaté et évalué les désordres et celle de la remise de leur rapport ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être réformé sur ce point ;

Considérant, par ailleurs, que si, par la voie de l'appel incident, la Société des grands travaux de Marseille prétend exciper de ce retard qu'elle impute au comportement fautif du CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B..., il ne résulte pas de l'instruction que le retard allégué ait eu, dans les circonstances de l'espèce, pour effet d'accroître les désordres dont la réparation est mise, par le présent arrêt, à sa charge ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les désordres sont apparus dès le mois de décembre 1977, c'est-à-dire moins d'un an après que la réception provisoire ait été prononcée avec réserve ; qu'ainsi et alors, au surplus, que dans sa décision précitée le Conseil d'Etat a jugé qu'il n'était pas établi que le centre avait manqué à son devoir d'entretien de l'ouvrage, c'est à tort que les premiers juges ont procédé à un abattement pour vétusté ;
Considérant en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'au titre de ces mêmes désordres, la Société des grands travaux de Marseille et la SCP d'architectes Piano et Rogers ont d'ores et déjà versé la somme de 823.200 F mise à leur charge par un jugement du 6 juillet 1982 ; qu'il y a lieu de déduire ladite somme, laquelle, en tout état de cause, ne saurait faire l'objet d'une réévaluation, de celle de 5.867.844 F toutes taxes comprises ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... est fondé à réclamer au titre des désordres affectant la façade est, la somme de 5.044.644 F toutes taxes comprises ;
En ce qui concerne les frais de réfection de la peinture de la façade ouest :
Considérant que pour exclure tout droit à indemnité au titre des travaux à effectuer sur la façade ouest, le tribunal administratif a retenu qu'à la date de l'intervention du premier expert, M. de Z..., en 1981, les éléments en cause de la charpente métallique avaient été déjà recouverts d'une couche de peinture grise d'origine inconnue et que l'étendue des surfaces dégradées de cette façade n'a pu être précisément établie, les experts chargés du métré étant intervenus le 1er décembre 1987 alors que les travaux de réfection étaient presque achevés ;
Mais considérant, d'une part, qu'en 1981, à défaut de réception définitive, la Société des grands travaux de Marseille et la SCP d'architectes Piano et Rogers restaient contractuellement responsables des travaux de peinture dont la charpente métallique du centre pouvait faire l'objet, lesquels n'ont d'ailleurs concerné que le premier niveau du bâtiment qui en compte sept ; d'autre part et surtout, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de M. de Z... de 1981 et de constats d'huissier effectués par M. C... le 3 décembre 1985 et le 4 février 1986, que la façade ouest présentait des désordres identiques, sinon plus importants, que ceux constatés sur la façade est qui, eux-mêmes, affectaient l'ensemble de cette façade ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la responsabilité contractuelle de la société des grands travaux de Marseille et de la SCP d'architectes Piano et Rogers n'était pas engagée à raison desdits désordres ; qu'il y a lieu, dès lors, de réformer sur ce point le jugement attaqué et de condamner la Société des grands travaux de Marseille et la SCP d'architectes Piano et Rogers à verser au CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... la somme non contestée de 3.764.198,20 F toutes taxes comprises pour la réfection de cette façade ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux premiers juges, que le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... a demandé que la somme mise à la charge de la Société des grands travaux de Marseille et de la SCP d'architectes Piano et Rogers soit productive d'intérêts au taux légal ; que le jugement attaqué ayant omis de statuer sur ces conclusions, il y a lieu de l'annuler sur ce point et d'évoquer ;
Considérant que la demande introductive d'instance du CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B..., pour avoir réparation des désordres qui affectent la peinture de la charpente métallique du bâtiment a été enregistrée le 17 octobre 1980 ; qu'il y a lieu de condamner la Société des grands travaux de Marseille et la SCP d'architectes Piano et Rogers à lui verser les intérêts demandés sur la somme de 8.808.842,20 F toutes taxes comprises à compter de cette date ;
Considérant, en second lieu, que le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... a demandé la capitalisation des intérêts les 19 décembre 1994 et 1er septembre 1997 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les actions en garantie :
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que le contrat de sous-traitance conclu entre la société des grands travaux de Marseille et la société d'application et de revêtement (SAR) présente le caractère d'un contrat de droit privé ; que, par suite, la société des grands travaux de Marseille et la SCP d'architectes Piano et Rogers ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a décidé que les actions en garanties dirigées contre la SAR échappaient à la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts MM. A... et Mennet que, d'une part, le tribunal administratif de Paris a fait une juste appréciation du partage de responsabilité en condamnant la société des grands travaux de Marseille à garantir la SCP d'architectes Piano et Rogers dans la proportion de 80 % de l'indemnité due au CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... ; qu'il y a lieu, d'autre part, de condamner la SCP d'architectes Piano et Rogers à garantir la société des grands travaux de Marseille à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à son encontre ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant, en premier lieu, que si le CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... conteste le montant de la somme qui lui a été allouée par le tribunal administratif en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et demande que cette somme soit portée à 250.000 F, il est constant qu'il n'a apporté ni devant les premiers juges ni en appel d'éléments de nature à en établir l'insuffisance ; qu'il est, par contre, fondé à demander le bénéfice de ces mêmes dispositions au titre de la présente instance ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande, en condamnant la Société des grands travaux de Marseille et la SCP d'architectes Piano et Rogers à lui verser conjointement et solidairement la somme de 35.000 F ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société des grands travaux de Marseille et la SCP d'architectes Piano et Rogers étant parties perdantes, elles ne sauraient prétendre à la condamnation du CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B..., sur le fondement de ces mêmes dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter leurs demandes sur ce point ;
Considérant, enfin, que si dans le litige relatif à l'appel en garantie qui l'oppose à la Société des grands travaux de Marseille et à la SCP d'architectes Piano et Rogers, la société SAR n'est pas la partie perdante, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions précitées ne peuvent qu'être rejetées comme non chiffrées et par suite, irrecevables ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 avril 1993 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la demande d'intérêts du CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B....
Article 2 : La Société des grands travaux de Marseille et la SCP d'architectes Piano et Rogers sont condamnées conjointement et solidairement à verser au CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... la somme de 8.808.842,20 F toutes taxes comprises ; ladite somme portera intérêts à compter du 17 octobre 1980 ; les intérêts échus les 19 décembre 1994 et 1er septembre 1997 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La SCP d'architectes Piano et Rogers garantira la Société des grands travaux de Marseille à concurrence de 20 % du montant des condamnations prononcées par l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 avril 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 et 3 du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions du CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B..., de la Société des grands travaux de Marseille et de la SCP d'architectes Piano et Rogers ainsi que les conclusions de la société SAR sont rejetées.
Article 6: La Société des grands travaux de Marseille et la SCP d'architectes Piano et Rogers sont condamnées conjointement et solidairement à verser au CENTRE NATIONAL D'ART ET DE CULTURE GEORGES B... la somme de 35.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 94PA02134
Date de la décision : 04/11/1997
Sens de l'arrêt : Annulation partielle condamnations
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-07-03-02-01,RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION - DATE D'EVALUATION -Date à laquelle les experts ont constaté et évalué les désordres affectant un bâtiment (1).

39-06-01-07-03-02-01 Les dommages résultant des désordres affectant un bâtiment doivent être évalués à la date où leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer, soit au plus tard à la date à laquelle les experts ont constaté et évalué lesdits désordres et non à la date du dépôt de leur rapport même si cette date est éloignée de celle de la constatation des dommages.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1

1. Comp. CAA de Lyon, 1989-10-12, O.P.H.L.M. de Valence, T. p. 793


Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Haïm
Rapporteur public ?: M. Lambert

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1997-11-04;94pa02134 ?
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