Vu la requête, enregistrée le 13 mai 1996 au greffe de la cour, présentée par M. Jean-Luc X..., demeurant ... La Rochelle ; M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 9403143/7 en date du 21 février 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que le tribunal déclare que, lors de l'enlèvement de son enfant, il avait l'autorité parentale sur lui, annule la décision du 7 juin 1993 du garde des sceaux, ministre de la justice refusant d'intervenir en application de la convention de la Haye du 25 octobre 1980 ;
2°) d'annuler la décision en date du 7 juin 1993 du garde des sceaux, ministre de la justice ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la convention de la Haye du 25 octobre 1980, approuvée par la loi n 82-486 du 10 juin 1982 ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 1997 :
- le rapport de M. BARBILLON, conseiller,
- les observations de M. X...,
- et les conclusions de M. PAITRE, commissaire du Gouvernement ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à ce que le juge administratif déclare qu'il a l'autorité parentale sur son fils Godefroy :
Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de connaître des litiges relatifs à l'état des personnes ; que c'est dès lors à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté comme étant portée devant une juridiction incompétente la demande de M. X... tendant à ce que le tribunal déclare qu'il avait l'autorité parentale sur son fils Godefroy ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'annulation de la décision en date du 7 juin 1993 :
Considérant que la décision du 7 juin 1993 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'accéder à la demande d'intervention des autorités françaises auprès des autorités canadiennes, formulée par M. X... sur le fondement de la convention de la Haye du 25 octobre 1980, n'implique pas nécessairement l'examen des rapports entre l'Etat français et un gouvernement étranger et ne peut, dès lors, être regardée comme un acte de gouvernement ; que, contrairement à ce que soutient le garde des sceaux, ministre de la justice, sa décision en date du 7 juin 1993 ne se rattache à aucune procédure judiciaire relative à l'autorité parentale ; qu'il en résulte que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur cette décision ; qu'ainsi c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris s'est déclaré incompétent pour connaître des conclusions dirigées par M. X... contre cette décision ; que ledit jugement doit, dans cette mesure, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande d'annulation de cette décision présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention susvisée de la Haye du 25 octobre 1980 : "La personne, l'institution ou l'organisme qui prétend qu'un enfant a été déplacé ou retenu en violation d'un droit de garde peut saisir soit l'autorité centrale de la résidence habituelle de l'enfant, soit celle de tout autre Etat contractant, pour que celles-ci prêtent leur assistance en vue d'assurer le retour de l'enfant" ; qu'aux termes de l'article 3 de cette convention : "Le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré comme illicite : a) lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour ; et b) que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement et ou du non-retour, ou l'eût été si de tels évènements n'étaient survenus. Le droit de garde visé en a) peut notamment résulter d'une attribution de plein droit, d'une décision judiciaire ou administrative, ou d'un accord en vigueur selon le droit de cet Etat" ; qu'aux termes de l'article 27 de la même convention : "Lorsqu'il est manifeste que les conditions requises par la convention ne sont pas remplies ou que la demande n'est pas fondée, une autorité centrale n'est pas tenue d'accepter une telle demande. En ce cas, elle informe immédiatement de ses motifs le demandeur ou, le cas échéant, l'autorité centrale qui lui a transmis la demande" ;
Considérant qu'à supposer même que l'article 374 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n 87-570 du 22 juillet 1987, applicable en l'espèce, soit contraire aux dispositions des articles 1, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et aux dispositions de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X... ait disposé de l'autorité parentale sur son fils Godefroy, à la date du 13 mai 1992, à laquelle cet enfant a été emmené au Canada par sa mère ; qu'ainsi, il ne justifiait pas à cette date d'un droit de garde de cet enfant ; qu'il était, dès lors, manifeste que les conditions requises par la convention de la Haye n'étaient pas remplies ; que, par suite, le ministre a pu, en application des dispositions susrappelées de l'article 27 de ladite convention, rejeter la demande d'intervention que le requérant avait introduite devant lui ; qu'il s'ensuit que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté cette demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris est annulé, en tant qu'il a rejeté pour incompétence de la juridiction administrative, la demande d'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice en date du 7 juin 1993.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice en date du 7 juin 1993, et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.