(2ème chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 20 février 1996, présentée pour Mme Elaine X..., demeurant ..., par la SCP DELAPORTE-BRIARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Mme X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9005504/2 du 6 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris (2ème section) a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1982 et 1983 dans les rôles de la ville de Paris ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;
2 ) de prononcer la décharge demandée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 1997 :
- le rapport de Mme BRIN, conseiller,
- les observations de la SCP DELAPORTE, BRIARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour Mme X...,
- et les conclusions de M. MENDRAS, commissaire du Gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 27 août 1996, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 1.254.382 F, des compléments d'impôt sur le revenu auxquels Mme X... a été assujettie au titre des années 1982 et 1983 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que les conclusions de la requête de Mme X... relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il n'est pas justifié par l'instruction de l'envoi à Mme X... d'un avis d'audience ; qu'ainsi le jugement entrepris doit être regardé comme intervenu en méconnaissance des dispositions des articles R.193 et R.139 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que la requérante est dès lors fondée à en demander l'annulation ; qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif ;
Sur les revenus d'origine indéterminée :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.199 C du livre des procédures fiscales : "L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel jusqu'à la clôture de l'instruction ..." ;
Considérant que Mme X... qui, dans sa réclamation du 27 décembre 1989, a contesté "le montant des redressements des impôts mis à sa charge au titre des années 1982 et 1983", doit être regardée comme ayant, par là-même, sollicité de l'administration le dégrèvement total des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie pour lesdites années ; que les conclusions de sa demande devant le tribunal tendent aux mêmes fins ; que la circonstance qu'elle n'ait, dans ladite réclamation articulé d'argumentation qu'au regard d'un des deux chefs de rappel notifiés ne faisait pas obstacle à ce que la contribuable exposât ultérieurement devant le juge de nouveaux moyens relatifs à l'autre chef de redressement, dès lors que sa demande n'excédait pas les limites du dégrèvement initialement sollicité ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le ministre en défense, Mme X... est recevable à faire valoir des moyens se rapportant aux redressements relatifs aux revenus d'origine indéterminée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement en date du 11 avril 1986 précise, conformément aux dispostions de l'article L.76 du livre des procédures fiscales, les modalités de détermination des bases qui ont servi au calcul des sommes taxées d'office ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, pour l'année 1982, le service a demandé à Mme X... de justifier notamment d'un montant de 331.490 F correspondant à l'excédent de la balance des espèces établie par le vérificateur, tandis que les revenus bruts déclarés de l'intéressée, imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux selon le régime du forfait, s'élevaient à 44.050 F ; que compte tenu de l'importance de l'écart ainsi constaté, qui faisait présumer de la perception de revenus de sources autres que celles couvertes par le forfait, et de ce que les dépenses de train de vie de l'intéressée ont été estimées, à 54.200 F, après prise en considération, ainsi qu'il était exposé dans la demande, de sept postes différents de dépenses, l'administration était en droit de faire usage de l'article L.16 du livre des procédures fiscales et, après que la contribuable n'eut répondu que de façon imprécise et injustifiée, de procéder à son encontre, à raison du solde d'espèces inexpliqué, à une taxation d'office fondée sur l'article L.69 du livre des procédures fiscales ; que la requérante soutient de façon inopérante que cette taxation d'office aurait été irrégulièrement appliquée en invoquant le nombre important des crédits bancaires de faible montant dont la justification lui a été demandée dans le délai, trop réduit selon elle, d'un mois, dès lors que la prise en compte du montant, s'élevant à 119.616 F, de ces crédits n'était pas nécessaire pour que le service fût autorisé à recourir à l'article L.16 du livre des procédures fiscales et qu'il n'a pas été compris dans l'imposition pratiquée par application de l'article L.69 ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, pour l'année 1983, le service a pareillement établi une balance des espèces, entre d'une part des "disponibilités engagées" comprenant des apports à hauteur de 55.000 F et des dépenses de train de vie évaluées à 60.000 F et, d'autre part, des "disponibilités dégagées" qui correspondent à des retraits de 29.800 F ; qu'il a été demandé à la contribuable de justifier du solde créditeur de cette balance, ressortant à 85.700 F, alors que ses revenus bruts déclarés, qui relevaient également de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et étaient imposables selon le régime du forfait, s'élevaient à 48.450 F ; qu'eu égard au caractère significatif de cet excédent d'espèces quant à la présomption de la disposition par la contribuable d'autres revenus que ceux qu'elle tirait de son activité soumise à l'imposition forfaitaire, et compte tenu de ce que l'évaluation des dépenses de train de vie, légèrement réajustées par rapport à l'année précédente, ne présentait pas davantage de caractère arbitraire, l'administration était pareillement autorisée à recourir à l'encontre de Mme X... à la procédure prévue à l'article L.16 du livre des procédures fiscales ; que la requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer devant le juge de l'impôt, ainsi qu'il lui incombe de le faire, en se bornant à arguer de la faiblesse du montant en cause ou d'une prétendue évaluation au contraire arbitraire des dépenses de train de vie, l'exagération de la taxation d'office de la somme de 85.700 F sur le fondement de l'article L.69 du livre des procédures fiscales ;
Sur les pénalités restant en litige :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1728 et 1729 du code général des impôts, dans leur rédaction alors en vigueur, que la majoration prévue à l'article 1729 est applicable lorsque la mauvaise foi du contribuable est établie ; que s'agissant des redressements correspondant aux revenus d'origine indéterminée des années 1982 et 1983 l'administration, qui fait valoir seulement que Mme X... "a fourni des explications non corroborées par des justifications précises et indiscutables", n'établit pas, dans les circonstances de l'espèce, la mauvaise foi de l'intéressée ; que, par suite, c'est par une mauvaise application des dispositions des articles 1728 et 1729 du code général des impôts que l'administration a majoré des pénalités de mauvaise foi les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu assignées à Mme X... à raison desdits revenus ; qu'il convient dès lors de substituer les intérêts de retard à cette majoration dans la limite du montant de celle-ci ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de condamner l'Etat à payer à Mme X... la somme de 5.000 F ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 1.254.382 F, en ce qui concerne les compléments d'impôt sur le revenu auxquels Mme X... a été assujettie au titre des années 1982 et 1983, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme X....
Article 2 : Le jugement n 9005504/2 en date du 6 juillet 1995, du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 3 : Les intérêts de retard sont substitués, dans la limite desdites pénalités, aux pénalités pour mauvaise foi dont ont été assortis les compléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de Mme X... au titre des années 1982 et 1983 à raison de revenus d'origine indéterminée.
Article 4 : L'Etat versera à Mme X... la somme de 5.000 F par application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de Mme X... est rejeté.